à 16h : projection atelier : « Images du monde et inscription de la guerre » de Harun Farocki, 75mn/1988
Voici un extrait de Harun Farocki ou l’art de traiter les entre-deux, Christa Blümlinger
(Texte d’introduction à Reconnaître et poursuivre, Harun Farocki, Éd. Théâtre Typographique, 2002, pp 16-17) :
« Conçu à long terme, le travail de Harun Farocki sur la société de contrôle se rattache à la pensée de Michel Foucault. Le titre choisi pour ce recueil par le cinéaste, « Reconnaître et poursuivre » n’est pas fortuit, il renvoie à une double notion du philosophe. L’art de Farocki partage avec la réflexion de Foucault non seulement l’intérêt pour l’examen de la société disciplinaire, la façon dont celle-ci administre et empiète sur la vie, mais aussi la notion d’archéologie comme outil d’analyse des formations et des transformations des discours dont il s’agit d’observer la matérialité - et la médiatisation. J’irai même plus loin : plusieurs traits de parenté mériteraient d’être relevés entre l’écriture filmique de Farocki et le mode de pensée foucaldien, que Deleuze a décrit comme devenir, changement et mutation, comme quelque chose qui s’accomplit dans des « milieux », dans l’entre-deux, « dans la disjonction du voir et du parler » [1]. Comme dans l’écriture de Foucault, chez Farocki les forces sont en mouvement, fusion, transformation, altération perpétuels. »
à 18h30 : Rencontre avec Arlette Farge
« Du singulier au collectif. Les mots et les paroles des classes populaires à travers les archives du XVIII siècle ».
Suivie d’une soupe !
Comment retrouver la trace de ceux que la discipline historique a toujours négligés, et qui pourtant formaient « le peuple » ? Comment percevoir aujourd’hui encore quelques fragments de la vie concrète d’une multitude d’hommes et de femmes que les documents officiels et l’enseignement relèguent dans une marge invisible ?
C’est pour tenter de connaître ce « sujet sans voix » qu’est « le peuple » qu’Arlette Farge, historienne, explore les archives de la Police parisienne du 18ème siècle. A travers ces documents oubliés, soi-disant mineurs - procès-verbaux, comptes-rendus d’incidents urbains, de faits divers... - elle met au jour une mine de témoignages et d’informations sur un peuple citadin foisonnant que le pouvoir redoutait et surveillait sans relâche.
Vivre dans la rue à Paris au 18ème siècle et Le Désordre des Familles écrit avec Michel Foucault, témoignent ainsi de la richesse de ces sources et inaugurent une manière différente d’écrire l’histoire : en faisant des « sans voix » un objet incontournable de la recherche.
Mais Arlette Farge n’est pas seulement une spécialiste du 18ème siècle ; l’histoire, selon elle, n’a de sens que dans le présent et peut permettre d’agir. C’est pourquoi ses travaux revendiquent un engagement dans des luttes telles que le féminisme - participation à l’Histoire des femmes, De la violence et des femmes, Séduction et société, etc. - ou la réflexion sur la pauvreté et la précarité - entre autres Fracture sociale et Sans visages, l’impossible regard sur le pauvre.
C’est donc dans un aller-retour permanent entre passé et présent que l’histoire devient ici un précieux outil de réflexion et d’action politiques.
Jean-Christophe Marti
Lire et télécharger un entretien entre Arlette Farge et Jean-Christophe Marti : Un horizon où passé et présent inventeraient la citoyenneté