La carotte est plus minuscule que jamais, mais, comme la prime unique de 500 euros, elle présente bien pour la galerie.
Nous, les carottés, « les travailleurs pauvres, les salariés modestes, les chômeurs », nous serons évidemment triés, et selon un critère CAF. Car il faudra « bénéficier » d’une allocation logement pour toucher cette prime. Et tant pis pour les SDF, les hébergés, les sous locataires officieux, il fallait la mériter.
Voici la présentation gouvernementale (en pdf) de cette prime qui sera versée en avril 2009. Le Décret n° 2008-1351 du 19 décembre 2008 instituant une prime de solidarité active
Elle ne s’appelle « de solidarité active » que pour servir d’apéritif à la soupe dégueulasse du RSA (revenu de solidarité active) que nous serons entre 3,8 et 4,5 millions à déguster pour des montants... tout ce qu’il y a de plus individuels (au cas par cas, chacun son petit calcul), à l’inverse du RMI, de l’API, deux droits, certes restrictifs, mais collectifs.
Cette micro miette ressemble à la prime pour l’emploi (instaurée en 2001 par le gouvernement Jospin, la PPE est aujourd’hui versée à 9 millions de personnes), c’est à dire à l’une des applications de la doctrine néolibérale formulée il y a des décennies par l’OCDE et nommée « activation des dépenses passives ». Mais cette prime n’y ressemble que par son appellation. En effet, si elle est sélective (avoir ou pas une allocation logement), elle se distingue fondamentalement des mesures d’activations des dépenses passives car elle ne contraint pas plus à l’emploi qu’elle n’y incite. La prime pour l’emploi, il faut 0,4 SMIC annuel de salaire pour y ouvrir droit. Si elle concerne une bonne part des 800 000 « chômeurs » en activité à temps réduit, comme disent les administrations, elle exclut les chômeurs qui ne déclarent pas assez d’heures.
La prime de solidarité active, c’est juste un micro revenu pour pauvres en tout genre, mais soigneusement triés. Cela signifie que cette fois, Sarkozy et son gouvernement font exactement l’inverse de ce que sont leurs objectifs proclamés : ils distribuent un échantillon homéopathique de revenu. Un micro renversement en quelque sorte. De là à conclure que nous somme plus forts, malgré tout, que ce que l’atomisation générale nous fait croire....
L’activation des dépenses passives, c’est tout autre chose. C’est cette conception selon laquelle les allocations chômage et les minima sociaux sont des « dépenses passives » qu’il convient d’activer afin qu’elles servent la mobilisation de la main d’oeuvre (mais où ? et pour faire quoi ?). La reproduction de la force de travail, l’entretien de la main d’oeuvre, se doivent d’être contrôlés, entièrement orientés vers la valorisation capitaliste.
L’autonomie des salariés est requise (statut de l’auto-entrepreneur, etc.) mais dans le même temps cette autonomie ne devrait autoriser ni fuite, ni refus, ni conflits : un ensemble de dispositifs administratifs et moraux -dont la notion d’insertion constitue un modèle- concourt à faire de l’autonomie des salariés (avec ou sans fiche de paie) le fondement d’une irrespirable société concurrentielle. Constatons simplement que pour l’économie, la voie est étroite, il faut à la fois valoriser l’autonomie individuelle et lui donner une forme compatible avec la valorisation.
PPE et RSA sont, chacune à sa manière - si contradictoire, on l’a vu - des mesures typiques de l’activité de gouvernement. Celle-ci vise la conduite des conduites (voir le gouvernement des individus, programme de l’université ouverte 2008-2009).
Elles valorisent, pratiquement et/ou verbalement l’emploi, aussi dégradé, précarisé et inutile soit-il, pour contribuer à la fabrication en série de travailleurs pauvres (un des soucis que pose le travailleur pauvre c’est son obsolescence accélérée en cas d’entretien défectueux : qui ne mange pas ne travaille pas). Mais par cette insistance même, trop disciplinaire pour arriver à une cohérence minimale avec son principe qui est de se fonder sur la liberté des sujets, la gouvernementalité néolibérale révèle sa crise et doit s’appuyer sur des béquilles : l’État pénal et ses murs pour à nouveau discipliner les corps, les petites mythologies jetables du story telling pour unifier des multiplicités indifférentes (ou hostiles) à ses ressorts.
Pour faire passer la formule « le travail paye », martelée par des exploiteurs champions du boniment, on s’empresse de lui donner une valeur « éthique » (« Le travail c’est la liberté », Sarkozy, avril 2007) et l’on promet l’enfer aux récalcitrants. On nous stigmatise (assisté ? toi même !), on nous prévient, on nous menace : « La personne au RSA qui refusera deux fois un emploi, on coupe tout » (Sarkozy, le 27 janvier 2009).
Cette politique produit déjà ses effets : sous l’égide des départements, responsables de l’insertion, on constate un accroissement des freins à l’entrée au RMI, des réclamations d’indus par les CAF, le durcissement des contraintes à la signature de « contrats d’insertion », toujours plus brefs, toujours plus centrés sur l’emploi, des radiations, et puis les effets d’un très libre mouvement de sortie du dispositif (mieux vaut s’évaporer dans la débrouille que de payer le prix du maintien des 400 euros le mois ?).
Mais chacun dans son coin, fort peu de liberté. Lutter est nécessaire, lutter construit la puissance du nous. Nous avons besoin de nous mobiliser pour de nouveaux droits sociaux.
Novembre- décembre 2009 : Des marches contre le chômage et la précarité, pour de nouveaux droits ont commencé dans plusieurs villes. La mairie de Brest est occupée depuis vendredi 20, des actions ont lieu un peu partout.
Il est temps de rejoindre les collectifs existants et d’en créer de nouveaux. Construisons des solidarités !
Samedi 5 décembre une manifestation nationale aura lieu à Rennes, Lyon, Toulouse, Bordeaux, Marseille et Paris.
Avant et après, intensifions les luttes de tous les précaires.
Manifestation contre le chômage, la précarité, pour de nouveaux droits
Samedi 5 décembre à 14h, Place Stalingrad
Chômeurs, intermittents, précaires, ni coupables, ni victimes, en lutte !