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De la légitimité de frauder les minima et de quelques conseils à cette fin

Publié, le samedi 11 juin 2011 | Imprimer Imprimer |
Dernière modification : mardi 18 août 2015


Comme le sussure la ritournelle, tout est à nous, rien n’est à eux, tout ce qu’ils ont, ils nous l’ont volé...

Quand la fraude aux minima sociaux devient légitime

Impose ta chance, serre ton bonheur et va vers ton risque.
À te regarder, ils s’habitueront

René Char

Tandis que nos sommités s’acharnent à vouloir réduire l’impôt sur la grande fortune tout en s’en prenant à l’assistanat et aux bénéficiaires « cancéreux » du RSA, il serait intéressant de nous interroger sur la légitimité pour les plus nécessiteux de recourir à la fraude pour satisfaire leurs besoins élémentaires.

Mauvais arguments

D’abord, éliminons l’idée qu’il puisse y avoir une légitimité à justifier la fraude par le bas au seul prétexte que d’autres ne se gênent pas. A commencer par les margoulins des sommets qui se goinfrent sans vergogne à grands coups de paquets fiscaux et fourberies légales. L’attitude classique du « œil pour œil, fraude pour fraude » ne conduit qu’au désordre, au n’importe quoi et pour finir au triomphe de la loi du plus fort.
Bottons ensuite les fesses aux habituels contre-arguments sentencieux :

• « frauder les minima sociaux est injuste pour ceux qui suent sang et eau à travailler pour un misérable SMIC » : manœuvre classique des plus aisés pour diviser les plus nécessiteux ;

• « la fraude, le travail au noir, les escroqueries en tout genre lèsent et appauvrissent la collectivité » : faux puisque le produit financier de ces prétendues « arnaques » est immédiatement réinjecté dans l’économie réelle ;

• « la loi s’impose à tous » : faut-il encore, comme on va le voir, que la loi soit légitime !

Les droits de l’homme légitiment la désobéissance civile

En réalité, il n’est pas à chercher très loin pour trouver une légitimation à l’acte de désobéissance civile qu’est la fraude aux minima sociaux.

Un seul article de la Déclaration universelle des droits l’homme de 1948, celle-là même qui fonde notre République, y suffit :

« Toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien-être et ceux de sa famille, notamment pour l’alimentation, l’habillement, le logement, les soins médicaux ainsi que pour les services sociaux nécessaires » (article 25)

Dans un pays regorgeant de richesses et des moyens matériels ou humains pour les produire, ceux qui privent une frange de plus en plus importante de la population des moyens financiers suffisants pour satisfaire ses besoins vitaux élémentaires se délégitiment eux-mêmes et délégitiment les lois qu’ils prétendent faire appliquer.

D’insupportables leçons de morale

À l’inverse, ceux que l’organisation sociale et économique d’un pays riche maintient sans raison valable en-dessous du seuil de pauvreté (880 euros en France) sont parfaitement légitimés à recourir à tous les moyens nécessaires pour satisfaire leurs besoins vitaux.

La fraude, le système D, la menue rapine, le travail au noir, la saisie autoritaire des biens de première nécessité qui font défaut peuvent légitimement être considérés comme des armes de légitime défense. Comme le pain de Jean Valjean dans les Misérables de Victor Hugo.

Les malversations des classes dominantes, même légalisées par ces dernières, sont, elles, assimilables à de vulgaires actes de crapulerie sans autre motif que la soif de domination. Que dire alors des insupportables leçons de morale que certains de leurs éminents représentants infligent aux autres ?

« Quand quelque chose nous apparaît non légitime, même si c’est légal, il nous appartient de protester, de nous indigner et de désobéir » (Stéphane Hessel)

Source : Chroniques du Yéti

Précisions : L’article 25 de la DDHC n’est pas retenu dans le bloc constitutionnel de 1958 qui se limite aux 17 premiers articles. On retrouve néanmoins son équivalent dans l’article 11 du préambule de la Constitution de 1946, qui lui fait parti de ce bloc, je cite :

11. Elle (la Nation) garantit à tous, notamment à l’enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs. Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l’incapacité de travailler a le droit d’obtenir de la collectivité des moyens convenables d’existence. (source Legifrance.)

Quelques conseils...

Avec le battage travailliste forcené qui vient de reprendre à droite, cela fait du bien que d’autres points de vue s’expriment.

On pourra consulter les éléments du débat public tel qu’il est présenté dans le journal officiel de tous les pouvoirs, et aussi la prose d’Actuchômage à ce sujet, ici ou

Oui, de ces minima, il est légitime de contourner l’insuffisance et l’arbitraire par la fraude. Et ni monsieur Hessel, ni l’indignation n’ont à voir avec cela. C’est affaire de nécessité et de choix, d’acte et pas de posture morale.

Il faut souligner un paradoxe, tout comme la loi crée... des illégalismes, ces minima imposent, par leur fonctionnement même, des modalités de fraude. Exemples.

Faire mine d’être « isolé »
Le fait que le RMI/RSA ne soit pas un revenu individuel conduit à essayer de dissimuler, lorsque c’est possible, toute vie maritale ou non isolée. En effet se déclarer en couple revient, si le, la conjoint/e dispose d’un revenu (salaire, alloc chômage, AAH, etc.) supérieur ou égal à 587 euros, à être privé de RSA. Lorsque le conjoint gagne moins, cette somme sera néanmoins déduite du droit versé : celui-ci est dégressif en fonction de la taille et des revenus du ménage. Pour obtenir les 410€ d’un RSA individuel et pas la moitié d’un RSA couple (587€ divisés par deux, soit 293,50€), on doit donc essayer de rentrer dans les clous de l’« isolement », quitte à se doter d’une existence administrative relativement distincte de la vie réelle (être scindé, un peu de schizophrénie créatrice en somme). Ce que la CAF sait pertinemment, elle qui suppose lors de des contrôles et visites domiciliaires que les allocataires « isolés » ne le sont pas (ce quelle a à charge de 5prouver et ne peut se contenter d’affirmer).

Se dire non étudiant
Ces revenus sont souvent officiellement destinés à favoriser l’insertion (on veut notre bien, c’est sûr...), mais ils sont interdits à bon nombre de ceux qui justement... s’insèrent. Ainsi le RSA est-il interdit aux étudiants... sauf de très rares cas ou une reprise d’étude s’effectue, avec l’aval du Conseil général, dans le cadre de l’insertion. Si passé 25 ans on a pas de bourse, de parents qui soutiennent, un taff ou plusieurs qui permettent de subvenir à ses besoins, et lorsque rien de tout cela ne suffit, il est alors logique de chercher à dissimuler la poursuite ou la reprise d’études. Pour s’inscrire au RSA (qui se cumule partiellement avec des emplois déclarés mal payés), il faut juste éviter d’être à la sécu étudiant (avoir la Sécu salarié, chômeur, ou la CMU) et/ou d’être déclaré à charge des parents sur leur déclaration fiscale annuelle. Ou en tout cas expliquer que c’était le cas avant mais que tout ça est terminé.

Jeunes : faire couple pour un demi RSA
Pour les moins de 25 ans qui n’ont pas droit au RSA (cette interdiction d’accès est une contribution socialiste aux inégalités qui date de la création du RMI, en 1988), sauf si ils ont au moins un enfant, il est une voie d’accès : se déclarer en concubinage ou se pacser avec un allocataire du RSA permet d’accéder à une fraction d’un RSA désormais calculé pour un couple. On voit donc des formes d’entraide où un allocataire accepte de se déclarer en couple pour qu’une autre personne interdite de RSA en raison de son âge puisse toucher les 177€ qui s’ajoutent au 410€ du RSA de l’isolé...
Ces montants s’appliquent dans le cas de deux personnes à qui la CAF déduit le forfait logement. Si elles peuvent se déclarer sans domicile (en se faisant héberger administrativement auprès d’une association soigneusement choisie pour éviter « suiveurs » et « inséreurs » forcenés, ou d’une personne de leur choix, sans y être pour autant « domiciliée », c’est à dire y habiter), ou sans domicile stable (hébergées de ci de là), ce sera 700 au total ( 467 pour l’allocataire, 233 pour son « conjoint », si on choisit ce mode de répartition).
Attention :
• comme pour les étudiants, il ne faut pas figurer sur la déclaration d’impôts des parents. Avec l’inflation du contrôle, les fichiers CAF, Trésor Public, Pôle emploi, Intérim sont interconnectés.
• cela suppose un peu de soin (ne pas avoir d’existences administratives visiblement contradictoires, se faire adresser tous ses courriers administratifs au même endroit) et une relation de confiance, histoire d’être en mesure de suivre correctement son dossier (avoir les infos sur les courriers reçus en temps et en heure, etc.), de pouvoir jouer le jeu - ce qui ne veut pas dire se soumettre - avec le maximum de cartes en mains ; histoire aussi que l’allocataire, qui reçoit le virement de la CAF, reverse bien la part du « conjoint », considéré lui comme « bénéficiaire » et non comme allocataire en titre.

Le RSA n’étant pas, on le voit, un revenu individuel, mais calculé selon la composition du « ménage », on consultera le site officiel pour se renseigner depuis sa propre situation, ses propres pistes http://www.rsa-revenu-de-solidarite....

On pourrait citer bien d’autres exemples de fraude, de moyens de se défendre (ainsi ne pas aller aux convoc de Pôle emploi, voire ne pas leur répondre au téléphone, est-il censé être illégitime et punissable de radiation mais en fait....). Il faudrait évidemment le faire pour partager le plus largement possible les manières de ne pas perdre sa vie à la gagner et d’éviter un dénuement trop brutal. Vous pouvez d’ailleurs nous envoyer recettes et conseils à permanenceprecarite cip-idf.org. Nous publierons ce qui peut l’être sans causer de dommages aux allocataires et ayant droits, assorti de l’anonymat de rigueur.

Pour les Parisiens, avec ou sans fraude, un petit mode d’emploi de l’aide sociale municipale de la ville la plus riche du pays :
À Paris comme ailleurs : Arr€t€z vos salad€s, balanc€z l’os€ill€ !

Quoi qu’il en soit de l’ignominie de la droite, n’oublions pas de prendre la mesure de la responsabilité historique et actuelle de la gauche, toute catégories et boutiques confondues, dans la stigmatisation des « assistés » (et c’est pas des patrons qui vivent du travail des autres que parlent ces gens lorsqu’ils emploient ce terme...). Par ses pratiques, ses mesures et ses discours, la gauche a fourni des appuis concrets aux saloperies que se permet la droite.

Qui se souvient que bien avant le « travailler plus » sarkozyste de 2007, Lionel Jospin avait, dès 1998, alors qu’il était premier ministre, répondu à une mobilisation massive des chômeurs et précaires en disant « préférer une société de travail à l’assistance » ? Qui peut raisonnablement croire que la doctrine socialiste ait été modifiée sur ce point ?

La précarité se développe depuis plus de 30 ans mais c’est l’angle mort de la gauche comme des syndicats. Ce qui est en cause c’est l’indécrottable (?) idéologie du travail qui les conduit à défendre l’économie, c’est à dire la politique du capital. Et attention, on a pas fini d’en voir les effets.
L’automne dernier, on a commencé à nous expliquer que les retraités abusaient de faire payer les jeunes et de les plonger dans le dénuement avec leurs droits à pension. De vrais parasites ! Des assistés ! On a désormais tous une dette à la société. C’est bien ce qu’il s’agit d’abolir...
En vrai, on sait que pour beaucoup de nous, entrés sur le marché du travail depuis le début des années 70’, il n’y aura pas de « retraite complète » car toute une vie d’emplois discontinus et de chômage mal ou non-indemnisé ne permettra pas d’atteindre les 40 annuités requises.

Les effectifs du « minimum vieillesse » étaient en baisse (des droits à pension supérieurs devenant accessibles), ils ont recommencés à croître depuis quelques années. Sait-on que la première réforme qu’envisage le PS dès juin 2012, si leur candidat est élu, c’est une réforme des retraites ? Se souvient-on que le « comité d’orientation des retraites », qui a défini la réforme de 2010, avait été créée par Jospin ?

La gauche compte sur le bilan de Sarkozy et son discrédit pour l’emporter, mais que propose-t-elle ? Actuellement, dans les départements, elle gère le RSA. C’est donc elle qui coupe les allocs, diligente les visites domiciliaires de la CAF, cherche à imposer des stages de merde et des emplois sans intérêt. Hollande promet un peu de blé pour les étudiants, à condition qu’ils satisfassent, en plus de leurs études, à une contrepartie... Royal, eh bien elle, elle garde sa petite cuillère en argent et vient de se déclarer d’accord pour 5h de travail hebdo au minimum pour les RSAstes... (et pour l’encadrement militaire des déscolarisés, la gauche de droite est toute bien décomplexée, ça roule...).

Le chômage n’est pas l’envers du travail mais l’un de ses moments.
Alors que l’on cesse de soumettre nos vies à la (fausse) mesure du travail, l’emploi. Le verrou que le calcul de la durée d’emploi impose à l’encontre des droits, eh bien il doit sauter ! Sinon l’insécurité sociale « nouvelle » ne va cesser de s’aggraver.

Ce qui est nécessaire avant tout c’est que les premiers concernés prennent leurs affaires en main, agissent, rejoignent et créent des collectifs de chômeurs, précaires, intermittents. Elle serait où l’alternative ?

Après tout, nous sommes tous des irréguliers de ce système absurde et mortifère, autant partir de là.

Une lecture complémentaire, sachant que des agents contrôleurs Caf procèdent à 300 000 intrusions au domicile chaque année :

Face aux contrôles domiciliaires de la CAF, quelques conseils - Les CAFards

Pour ne pas se laisser faire, agir collectivement :

Permanence CAP d’accueil et d’information sur le régime d’assurance-chômage des intermittents du spectacle, lundi de 15h à 18h. Envoyez questions détaillées, remarques, analyses à cap cip-idf.org.

Permanences précarité, lundi de 15h à 18h. Adressez témoignages, analyses, questions à permanenceprecarite cip-idf.org.

À la CIP
Commune libre d’aligre, 3 rue d’aligre, Paris 12e
Tel 01 4034 5974



La coordination a dû déménager en mai 2011 pour éviter une expulsion et le paiement de près de 100 000 € d’astreinte. Provisoirement installés dans un placard municipal de 68m2, nous vous demandions de contribuer activement à faire respecter l’engagement de relogement pris par la Ville de Paris, contribuer à imposer un relogement qui permette de maintenir et développer les activités de ce qui fut de fait, quai de charente, un centre social parisien alors que le manque de tels espaces politiques se fait cruellement sentir.

Pour mémoire Nous avons besoin de lieux pour habiter le monde.

Novembre 20011, le socialisme parisien à l’oeuvre, 14 quai de Charente, opération d’éventrement sans relogement de la coordination intermittente et précaire :



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