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Économie du non-recours : 1 650 000 pauvres boudent le RSA

Publié, le jeudi 22 décembre 2011 | Imprimer Imprimer |
Dernière modification : mardi 21 août 2012


Le non-recours aux droits sociaux [1], c’est quoi ? une forme d’austérité autogérée ?
Une récente évaluation du RSA, résumée ci-dessous par un article du Canard Enchaîné, révèle l’ampleur du non-recours à cette prestation. Pour les 5,3 milliards d’€ d’économie réalisés chaque année, le gouvernement devrait remercier toutes ceux qui ne passent pas par la case d’un RSA auquel ils auraient pourtant droit... Mais il a mieux à faire et encourage ce prudent retrait du social.
On connait la rengaine,l’économie c’est la LA loi. Disposer d’une pension de retraite, prendre un arrêt de travail, sont autant d’abus. Car lorsque le chômage n’est plus l’envers du travail mais l’un de ses moments, le social c’est le vol.Les campagnes de dénonciation et de chasse à la « fraude sociale » présentent bien des avantages. Elle permettent de diviser les salariés, au chômage ou/et en poste alors que la catégorie des « chômeurs en activité à temps réduit » qui dépendent à la fois d’allocations et de salaires issus de l’emploi est de plus en plus peuplée, que plus personne ne sait où serait la frontière, que chacun est appelé à passer par le chômage, l’emploi discontinu.

Nous sommes bien gouvernés [2], conduits, capturés. Mais alors, comment respirer [3] lorsque l’on est plongé dans les eaux glacées du calcul égoïste ?

Ces salauds de pauvres qui boudent le RSA

Ils sont 1,6 million de fauchés qui renoncent à affronter les démarches pour le toucher. Soit par découragement, soit par manque d’information... soit par choix.

Le discours sur le « cancer » des assistés va prendre du plomb dans l’aile : Non, les pauvres ne pompent pas les finances de l’Etat jusqu’à la moelle. C’est le très officiel rapport du Comité national d’évaluation sur le RSA, remis ce 15 décembre à Roselyne Bachelot, qui le démontre. Plus de 1 million de foyers qui vivotent avec quelques heures de boulot et pourraient donc toucher un complément de salaire via le RSA « activité » ne le réclament pas. Un million ! Soit les deux tiers des ayants-droit qui regardent passer les plats.

Idem pour les chômeurs en fin de droit. Ils sont 1,8 million qui ne bossent pas du tout et pourraient bénéficier d’un RSA complet. Mais plus d’un tiers - 650.000 - ne le demandent pas. Et ils y perdent : pas vraiment gloutons, ces pauvres laissent ainsi filer 249 euros par mois en moyenne. « On est loin du discours selon lequel les gens grappillent un maximum d’aides », ironise Nicole Maestracci, représentante des associations au sein du Comité national d’évaluation.

Bande d’ingrats

Principale raison de ce manque d’entrain : le RSA est une sacrée usine à gaz, pas bien connue et beaucoup plus compliquée que le RMI, qu’il a remplacé en 2009. La moitié des travailleurs précaires ne savent pas qu’ils peuvent cumuler boulot et RSA, révèle le rapport. L’étude est carrée : 3.500 personnes ont été interrogées individuellement. Et les résultats sont plutôt décoiffants.

Parmi les nombreux foyers qui ne réclament rien, beaucoup ne le font pas par ignorance mais par choix. Quatre sur dix préfèrent « se débrouiller autrement ». Et près de 30% d’entre eux y renoncent « par principe » [4], parce qu’ils n’ont « pas envie de dépendre de l’aide sociale ou de devoir quelque chose à l’Etat » [5]. Un chiffre pas franchement claironné par nos politiques.

Avec tout ça, l’État fait de jolies économies : 5,3 milliards d’aides non distribuées en 2010 ! « C’est une économie sur le dos des pauvres », râle Martin Hirsch, l’inventeur du dispositif. Il réclame « une vaste campagne d’information », mais l’État n’est pas pressé. Le RSA a coûté 7 milliards l’an dernier. Alors, ajouter 5 milliards en temps de crise...

Les auteurs du rapport, eux, se grattent la tête. Si le RSA est boudé en raison d’« un faible intérêt pour l’allocation » ou « un refus de principe », écrivent-ils, « une meilleure information, pour souhaitable qu’elle soit, ne suffira pas à résoudre le problème ». Salauds de pauvres qui refusent d’être aidés !

Formulaires de rien

« On sent chez les gens une lassitude à faire des démarches et à être stigmatisés », note le sociologue Philippe Warin qui a créé l’Odenore, un groupe d’études sur ce phénomène de « non-recours » à l’assistance sociale.

Car le RSA n’est pas la seule prestation dédaignée. Trop compliquées ou mal connues, un tas d’autres aides ne sont pas réclamées. Ce phénomène, ignoré, est tellement fréquent que l’Observatoire national de la pauvreté y consacrera un colloque le 12 mars prochain. Le talent de nos têtes pensantes à monter des labyrinthes administratifs est en effet infini. Et décourageant à souhait. Près de 400.000 personnes qui pourraient avoir droit à une couverture complémentaire gratuite (CMU-C) s’en dispensent. Pour l’aide à l’acquisition d’une complémentaire santé (ACS), c’est encore mieux : 80% de non-réclamations. Idem pour les tarifs sociaux du gaz ou de l’électricité.

Les fauchés ne se pressent pas non plus aux guichets des caisses d’allocations familiales (CAF) : « Pour 1 euro de fraude, il y a 3 euros de rappel de prestations non versées au départ », souligne Philippe Warin. Et ces rappels ne sont qu’une goutte d’eau dans l’océan des prestations à jamais perdues. « Du coup, on a du mal à sensibiliser les collectivités ou l’administration sur le sujet. Ils nous disent : « Ouh la la ! ça va faire mal au budget ! » » Mieux vaut continuer de noyer les allocataires sous des montagnes de formulaires.

Depuis 2009, les CAF [6] passent au peigne fin 10.500 dossiers par an pour détecter les fraudes [7]. « On pourrait en profiter pour repérer les allocations non réclamées [8] explique notre sociologue. Mais la Caisse nationale a refusé. » La chasse aux fraudeurs, c’est beaucoup plus porteur.

Isabelle Barré
Le Canard Enchaîné

Écart et bouts de ficelles : Voler, c’est frauder.

Nous sommes tous des irréguliers de ce système absurde et mortifère - L’Interluttants n°29, hiver 2008/2009

Beaucoup d’argent parce que je suis nombreux



Notes :

[3En 2003, la coordination proposait des éléments de réponse à l’angoisse concurrentielle, par exemple avec cet énoncé : La puissance du nous ; plus récemment, Choming-out nous rappelle que Les désirs ne chôment pas

[4Pour ce « principe » si bien inculqué, merci qui ? Eh bien tout d’abord merci aux socialistes qui, avant le « travailler plus » de Nicolas Sarkozy, avaient stigmatisé l’assistanat. C’est dès 1998 que le premier ministre Lionel Jospin, en réponse aux mobilisations de chômeurs et précaires affirmait « préférer une société de travail à l’assistance ». Lorsqu’il dénonce aujourd’hui « le cancer de l’assistance », l’ignoble et richissime Wauquiez, loin d’inventer ce discours crapuleux, marche sur les traces des oligarques de la gauche travailliste...

[6On ne devrait pas mettre les pieds dans ces lieux, seul, accompagné ou en groupe, sans avoir lu Salariés de la caisse d’allocations familiales, chômeurs, précaires résistons à l’entreprise CAF ! , histoire de mieux comprendre ce qui se joue là, des deux côtés du guichet et en back-office.

[7Et continuent d’effectuer 300 000 « visites domiciliaires » par an, voir : Face aux contrôles domiciliaires de la CAF, quelques conseils - Les CAFards.

[8Il en est de même avec les prestations distribuées par les centres d’action sociale municipaux. Pour prendre connaissance des possibilités en la matière à Paris, voir l’exemple des « aides exceptionnelles » du CASVP : À Paris comme ailleurs, arr€t€z vos salad€s, balanc€z l’os€ill€ !, sans oublier d’en parler autour de vous aux intéressés ! Comme la Ville de Paris tient à son AAA et restreint actuellement l’accès à ces mesures, merci de témoigner de vos expériences en la matière en écrivant à permanenceprecarite cip-idf.org ou en passant à la permanence le lundi à 15h.

Pour ne pas se laisser faire, agir collectivement :

Permanence CAP d’accueil et d’information sur le régime d’assurance-chômage des intermittents du spectacle, lundi de 15h à 17h30. Envoyez questions détaillées, remarques, analyses à cap cip-idf.org

Permanences précarité, lundi de 15h à 17h30. Adressez témoignages, analyses, questions à permanenceprecarite cip-idf.org

À la CIP, 13bd de Strasbourg, M° Strasbourg Saint-Denis
Tel 01 40 34 59 74

La coordination a dû déménager pour éviter une expulsion et le paiement de près de 100 000 € d’astreinte. Provisoirement installés dans un placard municipal de 68m2, nous vous demandons de contribuer à faire respecter l’engagement de relogement pris par la Ville de Paris. Il s’agit dans les temps qui viennent d’imposer un relogement qui permette de maintenir et développer les activités de ce qui fut de fait un centre social parisien alors que le manque de tels espaces politiques se fait cruellement sentir.

Pour contribuer à la suite :

• faites connaître et signer en ligne Nous avons besoin de lieux pour habiter le monde.

• indiquez à accueil cip-idf.org un n° de téléphone afin de recevoir un SMS pour être prévenus lors d’actions pour le relogement ou d’autres échéances importantes.



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