Le plateau de Palermo, Palermo. Contre le mépris des gouvernants, il y encore bien des murs à faire tomber.
Nous sommes venus rencontrer cet après-midi les équipes du Théâtre de la Ville et du Tanztheater Wupperttal en ce moment crucial où après l’agrément donné par le gouvernement à la nouvelle convention d’assurance chômage, la saison des festivals doit s’ouvrir. Notons le cynisme et la désinvolture du gouvernement qui agrée cette convention onze ans jour pour jour après la signature du protocole du 26 juin 2003 qui a provoqué la déflagration que l’on sait. C’est ce qu’on appelle avoir le sens de la date anniversaire !
Partout, des assemblées ont lieu, des spectacles sont annulés, des équipes d’intermittents et de permanents se mettent en grève. Dans le théâtre même où nous intervenons, les équipes se réservent le droit d’exercer leur droit de grève.
Plus largement, des fermetures de Pôle emploi, des occupations de chantiers tels que celui de la Philharmonie à Paris, le blocage de plateformes logistiques de la grande distribution telle celle d’Amazon à Lille, des actions communes avec les intérimaires telle que celle de lundi dernier à l’aéroport de Roissy témoignent qu’il ne s’agit décidément pas que de « spectacle » ou de culture.
Cette nouvelle convention touche les salariés dans leur ensemble. Elle rabote une fois de plus les droits des chômeurs et son innovation majeure, les droits dits « rechargeables » ne fera que pousser plus encore vers la précarité un nombre croissant d’entre nous, à travers des logiques qui ne sont pas sans ressemblance avec l’esprit des fameuses lois Hartz instituant les one euro jobs que nos amis allemands connaissent bien.
L’équipe du du Tanztheater Wupperttal pourrait en témoigner : le modèle qu’on veut nous imposer ici est le même que celui qui a été mis en œuvre en Allemagne où l’on a détruit les droits des chômeurs pour atteindre un plein emploi précaire. Outre Rhin, un quart des salariés sont des salariés pauvres.
Nous ne voulons pas de ce modèle. Nous refusons la perspective que l’emploi discontinu et le chômage soient nécessairement synonyme d’absence de droits ou de droits trognons. Aujourd’hui, avec cette convention anti chômeurs, c’est l’annexe 4, celle des intérimaires et des extras, qui est balayée, et nous savons pertinemment que si nous ne nous mobilisons pas les annexes 8 et 10 sont au menu de la prochaine négociation.
Ce n’est pas la promesse d’une énième concertation avec les « acteurs du dossier de l’intermittence » qui va nous rassurer ; nous n’oublions pas qu’une mission parlementaire a planché sur le sujet pendant 6 mois l’année dernière pour que ses conclusions soient jetées aux orties par les partenaires asociaux. La coordination nationale qui se tiendra en Avignon les 2 et 3 juillet prochains statuera sur notre participation à cette concertation et sur les suites à donner au mouvement.
Nous savons trop bien que le chômage n’est plus l’envers du travail mais l’un de ses moments ; c’est sur cette réalité occultée que nous prenons appui avec toute la détermination nécessaire. Disons seulement que si le gouvernement était véritablement attentif au sort de tous les précaires, il prendrait en charge le recul sur le différé d’indemnisation de tous les salariés concernés, et non celui des seuls intermittents du spectacle...
Ce que nous défendons, nous le défendons pour tous.
Ce qui a été fait peut être défait.
Nous nous y emploierons sans trêve jusqu’à obtenir gain de cause.
15h Après le rdv un trajet groupé
Le Théâtre de la ville est actuellement occupé par plus de 200 manifestants.
Dans ce théâtre, la direction organise des simulacres d’AG, les grévistes ont décidé de ne plus s’y rendre.
Les occupants invitent les équipes à les rejoindre pour une assemblée générale, ainsi que tout précaire, intérimaire, allocataire du RSA, stagiaire, intermittent prêt à rejoindre la lutte pour de nouveaux droits.
16h27
Une assemblée générale débute dans la salle du théâtre de la Ville. Les danseurs de Palermo, Palermo commencent à arriver, les techniciens également.
L’entrée des spectateurs est prévue pour 16h30.
16h46
L’équipe de Pina Bausch est sur le plateau, on discute.
Annoncé au public : « La situation est très difficile, le spectacle en commencera pas avant 17h30, la situation est très difficile... »
Installation dune banderole sur la façade du théâtre depuis l’habillage.
16h47
Les CRS sont arrivés, une quinzaine de camions. Il pleut, il mouille, les calots prenants l’eau.
16h50
Un groupe est parti faire des photocopies, nous souhaitons les diffuser aux spectateurs.
Une foule de manifestants est en train de les accueillir dans le hall.
Le directeur du théâtre de la Ville et du Festival d’automne, Emmanuel Demarcy-Mota, un proche de la mairesse socialiste de Paris, Madame Hidalgo, vient d’arriver. Il doit être bien embêté [1]...
Le directeur du Tanztheater Wuppertal discute avec des manifestants, il ne souhaite pas prendre de décision d’annulation ni prendre position. Se dit « très mal à l’aise, comme invités ici, nous avons exprimé notre solidarité », dit-il.
« Cette compagnie a toujours tenu à s’exprimer à travers ses spectacles et n’a pas le droit de s’insèrer dans le processus lui même ».
Il demande notre compréhension. Même en Allemagne, « il ne s’exprime pas sur la politique ». Nous lui réponse que si notre présence lui parait agressive, nous en sommes désolés mais nous avons besoin de parler de droits sociaux, tous ensemble, avec les gens qui travaillent ici ou vont au théâtre, avec tous et partout.
Est ce que la solidarité verbale peut suffire ? Question sur ce que rapporte le spectacle. Réponse : Ni La cie, ni le théâtre de la Ville ne gagnent d’argent avec ce genre de spectacle. L’état allemand finance pour moitié.
Il dit qu’il suivra la décision du théâtre.
Bon accueil du public, une pétition tourne en bas.
16h53
FR3 est sur place, à l’extérieur (pas dans l’Ag), un petit groupe va aller leur parler dehors.
16h58
Un danseur de la troupe laisse parler le directeur, puis il fait le signe qu’il a la bouche fermée.
17h06
900 personnes dans le hall.
Le directeur du théâtre de la Ville, Emmanuel de Marcy Mota nous dit que la compagnie s’est exprimée en disant qu’ils voulaient jouer ; qu’à titre « personnel » il s’est déjà exprimé contre l’agrément de la convention Unedic (?). L’ensemble du personnel, dit-il, a produit un communiqué qu’il lit.
Ok pour proposer un temps de discussion mais pas d’annulation de son fait.
17h38
Ça y est, nous diffusons le communiqué à l’extérieur. Retard sera pris. Rien n’est fait. La violence du moment, dans toutes ses dimensions, est débattue de manière contradictoire lors de véritables discussions.
17h48
Dans le hall, une partie des spectateurs reprend avec nous « chômeurs, précaires, intermittents, cheminots et postiers, avec ou sans papiers, solidarité ! ». D’autres, moins nombreux, se montrent très hostiles à l’action en cours.
Dans la salle, l’AG continue.
18h15
Le directeur Demarcy-Mota s’adresse aux spectateurs, se dit opposé à l’accord Unedic mais contre l’annulation de la représentation.
Question en provenance du public : « Ils vont être payés en heures supplémentaires s’ils commencent maintenant ? »
18h30
Le public attend le résultat de l’AG.
18h33
L’annulation a été votée après deux heures d’ag, contre l’avis des directions. Les personnels présents ne se sont pas exprimés publiquement mais nombre d’entre eux ont dit discrètement qu’ils ne pouvaient le faire... Ici on blackliste, ici on intimide. Ce blocage est une action solidaire avec des salariés qui sont dissuadés chaque jour de s’écarter de la position de leurs patrons .
Le Théâtre de la Ville est celui d’une mairie fort riche qui expulse les précaires et fait intervenir la police contre les manifestants. 900 billets à 35 € (tarif unique dit le site du Théâtre) = 31 500 € perdu pour cette ville qui se voudrait Hec CAC 40 au mépris d’une bonne part de sa population [2].
Les manifestants vont annoncer l’annulation aux spectateurs et les inviter à l’assemblée générale. Huées et applaudissements.
18h50
Des spectateurs donnent leur ticket afin que la coordination se les fasse rembourser pour abonder la caisse de grève [3].
19h06
Assemblée générale avec la participation des spectateurs. On y parle du chômage dans son ensemble et des droits des chômeurs en tous genres en particulier. 400 personnes sont ainsi réunies pour un débat public qui n’a usuellement pas droit de cité, une question laissée aux experts et aux décideurs [4] qui chaque jour organisent l’existence des autres : dans quelle société voulons nous vivre ?
20h20
La direction du Théâtre
40 spectateurs ont donné leurs billets, il s’agit très majoritairement de places sur strapontins à 24€, environ 1000 euros ont ainsi été recueillis pour la grève.
21h
L’assemblée se termine.
Lundi 30 à à 19h, AG unitaire à la bourse du travail
Salle Ambroise Croizat, 3 rue du Château d’Eau, Paris 10e, métro République.
Il n’y a pas d’autre alternative au sauve-qui-peut que la solidarité en actes : C’est chacun pour tous que nous gagnerons.
Agir je viens.