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Une journée avec les intermittents

Publié, le dimanche 16 mai 2004 | Imprimer Imprimer |
Dernière modification : dimanche 16 mai 2004


Non, nous ne sommes pas intermittents du spectacle. Mais nous avons décidé de partir avec eux de Paris, vendredi soir 14 mai, 22 heures, pour Cannes. Pendant une journée, nous avons combattu, à leurs côtés, le protocole qu’ils dénoncent depuis plusieurs mois. Nous ne sommes pas intermittents - et nous n’étions pas seuls-, il faut que ça se sache. Nous sommes tous venus par l’appel lancé par les intermittents. Pourquoi ? Non parce que nous sommes nous-mêmes intermittents mais parce que nous faisons tous partie de la même communauté politique. Il en va de notre volonté de mener les affaires qui nous concernent, celles de l’espace politique, auquel nous appartenons chacun.

La cause des intermittents du spectacle et précaires est juste. Les Français doivent le savoir et ne peuvent se détourner de l’intérêt immédiat de ces gens-là, évidemment lié à notre intérêt à tous.

Evidemment, avant de partir, nous en étions déjà conscients : les stratégies du pouvoir sont en marche, qui nous font nous détourner le regard des revendications des intermittents ou bien les détester avec le plus grand mépris. La division d’abord, et les medias ne sont pas exempts de reproches : que signifient par exemple des reportages sur les manifestations de petits commerçants cannois « en proie » à l’action brutale des intermittents ? Que cherche-t-on à faire sinon à monter les unes contre les autres des personnes qui ont des intérêts on ne peut plus proches ? Il est trop surprenant de voir un tel affrontement pour qu’il soit spontané. Pourtant, le résultat est probant : certains commerçants étaient effectivement très remontés voire haineux, arguant avec fierté la valeur travail, comme on brandit un drapeau du Front national un 1er mai rue de Rivoli. La diversion, ensuite : l’action des intermittents est sans cesse montrée sous son aspect le plus nuisible, aux finances, à l’ordre public, au déroulement normal de la journée de chacun. Certes, avouons-le, nous préférons des informations légères sur les manifestations qu’essayer de comprendre au fond les problèmes posés. Mais combien de fois a-t-il été expliqué aux Français ce dont il s’agit dans le cas des intermittents ? Et puis vient la troisième stratégie, celle par laquelle le pouvoir politique est porté à faire comprendre que le problème des intermittents est trop complexe pour être accessible à des non-spécialistes. Erreur ! C’est oublier que ce sont ces mêmes spécialistes qui complexifient les choses par leur manque de courage et sûrement pour les rendre encore plus inaccessibles au commun des mortels.

On ne peut, nous citoyens, fermer les yeux sur la cause des intermittents sous l’action de division et de diversion du pouvoir.

Venons-en à cette journée qui nous a révélé de façon encore plus frappante l’adversité à laquelle, depuis longtemps, font face ces engagés.

L’engagement extérieur est mou. 13H : pique-nique sur la plage à l’invitation de réalisateurs. Où étaient-ils ? Du sable, des caméras, des corps nus de touristes mais les réalisateurs où étaient-ils ? Et pourtant, ils soutiennent ouvertement les intermittents. 15H : manifestation. Michael Moore est venu, José Bové aussi, c’est sympathique. Ce fut l’histoire de 10 minutes pour le premier (dont 7 à se frayer un chemin, 1 à parler et 2 consacrées à la traduction). Quand on connaît la pugnacité d’un Michael Moore, on ne peut qu’être déçu par une sortie aussi fugitive du Carlton, lieu qui contraste évidemment avec le dénuement matériel de ses films. Le monde du spectacle soutient massivement les intermittents ; les parlementaires aussi se sont prononcés pour l’abrogation du protocole. D’abord, l’information n’est pas passée dans les médias -curieux ?- et puis combien se sont déplacés pour manifester ? On l’a compris. Les artistes sont engagés mais de loin, ça pourrait faire des tâches ; tâche, les politiques le font désespérément. N’empêche la concentration médiatique est à son summum devant ces gens qui n’ont rien à dire ou tellement peu de choses. Réveillez-vous !

Le mouvement est pacifique. Le mot d’ordre est catégorique et unanime : pas de violence, pas de brutalité. Il n’y en a pas eu. Et pourtant, le résultat, après coup est le même, le soir, devant le petit écran : altercations, bagarre avec les forces de l’ordre. Malheureusement les médias n’ont souhaité retenir que cela ; on aurait aimé qu’ils parlent de tous ces gens raisonnables, engagés mais aussi au désespoir que l’on a rencontrés. C’était sans compter sur la stratégie honteuse des forces de police : comme à l’habitude, des policiers en civils ont frappé, insulté des intermittents pour engager des échauffourées. Qui voit cela ? Personne. Lorsqu’il s’est agi de défendre les six camarades arrêtés abusivement par la police, c’est à un mouvement pacifique que la police a répondu par la violence et a par la même occasion blessé un journaliste de France 3.

15 mai, 22 heures. Nous quittons Cannes pour Paris. Nous avons compris que nous avions affaire à une cause juste, encore plus lorsqu’elle est associée à celle des précaires en général, défendue par des gens raisonnables et honnêtes. Parfois poussés à la maladresse, envers leurs concitoyens, par révolte ou provocation politique ou policière.

Nous, citoyens, devons défendre le régime spécifique des intermittents du spectacle. Il est gage de diversité culturelle et d’innovation. Nous avons trop déconsidéré leur appel jusqu’à présent. Aucun appel n’a mérité autant de désinvolture de notre part. Seulement, les intermittents sont peu nombreux et anonymes, peu savent ce que font exactement ces gens. Pourtant, leurs rares actions, par leurs conséquences, nous offrent à voir la centralité de leur rôle dans la société. Le combat des intermittents et précaires est aussi symbolique. Symbolique d’une action politique gouvernementale qui se résume à la réduction, la suppression et la contrition, le tout sans conviction. Enfin, l’appel des intermittents est grave. C’est toute la sphère du spectacle, dans sa diversité, qui est en jeu. C’est donc de l’intérêt général dont il est question. Pas de l’intérêt d’une catégorie en soi. Il est curieux quand même, qu’il y ait tant de monde à critiquer le corporatisme des intermittents et presque personne pour faire porter la critique corporatiste sur le MEDEF - partie prenante aux négociations -, haut lieu de défense des intérêts particuliers, des intérêts de quelques uns.

Citoyens, le monde politique va mal. Aujourd’hui, les intermittents en font les frais. Défendons-les ! Au nom de notre intérêt à tous. Au nom de l’intérêt général.

François Morin
Diplômé d’HEC

Edouard Bougueret
Interne en médecine





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