

Malgré une négociation pour un petit temps de parole au journal de 8h (on est en place là !), la direction nous coupera et enverra de la musique
Emission disponible en intégralité en téléchargement, voir plus bas dans la page.
Merci à Ricar
18 janvier 2005 - Action
Après avoir choisi de changer de studio pour diffuser les propos du porte-parole du gouvernement Jean-François Coppé, la direction de Radio France a finalement accepté de diffuser à 8H45 une interview de trois occupants des studios du « 7 à 9 », pendant une quinzaine de minutes (2 participants à la coordination des intermittents et précaires d’île de France, 1 à AC !, Agir ensemble contre le chômage).
Les manifestants ont ainsi pu rappeler qu’en dépit des aménagements concédés par l’Unédic et le gouvernement (dont la reconduction des mesures d’urgences), la circulaire Unédic du 30 décembre 2004 (voir ici) entérine les dispositifs rétrogrades de la « réforme » de l’assurance-chômage des intermittents du spectacle, pleinement appliqué depuis le 1er janvier 2005. Ils ont insisté sur la nécessité d’en passer par la loi si les partenaires sociaux refusent toujours de renégocier, et mis en cause l’Unédic qui, sous couvert d’un déficit invérifiable (dixit l’expert mandaté par le gouvernement à propos des annexes 8 et 10), organise, convention après convention, la destruction des droits sociaux, individualise le traitement de tous, organise la traçabilité des parcours des chômeurs, pour gérer la mobilité des salariés afin de servir les bénéfices des entreprises. ? Pendant ce temps l’action publique incarcère des chômeurs qui n’ont pas payé les transports en commun, coupe l’électricité à des démunis, et ce jusque causer des morts par incendie suite à l’interruption de ce service indispensable ; pendant ce temps on maintient les sans-papiers dans la clandestinité afin de continuer à les exploiter à bas prix sous la menace constante de l’expulsion. Et lorsque ceux ci se mobilisent, comme en ce moment avec l’occupation de la Fédération du PS de Seine saint Denis, les médias n’en rendent compte que de manière aléatoire. Après leur passage à l’antenne, les occupants de France Inter ont quitté le studio pour rejoindre un rassemblement contre le Medef appelé sous le péristyle de la Grande Halle Villette, M° Porte de Pantin à 11H
Ce 18 janvier le Medef se réunissait au Zénith, à Paris, pour « marquer le départ d’une nouvelle étape dans la conquête de libertés accrues en faveur des entreprises et de l’emploi ». Cette réunion de l’organisation politique de ceux qui prospèrent grâce au travail et à l’inventivité de tous, est une provocation. Le Medef et la CFDT président l’Unédic et, sous couvert de déficit du régime, précarisent les droits et les temps de vie des allocataires, potentiels et réels.
Du Pare (Plan d’Aide au Retour à l’Emploi) à la destruction des annexes 8 et 10 de l’Unédic, « à l’évidence la bonne méthode, c’est celle de la Refondation Sociale. » (E-A Sellières, 09/12/04). Mise en place de concert avec le gouvernement, cette « refondation » sociale veut éradiquer la notion même de droits collectifs.
Elle s’expérimente en grandeur réelle, d’abord et avant tout, sur les chômeurs, les travailleurs précaires et tous les salariés à l’emploi discontinu. Elle montre sa volonté de gouverner la société en partant de l’entreprise, structure supposée centrale. Elle affiche la détermination patronale à gérer la vie des individus selon la logique du profit.
Refusons d’être les variables d’ajustement de « réformes » élaborées par des « partenaires sociaux » qui ne représentent en rien ceux, chômeurs, salariés, précaires, dont ils décident le sort.
Tous recalculés : Medef et Unedic nous doivent des jours indemnisés
Ne les laissons pas dicter les emplois du temps !
Nos actions ne connaîtront pas de pause.
Ce que nous défendons nous le défendons pour tous.
Pour écouter l’émission complète de 8h à 9h (format mp3),
à télécharger ici [1] ( mp3 - 57 Mo ),
Pour écouter uniquement ’radiocom c’est vous’ (questions/réponses avec Jérôme, Jean-Francis de la CIP-IDF, et Nadia d’AC !) à partir de 8h45, cliquer ici !
Pour écouter l’intervention d’Alain Rey ( vers 8h57 ), cliquer ici ! ( ra - RealPlayer ),
ou à télécharger ici ( mp3 - 2,3 Mo ),
Retranscription de l’intervention d’Alain rey :
Stéphane Paoli :
Alain Rey, j’avais pas envie de conclure sans tout de même vous redonner quand même la parole ; il se trouve que sans que nous nous soyons concertés, le mot que vous aviez choisi ce matin pour finir c’était « perturbation » ; ô
combien !
Alain Rey :
Oui ça me paraissait s’imposer parce que non seulement les situations sociales sont perturbantes et perturbées, mais que le mot « perturbation », qui vient de « turbare » (en latin « troubler »), concerne aussi les psychologies ; et il est certain qu’il y a une certaine façon de traiter les
gens, ou de les non traiter plus exactement, qui conduit à des perturbations aussi bien psychologiques qui se traduisent par des comportements d’affrontement, et les comportements d’affrontement sont nécessaires si on
veut faire avancer les choses ; parce que sinon on est justement dans le comportement qui est ridiculement considéré comme prise d’otages, alors que très souvent, la prise d’otages se fait dans le sens opposé ; c’est-à-dire
qu’on est pris en otages quand on n’a pas d’argent, on est pris en otages quand on est mal traité, et non pas quand on décide de faire grève même si c’est un peu perturbant, en effet, et ennuyeux pour les utilisateurs et les usagers, qui ne sont pas des gens neutres et qui, eux aussi, ont leurs propres problèmes.
Donc, de toute façon, perturbation de la société c’est peut-être inévitable, mais on est vite conduits à réfléchir sur la nécessité de rétablir non pas l’ordre, parce que c’est le pire, mais un certain calme, à la fois psychologique et moral ; et je faisais remarquer que, par un hasard bizarre
aujourd’hui, « perturbation », qui est un mot qui a été imposé comme mot courant (avant il était très savant et très rare) par la météo ; eh bien, nous en avons l’exemple, « Vent et pluie sur Télumée Miracle » * c’était un
très beau roman de Scharz-Bart sur une jeune femme antillaise ; je crois qu’en ce moment, nous sommes tous, les français et les européens, et d’autres pays encore pires, pris par ce genre de perturbations générales.
Voilà.
* Petite erreur d’Alain Rey puisque le véritable titre du livre de Schwarz-Bart est « Pluie et vent sur Télumée Miracle » (Paris : Seuil, 1979).





Lien vers le site d’Acrimed qui a fait une retranscription quasi complète de l’émission :
http://www.acrimed.org/article1888.html
( Site de France Inter cliquer ici )
Mise à jour : Alain Rey à refait une chronique sur ce sujet le lendemain.
Pour écouter l’intervention d’Alain Rey le 19/01, cliquer ici ! ( en RealPlayer )
Retranscription :
Stéphane Paoli :
Quel mot ce matin ?
Alain Rey :
C’est le même ; c’est-à-dire que, hier la perturbation était sur le vif, et là on va essayer d’aller un petit peu plus loin dans, disons, l’évocation des contenus de ce mot.
Quand se manifeste ce qu’on nomme pudiquement les « mouvements sociaux », on parle de « perturbation », et la raison principale c’est qu’on est tous assez perturbés et inquiets.
« Perturbation » fut un mot assez savant, plutôt rare, et que la météo rendît au 19ème siècle beaucoup plus courant pour désigner pluie, vent, neige, ce qui est en ce moment de saison. L’équivalent social de ces troubles atmosphériques, les météores, comme il faudrait dire, ce sont donc la grève, la manif et les diverses expressions du mécontentement social, souvent gênantes, parfois un peu nerveuses, mais en général, vraiment le plus souvent non violentes, ce qui est l’essentiel.
« Perturber », « perturbation » marquaient en ancien français des troubles psychologiques ou physiologiques ; mais l’origine du mot ne présume pas la nature de ces troubles, car per-tubatio, per-turbare c’est simplement turbare (agiter, mettre en désordre un peu plus fort) ; ce verbe est dérivé de turba, non pas la tourbe qu’on brûle (c’est un autre mot d’origine germanique), mais la turba latine qui désignait l’agitation d’une foule, l’émeute. On voit par là que cette famille de mots est allée et venue autour de l’idée d’une agitation plus ou moins violente. Par la difficulté de prononciation, nous ne disons pas « turbler » comme on aurait pu, mais « troubler », alors que « perturber » est resté plus proche du latin, ce qui ne le rend pas plus calme. On ne conseille pas de parler de « pertroubler », par goût de la régularité, mais on peut se souvenir que « perturber » exprime un trouble ; trouble il y a, chez les salariés, notamment les fonctionnaires, ce trouble engendrant le mécontentement qu’il est facile de déprécier en parlant de grogne, de rogne, en s’inspirant du grand rhétoriqueur que fut le Général De Gaulle, qui ajoutait la hargne pour faire bonne mesure. Pour la grogne, il négligeait le fait que grognard a eu un usage napoléonien rempli d’honneurs militaires. Aujourd’hui on n’ose plus traiter les manifestants et les grévistes de grognards, ni de hargneux, ni de rogneux car on sait bien que les perturbations ont des causes sérieuses.
Ce qui est perturbant ou perturbateur, c’est une évolution pénible des conditions de vie. Au passage, on peut noter que ceux qu’on accuse de prendre en otages les usagers, sont eux-mêmes des otages gravement coincés par l’économie en voie de mondialisation ; les réformes étant à la fois insuffisantes et inquiétantes, il est bien difficile de rester de marbre, comme en donne parfois l’impression notre premier ministre, grand imperturbable devant l’éternel. La majorité des français, sans doute plus fragiles ou plus sensibles, paraissent très perturbés, et ce trouble passe forcément aux usagers du transport, de l’enseignement, de la médecine, donc généralistes et spécialistes, qui sont censés en principe soigner nos perturbations. Ecoutons les bulletins météo de ce matin : on n’en est pas à l’avis de tempête, mais ça souffle et ça décoiffe.