1. COMMUNIQUÉ DE PRESSE DU 27 AVRIL
2. LE MAYDAY 2006 EN 10 QUESTIONS-RÉPONSES
3. EDITORIAL DU JOURNAL MAYDAY ! MAYDAY !
4. HISTORIQUE DE L’EUROMAYDAY
5. LA PRÉCARITÉ VUE PAR ACT-UP
6. LA PRÉCARITÉ VUE PAR AC ! LIMOGES
7. LA PRÉCARITÉ VUE PAR LA CIP-IDF
8. LA PRÉCARITÉ VUE PAR DES ÉTUDIANTS ITALIENS
9. LA PRÉCARITÉ VUE PAR GÉNÉRATION PRÉCAIRE
10. LA PRÉCARITÉ VUE PAR LE GISTI
11. LA PRÉCARITÉ VUE PAR SUD-CULTURE
12. ASSEMBLEE EUROPEENNE des ETUDIANTS et PRECAIRES (2 MAI)
`
Communiqué du 27 avril 2006
MayDay Parade : 1er mai 18h Place Blanche - Paris
« Nous en avons assez d’être plaints, nous sommes nombreux. »
Comme depuis cinq ans, dans une vingtaine de villes d’Europe et pour la
deuxième année à Paris, le 1er mai, nous paraderons car nous sommes en
colère.
Qui sommes nous ? Nous sommes des précaires d’Europe en lutte
Travailleur-ses flexibles et temporaires, lycéen-nes, licencié-es ou
employé-es rompu-es au temps partiel, salarié-es à l’emploi discontinu,
chômeur-ses volontaires ou non, étudiant-es ou chercheur-ses, rmistes,
indépendant-es, pigistes, allocataires ou allocatrices, migrant-es,
malades, handicapé-es, intermittent-es, free lance courant après les
contrats, intérimaires, stagiaires, sans-papier-es, travailleur/euses
du
sexe, parfois tout cela en même temps.
Dans le contexte particulier de la France, où un puissant mouvement
social de refus de la précarisation a mis en lumière l’obstination de
ce
gouverne-ment, comme bien d’autres avant lui, à ne considérer
l’évolution des conditions de vie et d’emploi uniquement sous l’angle
du
démantèlement des droits existants, nous voulons continuer.
La traditionnelle manifestation syndicale, quand bien même elle serait
déclarée, cette année, se dérouler « sous le signe » de la précarité,
ne
nous suffit pas. Nous constatons que le paritarisme accompagne depuis
trente ans la faillite des droits sociaux et perpétue le mythe du
retour
au plein emploi et au CDI pour tous.
Individus ou groupes, associations déposées ou collectifs informels,
nous créons des réseaux au sein de nos villes, de nos régions, de nos
pays pour nous soutenir mutuellement, échanger sur nos pratiques et nos
revendications, être plus fort-es en étant plus nombreux/ses.
L’Euromayday, c’est rendre visible ce qui est invisible pour la
conquête
de nouveaux droits sociaux.
Que voulons-nous ? Péter la forme.
Les précaires sont actuellement au cœur du processus de production de
richesses. Dans une société où les droits se liquéfient et le contrôle
social s’amplifie, où le travail est toujours plus discontinu et son
revenu insuffisant pour vivre, les précaires doivent non seulement
faire
valoir leurs droits mais en conquérir de nouveaux adaptés aux pratiques
d’emploi actuelles. Au-delà, nous avons besoin de temps et d’espaces
pour réaliser nos projets, nos envies, nos vies qui ne peuvent être
limitées à la sphère de l’emploi.
Nous exigeons la régularisation de tous les sans papiers en Europe,
la
fermeture des centres d’enfermement des migrant-e-s et la liberté pour
chacun-e de circuler, s’installer et séjourner là où il/elle l’entend.
Le harcèlement administratif précarise toujours plus les migrant-es.
Comme si le droit d’aller, de s’installer dans un pays, une région ou
une ville n’était valable que pour quelques un-es : les plus riches,
les
plus diplôméEs ou celles et ceux que les pays du Nord jugeront utiles à
leurs besoins.
Nous voulons un accès égal au système de santé. Nous voulons de
nouveaux droits sociaux collectifs sans distinction de sexe, de genre,
d’orientation sexuelle, de situations financières ou de formes de
travail.
Se loger, penser à sa santé, se déplacer librement, apprendre, bien
manger, s’informer, se divertir, voyager, fonder les familles que nous
voulons et nous occuper de nos proches, participer à la vie collective
des lieux que nous habitons, se reposer, penser, fabriquer, imaginer,
vivre : tout cela nous paraît évident. Pourtant, ces droits sont
inexistants, remis en cause ou conditionnés au comportement des
individus, concédés comme s’il s’agissait d’aumônes ou de privilèges.
Nos vies ne sont pas négociables.
Le 1er mai
Trajet de la Parade à Paris : depuis la Place Blanche jusqu’à la Place
de la République.
Rendez-vous : 18 h Place Blanche
Parades Mayday à : Amsterdam, Barcelona, Berlin, Copenhagen, Hamburg,
Helsinki, L’Aquila, Leon, Liège, Limoges, London, Los Angeles, Maribor,
Marseille, Milano, Napoli, New York, Palermo, Paris, Sevilla,
Stockholm,
Torino, Tornio, Wien...
Le 2 mai
Assemblée générale d’étudiants et de précaires d’Europe
à Paris III - Censier à partir de 10 h.
LE MAYDAY 2006 EN 10 QUESTIONS-RÉPONSES
1) En quelques mots, qu’est-ce que le Mayday ?
Le Mayday, c’est chaque 1er Mai un grand moment de mobilisation transnational contre la précarité, toutes les formes de précarité et de précarisation de nos vies. Bien sûr, l’emploi est un des domaines où la mécanique de la précarité est la plus forte et la plus intense, mais ce n’est pas le seul. Nos existences se construisent au-delà et parfois même en dehors de la dimension productive classique. Le Mayday, c’est l’élaboration en commun d’un espace de revendications, de rencontres et de convergences entre toutes celles et tous ceux qui, à leur manière et dans leur domaine, luttent, résistent, créent de nouveaux modes de vie, de pensée et d’action face à un nouvel ordre mondial destructeur de notre environnement social, économique, écologique et mental.
2) N’est-ce pas une manière de surfer sur la vague anti-CPE de ce printemps ?
On ne peut que se réjouir de l’énorme mobilisation de ces dernières semaines en France qui a permis de faire reculer le gouvernement et placé enfin la question de la précarité au cœur du débat politique. Mais la lutte n’est pas terminée et elle ne s’arrête pas au combat contre le Contrat Nouvelle Embauche et la Loi sur l’Égalité des Chances. Celles et ceux qui participent au Mayday se battent quotidiennement sur le terrain parfois depuis de nombreuses années. Le Mayday à Paris et à Marseille en est à sa deuxième édition cette année ; en Italie, il en est déjà à sa sixième édition. Nous sommes très heureux d’être massivement rejoints cette année par lycéens, les étudiants et bien d’autres.
3) Qui sont les organisateurs du Mayday ?
Le Mayday n’est pas une « organisation » au sens où on l’entend habituellement. C’est d’abord un processus horizontal de convergences ; une démarche ouverte, créative et auto-organisée où des personnes, des collectifs et des mouvements oeuvrent ensemble sur un pied d’égalité à la construction d’un moment qui permette de rendre visible des revendications, des luttes et des expérimentations encore trop souvent invisibles dans la société.
S’il faut à tout prix donner des indications sur qui participe au Mayday de Paris cette année, on peut citer pêle-mêle (et en oubliant certainement), la Coordination des Intermittents et des Précaires (CIP-IDF), Act Up Paris, AC !, Sud-Culture et Sud-Etudiant, Génération Précaire, Le 9ème Collectif, le Collectif contre l’Immigration Jetable, les médiactivistes de HNS-info, la Brigade Activiste des Clowns, les réseaux antipub, des musiciens, des fanfares, des activistes et des individus venus de tous horizons...
4) « Mayday », qu’est-ce ce que ça veut dire au juste ?
Le mot « mayday » à l’origine est le signal radio-téléphonique international utilisé par les avions et les bateaux en détresse. C’est une déformation anglophone de l’expression française « Venez m’aider ! ». C’est aujourd’hui le cri de ralliement du précariat international. Mayday fait également référence aux grandes fêtes populaires, druidiques et dionysiaques qui se déroulaient autrefois au début du mois de mai chez les Celtes pour célébrer le vrai retour du printemps.
Naturellement, le Mayday des précaires fait aussi référence au 1er mai des travailleurs, devenu jour férié pour commémorer la mémoire des ouvriers anarchistes de Chicago exécutés pour avoir participé aux grandes manifestations de 1886 réclamant la journée de huit heures. Mais au fil du temps, le 1er mai a été détourné de son sens originel pour devenir la Fête du Travail (!) ; l’occasion d’une commémoration souvent triste et poussive, bien peu revendicative et bien peu festive.
Le Mayday que nous promouvons renoue avec le côté combatif et joyeux de ses « prédécesseurs » campagnards et industriels, à l’aune d’une société post-industrielle qui a profondément bouleversé nos conditions de vie et de travail.
5) Pourquoi ne vous joignez-vous pas à la manifestation « unitaire » des syndicats et des organisations politiques, qui ont décidé cette année de faire de la précarité le thème principal de leurs revendications ?
Certains groupes ou personnes qui participent à la Mayday seront présents dans les autres manifestations de la journée et nous espérons que nombre de manifestants du matin et de l’après-midi nous rejoindrons à 18 heures au métro Blanche. Tant mieux si les organisations classiques de la gauche prennent enfin conscience de la question de la précarité. Leur démarche dans ce domaine reste très nouvelle. Leur façon d’aborder les questions de la précarité et du travail dans notre société nous paraît encore très réductrice et nous avons des raisons de douter encore de leur « conversion ». Espérer le retour magique ou volontariste au plein emploi nous paraît totalement décalé avec la réalité de ce que nous vivons. Nous croyons aussi qu’il est possible d’agir autrement qu’au travers de grandes structures verticales et les formes classiques de la représentation politique et syndicales.
6) Quelles sont vos revendications et vos propositions ?
De nouvelles conditions de vie et de travail appellent à la mise en place de nouveaux droits sociaux, nous vous renvoyons vers les appels et les luttes des principaux collectifs qui participent au Mayday (CIP, Act Up, Génération Précaire,...).
7) Le Mayday n’est pas une manifestation comme les autres ?
La Mayday parade, ce n’est effectivement pas une manifestation traditionnelle où on défile généralement dans l’ordre et la tristesse, où les organisations viennent pour se compter pour permettre ensuite à leurs dirigeants d’aller négocier la misère avec le patronat ou avec l’État. La Mayday parade, c’est un moment de revendication, de visibilité et de créativité contestataire, c’est une manif-festive et une manif-active où nous affirmons aussi nos fiertés et nos envies de vivre, contre les hontes qu’on voudrait nous faire porter, contre les misérables conditions de survie qu’on aimerait nous imposer. La Mayday parade se fait en dansant, en luttant, en chantant ; chaque personne comme chaque collectif est prié d’y apporter ses combats, ses idées, ses pratiques, sa culture et son imaginaire.
8) En dehors de Paris, quelles sont les autres villes qui accueilleront une Mayday parade ?
La « Mayday parade » mobilise des travailleurs précaires dans une vingtaine de grandes villes : Amsterdam, Barcelone, Berlin, Copenhague, Hambourg, Helsinki, L’Aquila, León, Liège, Limoges, Londres, Los Angeles, Maribor, Marseille, Milan,
Naples, New York, Palerme, Paris, Seville, Stockholm, Turin, Vienne...
A Milan, qui était à l’initiative du premier Mayday, on comptait plus de 100 000 personnes l’an passé... la plus grosse manif du 1er mai de toute l’Italie !
9) Peut-on rappeler les rendez-vous exacts des Mayday en France ?
A Paris, le rendez-vous est à 18 heures au métro Blanche, pour une arrivée vers 20H Place de la République, où la parade sera suivie d’une station festive et explicative sur place.
A Marseille, Rdv sur la Plaine le 1er Mai à partir de 13h pour un après-midi de débats et d’interventions.
A Limoges, Rdv à 10 h, Place de la Motte.
10) Si on veut en savoir plus d’ici à lundi, que fait-on ?
contact maydayfr.org
Le site Mayday : http://www.maydayfr.org/
Principaux sites :
http://www.hns-info.net/
http://www.actupparis.org/
http://www.cip-idf.org/
http://www.generation-precaire.org/
http://intergalactique.lautre.net/
La vidéo de présentation :
http://www.hns-info.net/article.php3?id_article=8317
RENDRE VISIBLE CE QUI EST INVISIBLE
(Editorial du journal MAYDAY ! MAYDAY !)
Le monde du travail a changé. 70% des emplois créés sont à durée déterminée, le premier motif d’entrée dans le chômage n’est plus le licenciement mais la fin du contrat de travail. La discontinuité de l’emploi (alternance de contrats courts et de périodes non-employées) est une réalité pour de plus en plus de salariés. La précarité s’étend dans et hors de l’emploi.
Aussi la lutte contre la précarisation ne peut se réduire à l’idéologie qui ressasse l’espoir d’un irréel « retour au plein-emploi » et propose pour tout horizon la généralisation du CDI à vie. Des mouvements sociaux se constituent pour faire valoir la nécessité de droits collectifs qui ne soient pas exclusivement conditionnés à l’emploi. Des collectifs de précaires et chômeurs revendiquent un revenu garanti inconditionnel au moins égal au SMIC et les intermittents du spectacle, en lutte contre la destruction de leur assurance-chômage proposent un nouveau modèle d’indemnisation des salariés à l’emploi discontinu, quel que soit leur secteur d’activité.
Ce qui rend insupportable les différentes formes de précarité, ce n’est pas l’absence d’un emploi stable pour chacun, mais l’insécurité sociale qui les accompagne, et qui participe de tout un système de contrôle et d’assujettissement.
La multiplication des contrôles et des radiations inscrits au cœur des dispositifs du chômage (PARE, suivi mensuel ANPE) et des minima sociaux (contrat d’insertion, RMA, réforme de l’Allocation Adulte Handicapé), ou des prestations familiales (article de la loi pour l’égalité des chances supprimant les allocations des familles en cas d’absentéisme des enfants à l’école) laissent toujours moins de marge de manœuvre à des précaires à qui on coupe les vivres quand on ne réussit pas à les culpabiliser suffisamment pour qu’ils acceptent un emploi sous-payé et/ou non choisi.
Étape imposée de l’entrée sur le marché du travail, le stage constitue un bizutage « naturel » pour accéder à un emploi. Sans contrat, sans salaire et sans droits, le stagiaire masque encore l’employé déguisé qu’il est, sans qu’aucune garantie n’y soit attachée. La nouvelle charte et l’article 9 de la loi pour l’égalité des chances qui prétend réglementer l’usage des stages ne sont que cache-misère qui institutionnalisent l’utilisation d’une main d’œuvre gratuite et jetable, véritables torpilles dans le code du travail.
Cette logique de contrôle prévaut également pour les migrants dont le droit au séjour est toujours davantage conditionné au contrat de travail. Le projet de loi CESEDA « pour une immigration choisie » (on se demande bien par qui ?!) est une nouvelle restriction de la liberté de circulation et du choix de s’installer librement, rendant de plus en plus insupportables les conditions de vie des migrants et plus urgent la régularisation de tous et le droit à l’installation.
Ces réformes, restrictions incessantes des droits sociaux (retraite, chômage, maladie, séjour, droit du travail...) qui s’accumulent pour régimenter nos vies, ont une même conséquence : nous contraindre par tous les moyens à accepter n’importe quel emploi, à n’importe quel prix, dans n’importe quelles conditions...
Cette réorganisation du marché du travail par la « refondation » des systèmes de protection sociale est à l’œuvre dans toute l’Europe et même au-delà. Les étudiants italiens qui nous rejoignent ce premier mai à Paris ont vécu eux aussi le mouvement récent contre la loi pour l’égalité des chances et le CNE comme une nouvelle impulsion aux luttes contre la précarité. Si le retrait du CPE est une victoire, bien plus important est le succès d’une lutte qui a rassemblé différentes formes d’actions et qui a su, tout comme le mouvement de novembre, placer la précarité au cœur des débats et des enjeux. Amnistie pour toutes les personnes poursuivies et condamnées lors de ces deux mouvements !
Il est d’autant plus nécessaire et urgent de rendre visible les formes de précarités auxquelles nous sommes confrontés. Sortir de l’invisibilité et de la honte dans laquelle beaucoup préfèreraient nous maintenir, être fiers de ce que nous sommes, continuer de nous battre pour améliorer nos droits, construire d’autres conditions du possible.
L’EUROMAYDAY : UNE JOURNEE EUROPEENNE POUR DE NOUVEAUX DROITS
Depuis cinq ans, une journée de mobilisation annuelle des précaires rend visibles nos nouvelles réalités de travail, d’emploi, de vies. Parti d’Italie, l’idée a rapidement essaimé dans de nombreuses villes européennes. Des réseaux, des collectifs, des associations, parfois des syndicats, des individus se sont rencontrés ou retrouvés pour organiser un Premier mai entendu comme une journée de mobilisation et d’expression de tout le précariat européen. Un défilé alternatif à la traditionnelle « fête du travail » exprime la volonté de se réapproprier le sens de cette journée à forte valeur symbolique et historique, d’en faire une journée d’action festive et revendicative pour la conquête de nouveaux droits sociaux, une journée d’expression qui mette en avant les nouvelles situations de vies marquées par la précarisation croissante du marché du travail, notamment à travers l’explosion des contrats dits « atypiques » (intérim, temps partiel, CDD...). Au centre de l’économie actuelle, ces formes d’emploi flexibles et mobiles restent pourtant aujourd’hui privées de réelle protection sociale et sans représentation politique ou syndicale significative. C’est pour répondre à ce vide et construire ses propres formes politiques que la parade auto-organisée des précaires s’est créée.
Au fil des années, cette mobilisation a reçu le soutien de certains syndicats et a vu ainsi la jonction entre deux générations de travailleurs : les nouveaux travailleurs précaires des services, de la grande distribution, de la culture... et ceux qui depuis les années 1970, en lien déjà avec les premiers collectifs de chômeurs et précaires italiens, ont organisé une riposte dans les entreprises publiques ou la grande industrie au syndicalisme de concertation.
À cet élan s’est ajoutée la mobilisation des travailleurs migrants, encore davantage précarisés et discriminés dans leur quotidien par la multiplication des contrôles, les ouvertures de centres de rétention et d’enfermement, les expulsions et les restrictions au droit d’asile. Cette politique d’immigration concertée au plan européen prévoit partout la création d’une main d’œuvre toujours plus fragilisée, en prévoyant la subordination du droit de séjour au contrat de travail, comme on le voit dans l’actuel projet de loi sur l’immigration CESEDA.
5 000 personnes ont défilé dans les rues de Milan la première année, 50 000 en 2003, 80 000 en 2004, 100 000 en 2005...
L’année dernière, la Mayday parade a eu lieu dans une vingtaine de villes européennes : Amsterdam, Barcelona, Copenhaguen, Hamburg, Helsinki, L’Aquila, Leon, Liège, London, Maribor, Marseille, Milano, Napoli, Palermo, Paris, Sévilla, Stockholm, Wien... Cette année, on peut également compter Berlin, Limoges, Torino et Tornio.
Dans le cadre de cette dynamique, nous invitons tous les collectifs, réseaux, mouvements sociaux et précaires de tout poil à rejoindre le processus EuroMayDay, qui ne se limite pas à la parade du 1e mai, à investir et à réinventer cet espace d’échanges et de mobilisation à partir de toutes les particularités de nos différents terrains de lutte.
Au niveau européen, plusieurs rendez-vous nous permettent de nous rencontrer chaque année et une mailing-list rythme nos échanges au quotidien. À Paris, au gré de l’actualité et des envies, des réunions ont lieu tout au long de l’année avec un crescendo intense à partir du mois de février...
L’année dernière à Paris la parade du MayDay avait été amorcée dès le 1er avril par l’occupation de l’OIM (organisation internationale pour les migrations) dans le cadre d’une journée européenne sur la liberté de circulation et d’installation. Une semaine d’action avait précédé la parade du premier mai : occupation d’Assedic, d’une CAPI (cellule d’appui pour l’insertion), de deux hôtels du groupe Accor, du siège de la CFDT. Pour la première Mayday parade à Paris nous étions 3000 à traverser les quartiers populaires en partant de la place Pigalle - batucadas, fanfares, char « Alice la précaire au pays de la refondation sociale », agit-prop, recouvrement publicitaire, irruption dans les fast-food et boîtes d’interim...- pour finir par un concert place de la République.
Cette année le compte à rebours a été lancé à un niveau européen, le 14 février à Bruxelles : nous étions 150 participants au réseau EuroMayDay (Liège, Helsinki, Berlin, Paris, Milano, Amsterdam) à investir cette capitale de l’Europe institutionnelle, lieu stratégique des lobbies des multinationales, pour présenter publiquement le processus du Mayday lors d’une conférence de presse internationale, mais aussi à travers une « manifestation sauvage » au coeur de cette ville militarisée où les pratiques activistes sont devenues rares et fortement réprimées. Ce fut l’occasion d’agir ensemble et de partager nos pratiques dans cette ville occupée par ceux qui décident pour nous, ceux pour qui nous sommes des quantités négligeables, des variables ajustables, des paresseux, des fraudeurs qui ont mérité leur sort et les inégalités qu’ils subissent.
Mais le printemps français a surtout été marqué par la mobilisation contre la LEC et le CNE, et le réseau Mayday Paris a naturellement pris part à ce puissant mouvement de refus de la précarisation, dans les assemblées, les manifestations, les blocages, les occupations... Quelque temps auparavant, nous avions décidé d’organiser deux journées de rencontres-débats-assemblées-ateliers intitulées « Fier-es d’être précaires !? » qui se sont tenues en plein mouvement début avril. Nous écrivions alors : « Ces rencontres nous semblent d’autant plus nécessaires qu’on se déclare partout hostile à la précarité en étouffant la voix des premiers concernés. Le surgissement collectif en cours est de fait à la croisée des chemins : demain, peut-être, le CPE sera retiré, laissant intact le reste des dispositifs de mise au travail, de précarisation, d’éviction et de contrôle. »
Cette année, la Mayday parade est aussi la parade de ceux qui veulent continuer.
À l’appel d’étudiants parisiens et italiens, une AG européenne des étudiants et précaires se tiendra à Censier mardi 2 mai à partir de 10h.
Nous y serons.
LA PRECARITE VUE PAR ACT-UP
Les militantEs d’Act Up-Paris participent à cette parade. Évidemment. Nous sommes des personnes séropositives, malades du sida. Nous connaissons la précarité.
Quand votre souci principal est de manger, de trouver un endroit stable où dormir, d’éviter un contrôle policier car vous n’avez pas de papiers ; quand, faute d’argent, vous ne pouvez pas vous déplacer, suivre des études ou prendre du repos ; alors vous consacrez moins de temps à votre santé, vous prenez moins bien vos traitements, voire pas du tout, ou vous attendez qu’un problème grave survienne pour consulter le système de soins. Et ce, d’autant plus que la santé devient un luxe. La réforme de la sécurité sociale, l’augmentation du forfait hospitalier ou le démantèlement de l’Aide médicale d’État ont fait de la santé un privilège qu’il nous faut payer. La précarité vous expose donc plus aux risques d’aggravation de votre état de santé.
Mais l’inverse est aussi vrai : la maladie rend vos conditions de vie plus précaires. Le monde du travail est profondément hostile aux séropos : licenciement abusif, refus de temps partiel thérapeutique, arrêts-maladie remis en cause. De l’autre côté, les bénéficiaires de l’Allocation Adulte Handicapé (AAH) se voient contraintEs de retourner au travail, parce que les administrations estiment qu’ils peuvent travailler malgré leur état de santé. Sans compter que la récente réforme de l’AAH, tend à insécuriser encore plus ses allocataires, tant le système d’attribution et de calcul de la nouvelle prestation est complexe et difficilement compréhensible.
Les malades sont donc malvenuEs à la fois dans le monde de l’emploi - où on nous estime inaptes - mais aussi dans celui des minima sociaux - où on veut nous voir travailler. De même, les propriétaires de logement, y compris sociaux, les banquiers, les assureurs, entre autres, n’aiment pas trop ce que nous sommes, des personnes atteintes d’une pathologie grave et évolutive : leurs pratiques visent toujours plus à nous exclure et contribuent ainsi, à la précarisation de nos vies. Qui, dans cette histoire, tient compte de nos désirs, de nos envies ou de nos besoins ?
Nous sommes les plus à mêmes de parler de nous. Nous ne supportons plus que l’on parle de la précarité sans les précaires, sans savoir qui nous sommes. Nous participerons à la Parade du Mayday en tant que précaires, fiÈrEs de ce que nous sommes et fiÈrEs de nous battre pour améliorer nos droits.
La précarité, jamais, ne nous empêchera d’être les plus belles.
LA PRECARITE VUE PAR AC ! LIMOGES
Dans une société qui ne cesse de produire, d’accumuler les richesses et d’augmenter les bénéfices, pour des élites « insécurisées » et raisonnables, nous devrions nous mobiliser toujours plus pour toujours moins, sans que les richesses que nous produisons ne soient l’objet de nouvelles redistributions. Ce discours et ces pratiques tentent de nous tenir dans l’invisibilité et la honte. Toujours plus de pauvreté et d’exclusion, toujours plus de contrôle social et de pénalisation de la misère, toujours plus de précarité.Le travail, censé permettre à chacun d’accéder à l’autonomie, à l’intégration sociale, à la citoyenneté, apparaît plus que jamais comme une gigantesque mystification.Le monde du travail a changé. Le salariat est mort, vive le plein emploi précaire !Moins de 50% de la population active travaille. Le salariat traditionnel, enfant de l’industrie et des luttes sociales, est en passe de disparaître. Réorientation des emplois industriels, (r)évolution technologique, numérique, concentration des capitaux, spéculation financière... sont autant de facteurs de transformation du travail et des formes d’emplois. L’alternance entre emploi, chômage et formation est devenue la règle.Comment ne pas constater le décalage croissant entre une idéologie du travail indiscutée et la réalité morcelée de l’emploi ?
Sous couvert de lutte contre le chômage, nos gouvernants n’ont cessé d’imaginer une kyrielle de contrats précarisants : TUC, SIVP, CES, CEC, CIE, CJ, Contrat d’apprentissage, de professionnalisation, emploi service, chèque emploi, TPE, CI-RMA, CIVIS, CDII, ACO, CNE, CA, CAE... et le petit dernier, le CNE. La précarité recouvre un ensemble de réalités, de modes de vie différents. Elle correspond à la difficulté pour chacun de nous de vivre dans une société rongée par la vision hégémonique de l’économie néo-libérale. Pour survivre, nous sommes devenus les premiers producteurs de richesses et d’innovation sociale !
Le 1er mai doit refléter la multiplicité de nos visages, de nos modes de vie, de nos façons d’être.Le chômage, la précarité font peur. C’est l’image d’une société malade, auto-destructrice, qui ne cesse de diviser, d’opposeret d’exclure les individus entre eux, jusqu’à sa propre jeunesse !Cessons d’opposer développement de la personne et développement de la société !La vie, la nature, l’humain, l’éducation, la culture et le bien-être ne sont pas des marchandises.
Unissons-nous pour revendiquer une économie du bonheur, du désir, de la vie et de l’humain.Comme le dit Laurence Parisot (présidente du MEDEF), la vie, l’amour sont précaires, pourquoi pas l’emploi ? A celà, nous répondons : la vie, l’amour, la liberté et la beauté sont fragiles, protégeons-les !La précarité pour ne pas être subie doit avoir comme contrepartie minimum un revenu garanti, à même de réinventer de nouvelles protections sociales et solidarités pour l’avenir,de garantir la liberté, l’égalité et la fraternité ! Face aux discours qui sont tenus sur nos vies, construisons d’autres conditions du possible.
LA PRECARITE VUE PAR LA CIP-IDF
Ne le dites à personne mais il fut un temps où des salariés intermittents (donc discontinus c’est à dire précaires) ONT BÉNÉFICIÉ D’UNE ASSURANCE CHÔMAGE en contrepartie de leur disponibilité, de leur polyvalence, de leur flexibilité, bref, de leur intermittence. Incroyable, non ? »
Avant 2003, le modèle d’indemnisation des intermittents du spectacle garantissait une certaine continuité de droits et de revenus (salaires ou indemnités) face à la discontinuité de l’emploi (alternance de période d’emploi sous contrat et de période non-employée). Ce régime spécifique d’assurance chômage restait « le seul système mutualiste » (les années où l’on est employé le plus, on touche moins d’indemnités et on cotise pour les plus fragiles. Les années où l’on est moins employé on touche des indemnités).
Ce régime, qui n’était certes pas parfait, permettait en échange de cette précarité attachée à l’intermittence de l’emploi, une contrepartie en droits et en revenus.
Le protocole de juin 2003 a fait entrer le régime d’assurance-chômage des intermittents du spectacle dans la logique de capitalisation et d’individualisation des droits : disparition totale de la date anniversaire, capital de 243 jours d’indemnités, les mieux payés et employés le plus régulièrement touchent le plus d’indemnités. Durcissement des conditions d’accès, règle du décalage... ce protocole a introduit aussi et surtout de l’aléatoire et des inégalités inscrivant ainsi nos vies dans l’incertitude...
La précarisation accrue qu’implique ce protocole, c’est ne plus pouvoir prévoir, choisir les projets sur lesquels on travaille, notamment quand ils sont peu ou pas rémunérés, organiser sa vie, gérer son temps d’emploi, d’activité et de vie, c’est être dessaisis de nos vies même.
Cette politique d’assignation, de contrôle, de séparation et d’incertitude est à l’œuvre depuis des années et s’accélère actuellement (instauration du PARE, protocole du 26 juin 2003 sur l’assurance chômage des intermittents du spectacle, instauration du rma, politique de l’emploi culturel, convention d’assurance chômage 2006, CNE, « Loi sur l’égalité des chances », projet de loi sur l’immigration CESEDA, renforcement des radiations et des contrôles en tout genre - caf, contrôle mensuel anpe, situation administrative des compagnies...-).
Comme seule politique de lutte contre la précarisation on nous parle partout de « sécurisation des parcours professionnels » alors que par exemple la moitié des chômeurs ne sont actuellement pas indemnisés, de nombreux intermittents du spectacle sont régulièrement exclus du régime d’assurance chômage et doivent s’inscrire au rmi, plus de 40% d’entre eux ont cotisés aux annexes 8 et 10 pendant des années sans pouvoir ouvrir de droit.
Il s’agit de nous contraindre par tous les moyens à accepter n’importe quel emploi, à n’importe quel prix, dans n’importe quelles conditions ...
C’est bosse et tais-toi.
Et baisse la tête.
Nous luttons depuis le 26 juin 2003 et bien avant.
Nous devons continuer et porter haut nos propositions pour un nouveau modèle d’indemnisation chômage mutualiste et redistributif, adapté à nos pratiques de vie et d’emploi :
507h en 12 mois ouvrant droit à une période d’indemnisation de 12 mois avec date anniversaire fixe
un jour non employé = un jour indemnisé
indemnité journalière minimum au smic jour (parce que le smic mensuel n’est plus dans les faits une référence de revenu minimum)
LA PRECARITE VUE PAR DES ETUDIANTS ITALIENS
Étudiants et précaires en lutte.
(roma, padova, venezia, bologna, pisa, napoli, torino, trento, trieste, vicenza, alessandria)
« On en a marre ! On est fatigués de votre chantage, nous voulons vivre, nous voulons être heureux » !
La précarité est le chantage que l’on veut nous imposer, en France comme en Italie, comme en Europe. Pourtant on nous demande d’être créateurs, souriants, capables d’inventer des choses que personne n’avait fait auparavant. Notre unicité, le caractère singulier, jamais répétable de la créativité n’a pas de prix. C’est une pratique qui n’accepte pas de chantages, qui ne veut ni pauvreté ni misère, c’est une pratique toujours contrainte par les droits et les formes traditionnelles du travail et de l’emploi.
Nous avons occupé nos universités pendant plus d’un mois l’automne dernier sans imaginer ce qui se passerait ensuite à Paris.
Refoulés plusieurs fois par les charges de la police, nous avons assiégé à 150 000 les palais du gouvernement et de la décision illégitime. Nous avons, nous aussi, essayé de généraliser le conflit contre la précarité et pour les savoirs et la connaissance. Mais en Italie, une culture politique et syndicale obsolète peine à mourir.
Celle-ci pense encore la formation comme un terrain séparé de la production, les étudiants comme une élite minoritaire et les luttes contre la précarité comme un corporatisme.
Nous avons participé à plusieurs éditions de la manif « Mayday » en Italie, surtout à Milan les dernières années où nous fûmes des centaines de milliers. Nous pensons qu’aujourd’hui la MayDay parade de Paris peut être une formidable occasion de développer un tissu commun de lutte contre la précarisation.
La MayDay se déroulera, comme l’année dernière, dans de nombreuses métropoles et villes européennes, mais nous croyons que celle qui aura lieu à Paris représentera la possibilité pour tous de « changer de signe » l’imaginaire, c’est-à-dire de donner une nouvelle impulsion au souffle matériel des conflits européens.
L’Europe, la seule possible, est celle qui récuse sérieusement les souverainetés nationales et les frontières. C’est l’Europe des mouvements, des pratiques radicales, des instances irréductibles à la représentation politique.
L’Europe du soulèvement concret des précaires qui demandent droits, revenu, bonheur, vie : cette Europe est aujourd’hui à Paris ; ce Premier mai, elle sera là, à la MayDay parade de Paris !
De l’automne italien au printemps parisien, on avance.... on n’est pas fatigués !
LA PRECARITE VUE PAR GÉNÉRATION PRÉCAIRE
Réglementer les stages
Le mouvement Génération précaire lutte pour faire inscrire les stages dans le code du travail. Après deux mois de lutte contre le contrat première embauche (CPE), les stagiaires espèrent se faire entendre. Cette crise a mis l’accent sur le CPE, contre lequel nous avons manifesté, mais les médias ont masqué les autres problèmes portés par la loi sur l’égalité des chances (LEC), comme l’apprentissage à 14 ans et la question des stages. Villepin a voulu, par des effets d’annonce, faire croire qu’il avait entendu les stagiaires qui protestaient. Mais il a surtout entendu le Medef, qui était opposé à la reconnaissance des stages dans le code du travail ! Le problème des abus de stages n’est donc pas réglé. C’est pourquoi, jeudi 13 avril, nous avons déposé à Matignon les 15 000 signatures de notre pétition.
Nous avons obtenu, par la mobilisation, une obligation de rémunération des stages d’une durée supérieure à trois mois. Mais la « gratification » de 360 euros/mois, qui sera certainement mise en place par décret, est très insuffisante ! De plus, nous rejetons la charte proposée par le gouvernement, parce que non contraignante. Le mouvement de la jeunesse a su gagner le retrait du CPE, il faut donc aller plus loin pour combattre la précarité dans son ensemble et, notamment, sur la question des stages.
En France, sur les 800 000 stages créés chaque année, 100 000 sont des emplois dissimulés. Les stagiaires sont une main-d’œuvre gratuite et jetable, puisqu’ils n’ont aucun contrat de travail (pas de salaire, pas le droit de se syndiquer, pas de cotisation pour la retraite et l’assurance chômage).
http://www.generation-precaire.org/
LA PRÉCARITÉ VUE PAR LE GISTI
La question des migrants, de leur rapport à l’emploi comporte beaucoup d’analogies avec la régulation de l’insécurité et de la peur, à cette différence près que la peur, ici, s’augmente du risque de l’expulsion du territoire. Analogies dans la dimension du contrôle, mais aussi du point de vue des libertés ou des droits qui sont en cause : liberté de circuler, liberté de quitter son emploi, droit de conserver ses papiers alors qu’on a perdu son emploi...Ce que visent généralement les politiques d’immigration, c’est de distinguer les migrants de manière à avoir une main d’œuvre davantage bridée, davantage contrainte, parce que plus fragilisée socialement et juridiquement. Il ne faut jamais oublier que c’est une vieille histoire. La carte de résident de 10 ans a été ainsi l’aboutissement d’une très longue lutte pour dissocier le droit au séjour de l’emploi.
Aujourd’hui, avec le nouveau projet de loi Ceseda, on observe une série de continuités et de ruptures. Une des ruptures principales concerne la remise en cause d’un droit au séjour déconnecté du travail. C’est l’aboutissement d’un processus qui a débuté dès 1986 : la loi Pasqua a commencé à remettre en cause cette logique à travers la multiplication d’obstacles pour l’accès à la carte de résident et la fabrication de titres précaires de séjour.
Contrairement au discours commun centrée sur « combien de migrants », la question est aujourd’hui pour le patronat de créer une main-d’œuvre extrêmement fragilisée, dans et par le contrat de travail. Progressivement se sont mises en place des politiques d’immigration où l’étranger n’est plus identifié que par sa force de travail. Et pour réaliser cet objectif, le droit au séjour doit être précaire. La situation est certes assez bien connue pour ce qui concerne les sans-papiers cantonnés dans des secteurs d’activité où les garanties et les protections sont très faibles, voire inexistantes : sous-traitance, agriculture, bâtiment, service aux personnes, restauration... Mais cette forme de « spécialisation » présente aujourd’hui des désavantages pour le système d’exploitation et la stratégie de l’utilitarisme migratoire. « L’immigration choisie » se fonde en effet sur une immigration légale. Le débat ne porte d’ailleurs déjà plus que sur les critères de sélection, et non plus sur le principe de la sélection elle-même. Il s’agit d’une immigration temporaire où le migrant doit vivre en permanence avec la menace de perdre son droit au séjour. Finalement, la caractéristique la plus importante est celle-ci : l’immigration de travail n’est pas seulement précarisée par la difficulté d’accès au droit au séjour, mais par la condition impérative d’être liée à un employeur. L’extrémité étant de livrer complètement le titre de séjour à l’employeur lui-même : c’est le cas des salariés détachés, des salariés saisonniers, des salariés temporaires. Les titres de séjour déconnectés du travail vont devenir l’exception. Le fait d’être employé et même lié à un employeur particulier va devenir la condition première. On assiste en fait à une sorte de retour du livret ouvrier du XIXème, où le titre et le droit au séjour seront détachés de la personne du migrant pour ne plus s’attacher qu’à celle de l’employeur.
Antoine Math
LA PRÉCARITÉ VUE PAR SUD-CULTURE
Contre toutes les précarités !
Parce que nous ne sommes pas des variables d’ajustement !
Depuis des années, la précarité gagne du terrain dans tous les secteurs : temps partiels imposés, intérim, CDD, emplois jeunes... comme si cela ne suffisait pas, patronat et gouvernement veulent en imposer toujours plus : CNE, CPE, apprentissage dès l’âge de 14 ans, autorisation du travail de nuit à partir de 15 ans, CDD spécifiques pour les seniors, reforme visant à instaurer une immigration de travailleurs jetables... Toutes les générations et toutes les catégories de salariés sont visées par cette généralisation de la précarité. Les attaques contre le régime de chômage des intermittents suit la même logique. La Fonction publique, au sein de laquelle la part des contrats courts ne cesse d’augmenter, n’échappe pas à ces attaques avec la multiplication des recours aux CDD, vacataires, emplois aidés,
PACTE, stagiaires...
De contrats précaires en contrats précaires, en passant par des périodes de chômage, le gouvernement et le patronat veulent soumettre le salariat. Ce qu’ils visent à terme, c’est la mort du CDI et l’instauration d’un contrat unique d’embauche individualisé qui donnerait tout pouvoir aux patrons pour licencier rapidement et sans motif tout salarié ! C’est ce qu’ils faisaient au 19ème siècle et c’est à quoi ils veulent nous faire revenir : un contrat unique de précarité pour toutes et tous ! Dans cette perspective, patronat et gouvernement accentuent mesure après mesure un travail de sape visant à liquider le Code du travail et à se débarrasser du Statut de la Fonction publique.
Il faut en finir avec cette précarité et ce chantage permanent à l’emploi. La lutte pour l’emploi ne passe pas par le démantèlement du Code du travail et la création d’emplois kleenex au profit du patronat. La précarité ne résout en rien le problème du chômage : elle l’amplifie et conduit de plus en plus de salariés à des situations de pauvreté alors même que les profits des entreprises continuent de grimper. Aujourd’hui on peut travailler... et vivre dans la rue (un tiers des sans-logis ont un emploi !).
Tout le monde (salariés, chômeurs, jeunes, seniors, immigrés...) est concerné par les effets dévastateurs de cette politique et par la généralisation de la précarité. C’est
ensemble que nous sommes attaqués et c’est ensemble que nous devons lutter pour exiger une autre politique en totale rupture avec celle actuellement menée. C’est ensemble qu’il nous faut imposer une réorientation de la richesse produite vers des garanties collectives plus fortes, la résorption de la précarité dans le secteur privé comme dans le secteur public, des mesures économiques sociales incitant à la création d’emplois et à la satisfaction des besoins de toutes et tous.
Paris, le 21 avril 2006
ASSEMBLEE EUROPEENNE des ETUDIANTS et PRECAIRES
le MARDI 2 MAI à 10 h
Université de Censier ( 13 rue Santeuil 75005 PARIS )
métro Censier-Daubenton ligne 7
Le grand mouvement social unitaire que la France vient de connaître a crié victoire lors du retrait du CPE. Ce dernier ne représentait néanmoins qu’une toute petite partie des enjeux de la contestation. Nous sommes loin d’avoir obtenu une réponse satisfaisante à nos revendications. L’étude des lois contre lesquelles nous étions mobilisés (CNE, « loi sur l’égalité des chances », CESEDA) a ouvert de nombreux débats et questionnements, de nouvelles réflexions sur les processus de précarisation. C’est aussi le début d’un combat sur le terrain plus large de l’ensemble de la précarité et des processus d’exploitation mis en œuvre en France et en Europe (voir les appels des Coordinations Nationales Unitaires de Nancy et Bordeaux).
Nous avons été surpris de rencontrer à nos côtés (dans les manifestations, dans les actions et dans les universités occupées) des Italiens, des Allemands, des Anglais, des Espagnols, des Belges, des Portugais, des gens d’Europe et de plus loin encore. Ils ont suivi avec espoir notre mouvement, ont manifesté leur intérêt et apporté leur soutien. Ils nous ont surtout fait comprendre que cette lutte devait être menée non seulement au niveau national mais aussi au niveau européen.
Nous avons donc lancé un appel à tous ceux qui ont placé leur espoir en ce « mouvement du Mars 2006 français » (qui n’est pas fini). Pour ne pas rester sur une amère victoire, nous devons continuer ce mouvement. Nous sommes l’Europe. Une Europe faite de luttes, de résistances et de différences. Notre présence massive et internationale à Paris pour ces Premier et Deux Mai 2006 sera pour nous le coup de relance de ce mouvement et le coup d’envoi de convergences, de réflexions, d’autoformations et d’échanges, d’une solidarité européenne dans tous nos combats : locaux, globaux, européens.
En lien avec le réseau euromayday, nous serons nombreux à manifester dans toute l’Europe ce premier mai et de nombreux européens, venus spontanément ou répondant à notre appel, seront à nos côtés à Paris. Dans cette dynamique, nous organisons collectivement une Assemblée Européennes le Mardi 2 avril à partir de 10 heures à Censier regroupant de nombreux collectifs, organisations, individus, français, européens...
Organisons nous dans tous nos pays et au niveau européen pour imaginer et construire ensemble une alternative économique et politique à tous les processus de précarisation qui nous sont imposés. La question de la répression des mouvements sociaux, cruciale, est aujourd’hui partout brûlante. Il nous faut également nous organiser et trouver sur ce terrain des réponses, des moyens d’action et de revendication collectifs.
Comité 1maiautogere- 1maiautogere no-log.org