Les faits reprochés aux deux incarcérés (violences, dégradations) auraient, selon la police, été commis par une trentaine d’auteurs. C’est plus de deux heures après ces faits que la police interpelle un groupe de manifestants, composé essentiellement d’italiens, quittant la place de la République à la fin du concert qui concluait la manifestation/parade du May Day.
Parmi les interpellés, deux sont « reconnus » dans la rue après une séance d’essayage de capuche et sweat-shirt organisée par les policiers et sont placés en garde à vue avant passage en comparution immédiate.
Les « raisons » de la mise en détention, puis de son maintien jusqu’alors, sont autant de stéréotypes qui mettent gravement en cause les droits des interpellés et par là de tout justiciable : « les faits sont graves », le « trouble persistant à l’ordre public » qui sont invoqués comme motifs de l’incarcération contredisent en effet la présomption d’innocence dont chacun doit pouvoir se prévaloir face à la machine judiciaire. L’invocation du « trouble à l’ordre public » est parfaitement discrétionnaire (ce que confirme l’importance de cette notion dans le contrôle de l’immigration par exemple, avec la suppression du droit au séjour pour « trouble à l’ordre public », et bientôt dans celui des naturalisés).
C’est en raison d’une discrimination de fait où transparaît la structure xénophobe de la machine judiciaire, que les garanties de représentation présentées par la défense de Fédérico et Nicola sont jugées insuffisantes pour la simple raison qu’il s’agit de prévenus italiens dont l’état fait mine de ne pouvoir s’assurer la présence au jugement qu’au moyen de la détention (malgré les conventions franco italiennes, malgré la possibilité d’ordonner un contrôle judiciaire).
La procédure de comparution immédiate est elle aussi une entrave à la défense : comment citer les témoins nécessaires ? comment visionner les vidéos policières supposées incriminer Fédérico et Nicola ? Sous couvert de « délit flagrant », l’audience entérine et redouble un montage policier : on interpelle à postèriori des manifestants que l’on désigne comme « individus dangereux » alors même qu’aucune enquête de personnalité, pourtant prévue par le code de procédure pénale, ne viendra étayer (ou démentir) cette assertion qui elle aussi contribue à une présomption de culpabilité parfaitement contraire aux principes du droit (l’audience du 4 mai sera d’ailleurs l’occasion d’un déploiement policier massif, élément de mise en scéne là aussi destiné à accréditer la thèse de la culpabilité).
Cette affaire s’inscrit dans un contexte de fortes tensions sociales : la révolte des cités contre le mépris et la relégation en novembre dernier s’est soldée par un nombre vertigineux d’interpellations puis de mise en détention, dont de très nombreux mineurs ; la répression que subissent actuellement les opposants à la « loi pour l’égalité des chances » est massive : 4 350 arrestations dont 1 985 gardes à vue avec 637 procédures judiciaires (dont 271 comparutions immédiates) qui ont donné lieu à 71 peines de prison ferme, 167 peines de sursis, travaux d’intérêt général ou mises à l’épreuve, 188 mesures alternatives.
Contre ceux qui la subissent et/ou la contestent, la politique de précarisation s’adjoint ainsi une politique pénale de criminalisation qui fait de l’exceptionnalité un principe de fonctionnement. C’est comme des centaines d’autres que Fédérico et Nicola sont transformés en boucs émissaires. D’un point de vue juridique, seule la relaxe pure et simple est envisageable. Au-delà de ces deux cas de détention arbitraire, nous exigeons l’amnistie des condamnés de ces derniers mois et l’arrêt des poursuites à l’encontre de tous ceux qui sont dans l’attente des procès à venir.
Réseau MayDay Paris
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