Assemblée nationale
Compte rendu analytique officiel
Assurance chômage des professions du spectacle
L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi de M. Patrick Bloche et plusieurs de ses collègues, relative à la pérennisation du régime d’assurance-chômage des professions du spectacle, de l’audiovisuel et du cinéma dans le cadre de la solidarité interprofessionnelle.
M. Patrick Bloche, rapporteur de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales - Depuis plus de trois ans, c’est-à-dire depuis l’agrément donné par le Gouvernement au funeste accord du 26 juin 2003, la culture traverse une crise sans précédent dans notre pays. La remise en cause brutale du régime d’assurance chômage des artistes et techniciens du spectacle vivant, du cinéma et de l’audiovisuel, en a été le révélateur.
Est-il besoin de rappeler que l’accord du 26 juin 2003, qui régit encore aujourd’hui les annexes 8 et 10, est un mauvais accord ? 80 % des intermittents gagnent au mieux 1,1 fois le SMIC ! Comment ne pas penser à ces femmes et à ces hommes passionnés par leur vie professionnelle, à ces « travailleurs de la culture » selon la belle formule de Jean Zay, qui ont été précarisés de façon inacceptable depuis plus de trois ans ? Qui peut ignorer que la création culturelle a été blessée à mort par le découragement, d’abord invisible mais progressif, de tous ces professionnels qui n’ont pas eu d’autre solution que d’abandonner un engagement artistique qui était toute leur vie ?
Cet accord, redisons-le, n’a en rien réduit le déficit qui lui servait de justification première. Il s’est contenté d’engendrer des inégalités criantes et des effets pervers qui avaient pourtant été dénoncés, dès mars 2004, par la mission d’information sur les métiers artistiques que présidait Dominique Paillé et dont le rapporteur était Christian Kert.
Parce que nous ne nous résignons pas une victoire de ceux qui, à l’instar du Medef, veulent liquider les annexes 8 et 10, ou tout au moins tuer la solidarité interprofessionnelle, nous avons été nombreux dans cet hémicycle, au-delà des clivages politiques traditionnels, à vouloir le débat parlementaire de ce matin.
Malgré l’intensité de cette crise de l’emploi culturel, malgré la très forte mobilisation de ceux qui en sont les victimes et de ceux qui les représentent, le dossier de l’intermittence a été finalement peu évoqué dans notre hémicycle au cours de ces trois dernières années. Hormis nos questions au Gouvernement et nos interpellations lors de l’examen annuel du budget de la culture, nous n’avons réellement eu, en séance publique, qu’un seul débat de fond, le 9 décembre 2004. Le moins que l’on puisse dire, c’est que l’interventionnisme supposé des parlementaires n’est qu’un mythe ou plutôt un chiffon rouge agité régulièrement par opportunisme ou par calcul.
M. Pierre Cohen - Très bien.
M. le Rapporteur - Lors de ce débat sur le spectacle vivant, plusieurs d’entre nous ont évoqué la voie législative au nom de l’intérêt général afin de sortir de l’impasse conventionnelle. Vous nous aviez dit alors, Monsieur le ministre, que nous n’en étions pas là. C’était il y a bientôt deux ans. Or, qu’avons-nous constaté depuis ? Le fonds « provisoire » s’est transformé en fonds « transitoire » fin 2004, puis en fonds permanent de professionnalisation et de solidarité en mai dernier avec une dotation de 120 millions en 2006, la solidarité nationale se substituant progressivement à la solidarité interprofessionnelle. Le « système pérenne et équitable » que vous aviez annoncé pour le 1er janvier dernier se fait toujours attendre et vous avez dû dépenser une énergie considérable pour remettre les partenaires sociaux autour de la table des négociations afin d’aboutir au projet de protocole du 18 avril 2006 qu’aucune centrale syndicale n’a encore signé à ce jour, CGT et FO ayant exprimé leur désaccord. Ce constat est la meilleure preuve que, signé ou non, le projet de protocole est très mauvais car il ne pose pas les bases d’un « système pérenne et équitable ».
De fait, nous vous avons pris au mot, Monsieur le ministre. N’aviez-vous pas répondu à M. Kert le 30 mars 2005 : « Nous saurons à ce moment-là prendre nos responsabilités ensemble, c’est-à-dire par voie législative. » Ce moment est arrivé, Monsieur le ministre. Il faut mettre un terme à la course de lenteur qui nous a été imposée. C’est aujourd’hui la dernière chance offerte à l’initiative parlementaire avant la fin de la législature et si cela se fait dans l’urgence, après avoir tant attendu, c’est qu’il y a urgence sociale. Le 31 mai dernier, les parlementaires du comité de suivi avaient d’ailleurs tiré la sonnette d’alarme : « Nous sommes allés au bout du processus. Il est temps maintenant de répondre à l’attente de tous les artistes et techniciens, il faut que le Parlement prenne ses responsabilités. »
À cet égard, il n’est pas acceptable que soit fait le procès de l’intervention du législateur au prétexte qu’il s’agit de droit du travail. La loi a été souvent à l’origine de la négociation collective - c’est même une pratique courante encadrée par la Constitution. Ainsi, la loi de cohésion sociale du 18 janvier 2005 a créé la convention de reclassement personnalisé, renvoyant à la négociation le soin d’en préciser les modalités. Et pour ce qui nous concerne, la loi est intervenue à deux reprises sur le dossier de l’intermittence. Au début de l’année 2002, nous avons été amenés à pérenniser les annexes 8 et 10, alors privées de tout fondement conventionnel. Quelques mois plus tard, à la demande des gestionnaires de l’UNEDIC eux-mêmes, le code du travail était modifié, mettant à mal la solidarité interprofessionnelle pour permettre le doublement des cotisations chômage avec les conséquences négatives que l’on devine sur le pouvoir d’achat des salariés concernés et sur les finances des entreprises et associations culturelles.
Vous nous direz, Monsieur le ministre, que la loi nuit à une négociation collective non finalisée. Au-delà du fait que le groupe socialiste, par respect du rôle joué par les partenaires sociaux, a choisi de ne pas utiliser sa niche parlementaire dès le printemps dernier, comme d’ailleurs le groupe UDF en début d’année,...
M. Pierre-Christophe Baguet - Merci de le dire.
M. le Rapporteur - ...comment ne pas dénoncer la présentation abusive d’un courrier d’un dirigeant d’une confédération syndicale au ministre de l’emploi annonçant la signature imminente du protocole d’accord du 18 avril 2006 ? L’enjeu n’est pas formel mais fondamental. En ne modifiant qu’à la marge le protocole de 2003, les rédacteurs du projet du 18 avril 2006 balaient du revers de la main tout le travail d’expertise et de propositions mené depuis trois ans : celui du comité de suivi, le rapport de Jean-Paul Guillot et le rapport de la mission d’information sur les métiers artistiques. On ne peut que constater l’absence des principales revendications : 507 heures nécessaires en 12 mois à date anniversaire fixe, délai préfixé de 12 mois d’indemnisation en lieu et place de la capitalisation, indemnité journalière plancher égale au SMIC, prise en compte des heures de formation et des congés maladie hors contrat. Ce que propose le Medef est inacceptable en l’état. L’abandon progressif du régime particulier qui sous-tend ses propositions aboutirait à remettre en cause le statut de salarié de nombre de travailleurs du secteur culturel. La logique du contrat commercial ou de la prestation de service pourrait ainsi peu à peu supplanter la présomption de salariat garantie par l’article L. 762-1 du code du travail.
D’où l’alternative que constitue cette proposition, fruit du travail réalisé au sein du comité de suivi créé à l’Assemblée nationale en décembre 2003 à l’initiative de Noël Mamère et au sein duquel Étienne Pinte joue le rôle déterminant que l’on sait - sans oublier le lyrisme salvateur de Jack Ralite. Le comité de suivi est un collectif original réunissant, outre des députés et des sénateurs de tous les groupes, des représentants des syndicats, de la coordination des intermittents et précaires d’Île-de-France, et des organisations professionnelles. Il joue un rôle clé dans le conflit des intermittents depuis trois ans, et se trouve donc à l’origine de cette proposition déposée simultanément en mars 2005, et dans les mêmes termes, sur les Bureaux des deux assemblées. Pour l’Assemblée nationale, il s’agit des propositions numéros 2140 de Pierre Albertini et du groupe UDF, 2141 du groupe socialiste, 2142 de Noël Mamère et des députés Verts, 2143 de Frédéric Dutoit et du groupe communiste et républicain, 2144 d’Étienne Pinte et d’une centaine de députés UMP. Signée par 472 parlementaires à ce jour, dont plus de 300 députés émanant de tous les groupes politiques, elle fixe un nouveau cadre pour pérenniser les annexes 8 et 10 au sein de la solidarité interprofessionnelle mais ne se substitue pas aux partenaires sociaux qui devront la décliner par une négociation.
L’article premier dispose ainsi que le protocole d’accord sur l’assurance chômage des intermittents devra préciser les conditions dans lesquelles sont assurées la solidarité, l’égalité de traitement et la transparence des données. Ce protocole s’inscrit dans le cadre des mesures d’application des dispositions du régime d’assurance chômage. L’article 2 vise à gager cette proposition et à faire en sorte qu’il n’y ait pas de charges supplémentaires pour les régimes sociaux.
Le 4 octobre, la commission des affaires culturelles a décidé de suspendre l’examen de la proposition avant la discussion des articles et de ne pas présenter de conclusions. Pourtant, la crise de l’été 2003 a montré la solidité du lien entre la nation et ses artistes. Dans l’attente d’une loi d’orientation qui posera les nouvelles bases de l’emploi culturel dans notre pays, il importe aujourd’hui que la représentation nationale affirme sa volonté de pérenniser les principes sur lesquels repose l’assurance chômage des artistes et des techniciens qui font vivre ce lien essentiel. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)
Mme la Présidente - Nous en venons à la discussion générale.
M. Michel Françaix - Toutes les conditions sont réunies pour que cette proposition soit votée. Si elle fixe le cadre de nouvelles négociations, elle ne tend en rien à se substituer aux partenaires sociaux. Puisque la réforme du 26 juin 2003 est injuste, inefficace et coûteuse, puisque le ministre de la culture a toujours dit qu’en cas d’échec des négociations...
M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication - Ce n’est pas le cas.
M. Michel Françaix - ...il n’hésiterait pas à faire appel au législateur, puisque plus de 470 parlementaires dont 300 députés - parmi lesquels de nombreux représentants de la majorité - se sont prononcés en faveur de cette proposition, puisque celle-ci n’est pas l’apanage d’un clan mais d’un comité de suivi reconnu par tous, puisque cette demande a été saluée par tous comme faisant honneur à la politique, puisque la mission d’information sur les métiers artistiques avait mis l’intermittence au cœur du débat, puisque les institutions, les élus, les employeurs de festival et de salles de spectacle ne peuvent réaliser leurs ambitions culturelles sans recourir aux intermittents, puisque l’accord du 18 avril 2006 est mauvais car ne reprenant pas le seuil des 507 heures nécessaires en douze mois à date anniversaire fixe...
M. le Ministre - C’est l’État qui s’en charge.
M. Michel Françaix - ...puisque c’est le rôle du Parlement que de donner des outils de négociation aux partenaires sociaux à travers la loi, puisque nous sommes allés au bout du processus et que c’est la dernière chance avant les élections...
M. Michel Herbillon - D’où le dépôt de cette proposition ?
M. Michel Françaix - ...il est temps, pour débloquer une situation intenable, de répondre à l’attente des artistes et des techniciens ! Nous ne pouvons revenir sur notre parole. Si nous pensons que l’artiste est au coeur de la société, je vous demande d’en finir avec les hésitations et les volte-face afin que nous prenions ensemble nos responsabilités ! Comme au théâtre, il y a un temps pour les coulisses et un temps pour la représentation. Les parlementaires doivent dire ce qu’ils pensent sans arrière-pensées. Je compte sur vous pour nous retrouver sur l’essentiel : une vision de l’art et de la culture digne de ce nom ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)
M. Pierre Albertini - Je suis convaincu que nous sommes tous très intéressés par la question de l’intermittence. Si nous devions en douter, l’abondance des rapports et des missions ou la création du comité animé par M. Pinte, suffiraient à montrer qu’au-delà des avis partisans, un large consensus se dégage pour considérer que la question de l’assurance chômage des artistes et des techniciens du spectacle n’est pas subalterne.
M. Maurice Leroy - Très bien.
M. Pierre Albertini - À travers le sujet de l’assurance chômage, qui est au cœur des discussions de l’UNEDIC, c’est la place des artistes et techniciens du spectacle qui est en question. Il s’agit certes de l’animation de nos villes et de l’attractivité de nos territoires, mais beaucoup plus profondément de l’accès à la culture et du lien social qu’elle fabrique, par le plaisir de se retrouver ensemble, dans la rue, les théâtres, les salles de concert et ailleurs, dans une communion qui dépasse les différences.
La plus grande erreur a été d’agréer le protocole, dénoncé depuis l’origine, du 26 juin 2003. Nous ne serions pas là si cela n’avait pas été le cas. Monsieur le ministre, vous héritez d’une situation inconfortable.
M. Jean-Pierre Brard - Il assume !
M. Pierre Albertini - Certes, mais l’héritage est lourd. Vous n’avez pas hésité à mobiliser le budget du ministère, à demander aux collectivités territoriales de pérenniser l’emploi culturel - elles sont perfectibles en la matière - et à faire appel aux organisations professionnelles. Nous vous remercions de n’avoir à aucun moment considéré la question de l’assurance chômage comme secondaire. Il faut en particulier être très vigilant face à la plus grande vulnérabilité des jeunes, qui entrent dans la profession et sont encore plus menacés que ceux qui ont réussi à se faire un nom.
Deux grandes questions dominent le débat. D’abord, le protocole du 18 avril 2006, proposé par les partenaires sociaux mais non signé, est-il équitable, pérenne et vertueux ? Non. Il comporte certes quelques éléments positifs, dont la suppression de l’indemnité journalière, mais il est globalement défectueux et n’est en aucune manière à la hauteur des attentes du monde du spectacle, ni d’ailleurs des propositions émises par différents rapports et par la mission d’information conduite par M. Kert et M. Paillé. Ensuite, est-il légitime, et opportun, de demander à la représentation nationale de légiférer ? Oui. Depuis l’été 2003, la situation des intermittents n’a cessé de se dégrader, au point que vous avez dû intervenir, Monsieur le ministre, par le biais d’un fonds provisoire spécifique, transformé en fonds transitoire, que vous proposez de rendre pérenne sous le nom de fonds de professionnalisation et de solidarité. Ce faisant, nous sommes déjà passés de la solidarité interprofessionnelle, sur laquelle reposait l’accord du 26 juin 2003, à la solidarité nationale.
Nous sommes aujourd’hui en situation de carence des partenaires sociaux. Depuis le 18 avril 2006, nous attendons une signature qui n’intervient pas. Notre patience a atteint une limite raisonnable. La question est trop sérieuse pour être laissée aux rapports subtils entre le Medef, la CFDT et sans doute aussi le Gouvernement. La question doit être tranchée par le législateur sous l’angle des principes. C’est le sens de la proposition que j’ai rédigée pour le comité de suivi, qui n’est pas une injonction aux partenaires sociaux, mais une invitation à renégocier, à rediscuter cet accord prévu par le code du travail, sur une base simple : une activité de 507 heures constatée sur douze mois et donnant droit à une indemnisation sur douze mois aussi. Cette renégociation n’aurait pas été nécessaire si le protocole du 26 juin 2003 n’avait pas été agréé de façon aussi inconséquente.
Notre démarche est partagée par beaucoup de parlementaires, y compris au-delà du comité de suivi. Mais elle ne constitue qu’un premier pas. Il faudra ensuite définir le périmètre de l’intermittence et consolider l’emploi culturel - nous attendons encore à ce sujet la loi de programmation annoncée par M. Raffarin. Il faut accomplir ce premier pas sans esprit de victoire ni de revanche, mais pour corriger ce qui avait été mal fait. Nous invitons donc les partenaires sociaux à remplir leurs responsabilités. Nous préférons tous le contrat à la loi, mais lorsqu’il ne se manifeste pas, la loi doit prendre le relais (Applaudissements sur les bancs du groupe UDF, du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).
M. Jean-Pierre Brard - Voilà un vrai révolutionnaire ! C’est sans doute l’influence de la Pucelle à Rouen...
M. Pierre Albertini - C’était une révolutionnaire à sa façon.
M. Frédéric Dutoit - Après trois ans de conflit, les questions soulevées par la réforme des annexes 8 et 10 ne sont toujours pas réglées. Trois ans que l’on joue avec les nerfs des intermittents, dont des dizaines de milliers ont été exclus de la solidarité interprofessionnelle. Les jeunes artistes sont renvoyés vers la précarité. L’objectif central du Medef, dans cette réforme, n’est pas en fait la réduction du déficit, mais celle du périmètre de la profession. Pour lui, il y a trop d’artistes, comme il y a trop d’enseignants, de médecins ou de cheminots - trop de tout, sauf de profits.
Monsieur le ministre, un lourd discrédit pèse sur votre parole. Vous serez peut-être amené à renoncer à vos engagements. Vous ne défendez même plus les 507 heures annuelles avec date anniversaire - ou alors n’avez-vous plus la maîtrise du dossier. Trois ans après la signature d’un protocole d’accord minoritaire, on a l’impression que votre action n’a eu pour objectif que de calmer les esprits pour pouvoir passer les étés tranquillement.
Une profession est en danger, et sans elle, il n’y a pas de culture. Les artistes et techniciens du spectacle vivant, de l’audiovisuel et du cinéma expriment une colère justifiée. Nous les soutenons sans réserve. La culture est fragilisée. Le comité de suivi, qui réunit des parlementaires de toutes les sensibilités politiques, a toujours joué le jeu de la concertation pour sortir de la crise par le haut, mais la culture est encore en danger, prise dans le glissement d’une société de civilisation vers une société de comptes d’exploitation. Le dossier des intermittents est au cœur de l’avenir de l’exception culturelle française. C’est la reconnaissance des professionnels de la culture, confrontés chaque jour à la complexité et, le plus souvent, à la précarité de leur métier, des artistes et techniciens qui ont le droit de vivre de leur passion, de créer, d’inventer, de travailler sereinement ; qui contribuent directement à offrir de nouveaux espaces de divertissement et d’évasion, à créer cette culture qui participe à la formation de la personnalité de chacun.
Il est grand temps que nous assumions aujourd’hui nos responsabilités. Avec 471 parlementaires UMP, UDF, socialistes, communistes et verts, je soutiens cette proposition de loi qui pose les bases d’un régime spécifique d’assurance chômage dans le cadre de la solidarité interprofessionnelle, au sein de l’UNEDIC, et ouvre les droits à indemnisation selon une période de référence de douze mois, avec une date d’anniversaire fixe et pour une période de douze mois également. Vous avez toujours refusé, Monsieur le ministre, d’inscrire cette proposition de loi à l’ordre du jour de l’Assemblée et du Sénat. Je suis enclin à penser que l’ensemble des parlementaires la voteront. La démocratie doit être respectée : les intermittents, qui souffrent de ce manque de reconnaissance, les femmes et les hommes sensibles à la liberté de création, le public citoyen, les élus de toutes tendances, qui engagent leurs collectivités sur les chemins des arts et du spectacle, attendent de nous un élan nouveau pour la culture. Comme le comité de suivi, constatant le défaut d’accord sur un nouveau protocole après 34 mois de dialogue, j’appelle solennellement tous mes collègues à voter cette proposition (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains, du groupe socialiste et du groupe UDF).
M. Michel Herbillon - Le sujet est particulièrement complexe et nous tient à cœur. Derrière la question du régime spécifique de l’assurance chômage des artistes et techniciens, ce qui est en jeu, c’est notre vision de la place de la culture dans notre société, et donc de la politique culturelle. La question fait jouer des ressorts subtils, parce qu’elle est au carrefour entre la solidarité nationale et la solidarité interprofessionnelle, entre la politique nationale et le champ de compétences des partenaires sociaux. Cette complexité explique pour beaucoup les malentendus et le dialogue de sourds qui ont marqué le conflit de 2003.
Ce fut un conflit dur, violent ; mais qui a eu le mérite de poser les bonnes questions et de montrer l’apport inestimable de nos artistes et de nos techniciens, qui font notre fierté et auxquels je veux, au nom de l’UMP, rendre un hommage appuyé. La crise a aussi permis de faire survenir un état d’esprit nouveau, celui du dialogue et de la mobilisation autour d’un diagnostic partagé. Cela s’est concrétisé par une mobilisation parlementaire sans précédent, qui a réuni, c’est assez rare pour le souligner, l’ensemble des groupes politiques ; mais aussi par une collaboration inédite entre le ministère de la culture et celui de la cohésion sociale, illustrée par la présence conjointe ici des deux ministres. Je tiens à les en remercier au nom des membres de la commission des affaires culturelles.
Par ailleurs, une mission d’information parlementaire a débouché sur le rapport Kert voté à l’unanimité, et des élus de tous bords ont participé au comité de suivi présidé par M. Pinte ; le Parlement a tenu pour la première fois un débat sur le spectacle vivant. Puis, en septembre 2004, des états généraux du spectacle vivant ont dressé l’état des lieux des diverses conditions d’emploi dans ce secteur.
Dans ce contexte nouveau, le dialogue social rénové a permis une discussion très ouverte, avec le concours des présidents des commissions des affaires culturelles des deux assemblées. C’est ainsi que les partenaires sociaux, éclairés par de véritables expertises, ont abouti au protocole du 18 mars dernier. Quel que soit le jugement que l’on porte sur ce projet, le groupe UMP se réjouit que deux objectifs politiques majeurs soient atteints : d’une part le maintien d’un régime spécifique pour nos artistes et techniciens dans la solidarité interprofessionnelle et la prise en compte de la saisonnalité spécifique du secteur ; d’autre part, l’engagement fort de l’État afin que, pour la première fois, la solidarité nationale accompagne la solidarité interprofessionnelle. J’espère d’ailleurs que nos collègues de gauche voteront les crédits qui permettront aux artistes et techniciens de bénéficier de garanties supplémentaires, notamment l’allocation de fins de droits.
C’est au vu de cette articulation globale, fruit d’un engagement durable de l’État, que le groupe UMP formule son appréciation du futur système équitable et pérenne que nous appelons de nos vœux.
Mais je veux aussi rappeler à l’ensemble de la communauté artistique que c’est cette majorité qui a agi concrètement en sa faveur. Elle a doublé les moyens consacrés à la création culturelle depuis cinq ans, puisque de 300 millions entre 1997 et 2002, nous sommes passés à plus de 600 millions d’euros entre 2002 et 2007 (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).
M. François Liberti - Hors sujet !
M. Michel Herbillon - C’est elle qui a voté les crédits d’impôt en faveur du cinéma et de l’audiovisuel ce qui, combiné à votre décision, Monsieur le ministre, d’ouvrir les monuments historiques aux tournages, a permis d’augmenter de 35 % le nombre de tournages dans nos régions ! Elle encore qui a augmenté les crédits pour le patrimoine.
M. Jean-Pierre Brard - Nous parlons de spectacle vivant !
M. Michel Herbillon - Oui, nous préférons agir pour développer l’emploi de nos artistes et techniciens plutôt que de nous focaliser sur des questions de chômage. (Exclamations sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains) Et les résultats sont au rendez vous !
C’est enfin cette majorité, avec le discours du président de l’UMP Nicolas Sarkozy (« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains),...
M. Jean-Pierre Brard - Encore un sarkoboy !
M. Michel Herbillon - ...qui a rendu à la culture, dans notre famille politique, son rôle essentiel de vecteur d’excellence, d !attractivité et de cohésion sociale. Pour l’heure, je n’ai malheureusement pas lu une ligne sur la culture dans les discours des différents candidats à la candidature socialiste ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste)
Enfin, je voudrai rassurer Patrick Bloche et les membres du comité de suivi : nous ne sommes pas dans la même situation que lors de la conclusion du protocole de 2003. Près de 34 000 artistes et techniciens ont été réintégrés dans leurs droits grâce aux mesures du fonds transitoire.
M. François Liberti - Vous comptez ceux qui sont au RMI ?
M. Michel Herbillon - Nous ne sommes donc pas dans le vide juridique et social dont vous parlez.
Un mot encore sur le moment et sur la méthode. Si je salue le travail et l’originalité de la composition du comité de suivi, je refuse qu’on les réduise à une simple proposition de loi. Parce que cette méthode a été fondée sur le dépassement des clivages et l’association de la société civile, la moindre des choses eût été d’engager un véritable dialogue avec les partenaires sociaux, mais aussi avec le groupe UMP pour proposer un cadre qui soit bien plus large que la proposition de loi qui nous est soumise.
M. Michel Françaix - C’est ce que demande le ministre !
M. Michel Herbillon - Le groupe socialiste aurait été plus crédible si tous les groupes politiques et les partenaires sociaux avaient été consultés en amont (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains). Ce ne fut pas le cas.
Mme la Présidente - Il faut terminer, sinon vos collègues ne pourront pas s’exprimer.
M. Michel Herbillon - Il s’agit donc de la part du groupe socialiste d’une manœuvre politique, pour afficher un soutien de façade aux artistes et techniciens à quelques mois des élections de 2007...
M. le Rapporteur - Vous valez mieux que cela !
M. Michel Herbillon - Le groupe UMP préfère...
M. Didier Mathus - Ne rien faire !
M. Michel Herbillon - ...les décisions concrètes, les résultats tangibles dans le respect du champs de compétence des partenaires sociaux. À la lecture des échanges entre les organisations syndicales et le Gouvernement, rien ne permet de dire que la négociation soit un échec.
Mme la Présidente - Vous aurez bientôt doublé votre temps de parole. À ce compte, nous n’arriverons pas à terminer le débat.
M. Pierre Cohen - C’est ce qu’il veut !
M. Michel Herbillon - Au contraire, un accord va être conclu, articulé avec les mesures du Gouvernement. A ce stade, voter une loi présente trop d’incertitudes pour nos artistes et techniciens et pour le maintien de la solidarité interprofessionnelle. Ce n’est que si nous constatons un échec que nous saurons prendre nos responsabilités. Pour l’ensemble de ces raisons, le groupe UMP vous invite à ne pas voter le passage aux articles de la proposition de loi. (Quelques applaudissements sur quelques bancs du groupe UMP)
M. François Liberti - Ce n’est pas glorieux !
M. Jean-Pierre Brard - Les laquais sont pires que les maîtres !
M. Didier Mathus - Le prosélytisme sarkozien de M. Herbillon est touchant, mais peu convaincant. Il serait illusoire de croire qu’on peut enterrer cette affaire à la veille des élections, comme l’a proposé M. Herbillon, pour qui l’essentiel est de ne rien faire.
M. Michel Herbillon - Non, mais de passer par le dialogue social !
M. Pierre Cohen - Cela fait trois ans !
Mme la Présidente - Nous ne terminerons pas, si vous interrompez constamment.
M. Didier Mathus - D’un côté, le protocole d’avril, que personne ne veut signer, même si le ministre nous annonce sans cesse que c’est pour demain. Le fonds transitoire est devenu pratiquement permanent, et de la solidarité interprofessionnelle, le financement est passé à la solidarité nationale. Et il ne faudrait pas en discuter au Parlement ?
De l’autre côté, une proposition de loi a été votée par près de 500 députés...
M. Dominique Richard - Signée, pas votée !
M. Didier Mathus - Elle a été soutenue. Était-ce seulement pour se faire bien voir et gagner du temps ? Sinon, quand elle vient à l’ordre du jour, on la vote !
Cette question des intermittents est très importante pour l’animation culturelle dans notre pays, et elle illustre l’élargissement de l’offre culturelle des années 1980 et 1990. Entre la culture officielle des scènes nationales, rare et essentiellement parisienne, et la culture de loisir commerciale, a surgi, avec l’intermittence, une offre culturelle nouvelle précieuse pour beaucoup de villes de province. Ne pas faire la loi aujourd’hui, c’est laisser le Medef faire la sienne. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)
M. Michel Herbillon - Quelle caricature !
M. Jean-Pierre Brard - Le Gouvernement, sans doute obnubilé par les échéances de 2007, voudrait nous faire franchir six mois d’un bond. Il nous transporte au carnaval et endosse sans vergogne le déguisement de l’apôtre du dialogue social ! Mais sur ce dossier de l’indemnisation du chômage des professionnels du spectacle, il est contraint de tomber le masque. Depuis trois ans, MM. Raffarin et Villepin ont fait semblant d’encourager le dialogue social, face aux ravages sociaux causés par le funeste accord UNEDIC de juin 2003. Et, sans aucun souci de vraisemblance, le chœur des godillots, il est vrai très dégarni, reprend le grand air du dialogue social qui va aboutir incessamment.
Le dernier oracle censé justifier cette rengaine serait une lettre de la CFDT annonçant qu’elle n’exclut pas de signer le mauvais accord d’avril dernier, resté depuis cette époque en déshérence. Cette même CFDT se croit autorisée à exiger, avec une incroyable arrogance, « la levée de toute hypothèque d’intervention du législateur dès lors que l’accord sera signé et agréé ». Vous en êtes donc réduit à vous livrer à une périlleuse exégèse d’un courrier de M. Chérèque, votre porte-hallebarde habituel (Sourires), dont la centrale syndicale n’est absolument pas représentative des professions concernées.
Derrière ces manigances, depuis 2003, c’est le MEDEF, dont M. Chérèque a toujours été le loyal supplétif, qui tire les ficelles. Les promoteurs de la marchandisation de la culture n’ont que faire de la richesse de la création artistique dans le spectacle vivant, le cinéma et l’audiovisuel. Ils se contentent de vendre du temps de cerveau humain disponible aux annonceurs publicitaires, selon la remarquable formule du PDG de TF1.
Or, le rayonnement de la France ne se mesure pas seulement à l’évolution de son PIB,...
M. Dominique Richard - Nous en sommes d’accord.
M. Jean-Pierre Brard - ...ni au faible niveau des impôts pour les riches, mais aussi au dynamisme et à la qualité de la création culturelle.
Après plus de trois années de tergiversations, il faut cesser de jouer avec les nerfs et avec l’avenir de milliers de travailleurs qui se demandent jour après jour, nuit après nuit, s’ils ne vont pas basculer hors du système d’indemnisation et tentent de préserver leurs droits au prix d’un parcours souvent kafkaïen. Cela est inhumain, et condamne à la faillite de nombreuses structures de création et de diffusion artistique. C’est à cette situation que nous voulons mettre fin avec notre proposition de loi. C’est la voie du réalisme, de la justice et de la solidarité que nous vous invitons aujourd’hui à choisir.
En conclusion, je ne résiste pas à la tentation de vous faire part de la création d’une nouvelle association, constituée de parlementaires du groupe UMP : le club des Judas et des Janus ! Si j’en crois les statuts publiés au Journal officiel (Rires sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste), la première condition pour y adhérer est d’avoir signé la proposition de loi du 3 mars 2005, et la seconde de renier cette signature ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP)
M. André Santini - Excellent.
M. Jean-Pierre Brard - Parmi les membres de cette association, citons MM. Anciaux, Balkany, Beaulieu, Jean-Louis Bernard, Bignon, Mme Boutin, M. Loïc Bouvard, MM. Bret, Calvet, Cazenave - je m’arrête là pour ne pas retarder la discussion. Une bonne partie de tous ces membres, dont je tiens à votre disposition la liste complète, s’apprête sans doute à nous rejoindre tout à l’heure pour voter contre le passage à la discussion des articles et enfoncer ainsi le dernier clou sur le cercueil des intermittents du spectacle ! (Protestations sur les bancs du groupe UMP) Tout cela sous la houlette de M. Donnedieu de Vabres et de M. Larcher, qui veillent à ce que ce protocole funèbre se déroule selon les règles !
Nous restons, nous, fidèles à notre parole, car nous croyons au foisonnement de la vie culturelle, tandis que la majorité n’a d’yeux que pour Mme Parisot ! (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste)
M. Henri Emmanuelli - Très bien.
M. Noël Mamère - Je crains que nous ne terminions cette matinée avec une méchante gueule de bois, étant donné que les députés du groupe UMP sont prêts, pour la plupart, à renier la parole qu’ils avaient donnée en signant la proposition de loi. Ce faisant, ils vont non seulement trahir leur parole et les intermittents, mais aussi les Français, car ce type de comportement ne peut que nourrir la défiance de bon nombre de nos compatriotes envers la représentation nationale et favoriser les marchands d’illusions.
Nous avions constitué il y a trois ans un comité de suivi qui rassemblait des élus de droite et de gauche ainsi que des syndicats et des organisations peu habitués à travailler ensemble. Ce comité, qui a travaillé sous la responsabilité de M. Pinte, a réussi à aménager le scandaleux protocole de 2003.
Mais les ministres sont venus à deux pour nous expliquer que la loi n’a pas à s’occuper de ce qui est l’affaire des partenaires sociaux et pour nous dire qu’un protocole vaut mieux que la loi. Vous savez pourtant que celui qui se prépare, avec la complicité du Gouvernement, sera pire encore, puisque ce sera celui de 2003 moins 33 000 intermittents. Vous savez aussi, Messieurs les ministres, que la CFDT n’est pas d’accord pour signer le nouveau protocole ! Elle l’a dit. Et vous n’écoutez pas le Président de la République, qui a déclaré récemment devant le Conseil économique et social que lorsque les partenaires sociaux n’arrivaient pas à un accord, le dernier mot devait revenir à la représentation nationale.
Dans ces conditions, je trouve scandaleux que l’on nous oblige à travailler sur un sujet aussi important en une heure et demie et je me demande qui gouverne.
M. Jean-Pierre Brard - Le Medef !
M. Noël Mamère - Si les députés de l’UMP votent tout à l’heure contre le passage à la discussion des articles, ce sera bien la preuve que vous avez vous aussi, Messieurs les ministres, manqué à votre parole et trahi les intermittents du spectacle. Ce sera aussi la preuve que ce Gouvernement ne gouverne pas et que dans ce domaine comme dans d’autres, c’est le Medef qui fait en effet la loi !
Nous ne pouvons pas accepter que des lobbies, quels qu’ils soient, légifèrent à notre place. Nous, législateurs, sommes là pour fixer un cadre, que les intermittents attendent depuis trois ans. Nous savons tous ici le rôle qu’ils jouent dans la vitalité de la culture française. C’est pourquoi nous devons tout à l’heure voter pour le passage à la discussion des articles. Sinon, que se passera-t-il ? On renverra encore une fois à plus tard. Or, nous sommes à la veille d’échéances électorales et il n’y aura plus d’ici là de « niche » parlementaire pour adopter la proposition de loi. La trahison de la majorité est flagrante, et j’espère, Messieurs, que les électeurs vous la feront payer ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)
M. Christian Kert - Nos collègues socialistes ont décidé de porter devant notre Assemblée une proposition de loi, dont une mouture identique avait été approuvée par une centaine de membres du groupe UMP, lesquels ne s’apprêtent toutefois pas à voter ce texte. Il me faut expliquer ce paradoxe : notre groupe respectera une parole donnée, celle du président de l’Assemblée nationale, qui, recevant les membres du comité de suivi conduits par notre collègue Étienne Pinte, affirma : « Il ne faudra recourir à cette proposition que le jour où nous estimerons que toutes les voies de la négociation auront échoué. » Propos alors approuvé par tous les membres de ce groupe, de droite comme de gauche. (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste)
M. Michel Françaix - Trois ans sont passés !
M. Christian Kert - Alors, chers collègues du groupe socialiste, pourquoi demandez-vous aujourd’hui la discussion de cette proposition de loi ? Comment pouvez-vous trouver opportun de le faire alors que les ministres nous assurent, lettre à l’appui, que la CFDT est sur le point de signer un nouveau protocole ? Pensez-vous servir ainsi la négociation ?
M. Jean-Pierre Brard - La CFDT est sur le point de trahir !
M. Christian Kert - Nous devons la vérité aux intermittents. Si la proposition de loi était votée aujourd’hui, l’accord qui se prépare ne pourrait pas être agréé par le Gouvernement. Or, cet accord, vous y croyez et vous y avez travaillé au sein du comité de suivi, en particulier vous, Monsieur le rapporteur. Si la présente proposition de loi était adoptée, on reviendrait immédiatement aux clauses de l’accord de 2003, celui-là même qui avait mis le feu aux poudres !
Alors que notre texte était destiné à servir de rempart, voilà qu’il se transformerait en une arme redoutable contre les mesures transitoires, qui ont porté leurs fruits et permis de « repêcher » des centaines et des centaines d’intermittents, que l’accord de 2003 avait laissés sur le bord du chemin.
Pire, si votre texte passait, les principales revendications syndicales, relayées par notre comité de suivi, tomberaient - je pense notamment aux 507 heures et à la création d’un fonds de professionnalisation et de solidarité. C’est tout l’ensemble auquel nous avons abouti qui devrait brutalement retourner devant les partenaires sociaux, alors même qu’un certain consensus s’était réalisé à son sujet.
Comment pourrait-il d’ailleurs ne pas y avoir consensus, puisque cet ensemble assurera aux artistes et aux techniciens intermittents un système de protection sociale et professionnelle plus étendu que dans les protocoles antérieurs ?
Vous savez bien, mes chers collègues, que les risques dont je parle existent. C’est bien pourquoi il faut être raisonnable...
M. Michel Françaix - Et ne rien faire ?
M. Christian Kert - ...et ne pas se comporter comme des fils spirituels de Ponce Pilate ! Je ne parviens pas à croire qu’après trois ans de travail commun, vous puissiez vous satisfaire de cela ! Aux ministres de nous dire si la négociation est en bon chemin, à eux, si elle n’aboutissait pas, d’en appeler au Parlement ! (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)
Mme la Présidente - La parole est à M. Pinte.
M. Jean-Pierre Brard - Voilà l’un des rares honnêtes hommes de l’UMP !
M. Étienne Pinte - L’occasion ne se présente pas si souvent ici pour un député de la majorité de voter une proposition de loi issue de l’opposition. Pourtant, comme l’Arménie tout à l’heure, la situation des artistes et techniciens, si précieux à la nation toute entière, rassemble au-delà des clivages politiques.
Cette proposition de loi est le fruit d’un travail collectif mené par des parlementaires de sensibilités différentes, déterminés, aux côtés des artistes et techniciens, à mettre en place un nouveau régime d’assurance chômage. Elle vise à préserver le statut de l’intermittence et à instaurer un système vertueux en la matière. Le Gouvernement et les partenaires sociaux lui ont accordé leur considération : je tiens ici à rendre hommage à la disponibilité et aux efforts de M. le ministre, à l’initiative duquel plusieurs travaux - dont la remarquable expertise de M. Guillot - ont pu dévoiler les difficultés rencontrées tant par les artistes et techniciens que par leurs employeurs. Avec le ministre de l’emploi, vous avez cherché à lutter contre les abus en accompagnant les négociations sur les conventions collectives. Ce n’est que dans quelques mois ou années que nous pourrons mesurer les fruits de votre travail.
Cette proposition de loi n’est pas un geste de défiance à votre égard : vous travaillez vous-même à la signature d’un nouveau protocole. Cependant, trois ans après la signature du funeste protocole de 2003 et de nombreux mois de concertation, il n’y a toujours pas d’accord, et il n’y en aura pas.
Les parlementaires ont pourtant tenu à donner aux partenaires sociaux tout le temps de la discussion : trois ans, M. Herbillon !
M. Jean-Pierre Brard - Il est sorti !
M. Étienne Pinte - Malgré quelques avancées, nous nous sommes heurtés à de nombreuses rigidités. Plusieurs rapports et expertises dénonçant l’accord de 2003 et préconisant la mise en place d’un nouveau régime n’ont rien donné, malgré le temps passé à les défendre devant les partenaires sociaux. Aujourd’hui, c’est l’impasse. Un accord, trop souvent annoncé, est improbable, bien que vous l’espériez avant la fin du mois : la CFDT y pose de nouvelles conditions et la CGC, déplorant que rien n’ait changé depuis trois ans malgré vos menaces, annonce qu’elle ne le signera pas.
D’ailleurs, celui que vous proposez est décevant : il fait l’impasse sur des évidences comme la date anniversaire, n’incite pas à la déclaration de toutes les heures, n’est pas adapté au rythme de travail des professionnels concernés et privilégie ceux qui gagnent bien leur vie au détriment des plus fragiles.
M. le Ministre - C’est faux !
M. Étienne Pinte - Les parlementaires ont désormais la responsabilité d’envoyer un signe fort aux artistes et techniciens, aux partenaires sociaux, aux centaines d’élus réunis au sein de la Fédération nationale des collectivités pour la culture et à nos concitoyens, qui ne comprennent pas que ce dossier ne soit pas encore bouclé. Le temps est venu de respecter nos engagements et de voter cette proposition de loi : il y va de notre crédibilité et de notre honneur (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe UDF).
M. Pierre Bourguignon - Nous revenons enfin à la réalité avec l’intervention de M. Pinte, après que certains orateurs nous ont emmené dans le monde virtuel d’un protocole inexistant. Cette proposition de loi visant à pérenniser le régime d’assurance chômage des professions du spectacle est une étape décisive dans une négociation qui dure depuis trois ans ! Nous savons tous que l’accord du 26 juin 2003 n’a rien résolu, bien au contraire : il a creusé le déficit de l’UNEDIC sans enrayer les abus ni protéger les plus vulnérables au sein des compagnies de théâtre, de danse et d’arts de la rue qui font le maillage culturel profond de notre territoire.
Le comité de suivi créé pour ouvrir de nouvelles négociations, et qui rassemblait des parlementaires de toutes tendances, la coordination des intermittents, les partenaires sociaux et les confédérations professionnelles, a élaboré une proposition de loi propre à mettre fin à cette situation de blocage.
Après des mois de négociation, le Gouvernement nous annonçait l’imminence d’un accord fondé sur les conclusions du rapport Guillot. Le protocole du 18 avril n’en tient pourtant pas compte, et aucun syndicat ne l’a signé ! À quoi aura donc servi l’abondant travail d’expertise et de dialogue accompli pendant trois ans ?
La présente proposition de loi nous permet de sortir de l’impasse. Loin d’y faire obstacle, elle fixe un cadre éthique acceptable par tous : 507 heures en douze mois, et le retour à la négociation salariale. Aux partenaires sociaux de décliner ensuite ce texte. Nous remplissons ainsi pleinement notre rôle de législateur.
La question de l’intermittence est essentielle au développement de la culture en France : les arts de la rue, notamment, qui avaient connu un bel essor, sont aujourd’hui en pleine crise. Cette proposition de loi permettra à l’ensemble des acteurs du spectacle vivant de poursuivre le travail artistique, culturel et éducatif qu’ils mènent dans des milliers de villes de France, ainsi que leur engagement dans la lutte contre les exclusions et les inégalités d’accès à la culture. Peut-être certains députés de la majorité auront-ils même le temps de parcourir les couloirs de l’Assemblée pour rassembler leurs collègues avant le vote ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste) bancs du groupe UDF)
M. Dominique Richard - Le comité de suivi, présidé par M. Pinte, a-t-il, depuis trois ans, perdu son temps ? Certainement pas ! Il a donné lieu à un dialogue constructif et respectueux où de nombreux préjugés ont pu être levés entre deux mondes qui, au fond, se connaissent mal. Il a même permis de démystifier l’incompréhension révélée par la cérémonie des Césars en 2003.
C’est ensemble et avec l’écoute bienveillante de M. le ministre que nous avons pu franchir des étapes décisives telles que la reconnaissance des congés maternité et maladie, la réintégration de milliers d’intermittents grâce au fonds de transition, la prise en compte des heures de formation, la création du fonds de professionnalisation et l’abandon de la journée de référence. Grâce à ces avancées, la situation des intermittents est aujourd’hui meilleure que sous l’ancien protocole, puisque l’UNEDIC, présidée par la CFDT, interprète la période de référence avec beaucoup de bienveillance.
Aujourd’hui, le groupe socialiste, humant le fumet des élections qui approchent... (Protestations sur les bancs du groupe socialiste)
M. le Rapporteur - Pas ça !
M. Dominique Richard - ...a décidé de rompre ce travail commun en l’inscrivant dans sa niche parlementaire. Ce n’est rien d’autre que la captation partisane d’un sujet qui avait su nous rassembler puisque nous avions convenu ensemble, au début de l’été, de nous ranger derrière la bannière du président de l’Assemblée nationale en cas d’échec des négociations. En agissant de la sorte, le PS a dénaturé notre volonté commune de privilégier le consensus plutôt que l’affrontement, le contrat librement consenti plutôt que la loi imposée.
Notre engagement n’a jamais varié : nous voulons donner toutes ses chances à la négociation, ne serait-ce que pour ne pas fragiliser l’indispensable appartenance des intermittents à la solidarité interprofessionnelle, qui garantit la pérennité de leur protection tout en consacrant le rôle éminent de l’activité culturelle. Or, seules deux organisations syndicales sur cinq ont refusé à ce jour de signer le projet de protocole.
M. le Rapporteur - Trois.
M. Dominique Richard - Trois centrales ont réservé leur réponse. La position de la CGC dont vous avez fait état, Monsieur Pinte, n’est pas une position de la centrale, mais une demande du syndicat de branche adressée à celle-ci. Il est vrai, cher Étienne Pinte, que cela a beaucoup duré. Mais est-ce une raison pour ne pas donner une dernière chance au paritarisme ? Deux jours après l’accueil favorable que les partenaires sociaux ont réservé à l’engagement du Président de la République d’imposer une négociation avant toute modification législative, ce serait une bien curieuse réponse que de passer en force alors que l’accord paritaire est à portée de main. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP)
La discussion générale est close.
M. Jean-Marc Ayrault - Rappel au Règlement. Il est treize heures. Il serait digne pour notre Assemblée qu’après l’intervention des deux ministres, nous puissions voter sur le passage à la discussion des articles. Les auteurs de la proposition de loi y sont évidemment favorables, mais il faut le vérifier. Je souhaite donc que les ministres ne fassent pas en sorte, comme il est arrivé, que la durée de leurs interventions empêche de passer au vote. Je serais d’avis de prolonger la séance le temps nécessaire, pour que chacun puisse juger des responsabilités des uns et des autres. On peut bien sûr estimer, comme M. Mamère, que nous n’avons pas assez de temps. Mais la séance de ce matin est le seul espace d’initiative parlementaire qui reste au groupe socialiste avant la fin de la législature. Nous avons pris nos responsabilités ; je ne voudrais pas que, par tactique, les ministres fassent en sorte que l’on ne puisse pas voter. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)
M. Jean-Pierre Brard - Très bien !
M. Bernard Accoyer - Mon rappel au Règlement est conforté par ce que je viens d’entendre. M. Ayrault s’inquiète - et nous aussi - du déroulement de nos travaux. Mais il aurait pu n’inscrire qu’un seul texte dans la niche de son groupe (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste). Et comme la démagogie est sans limite au parti socialiste, on choisit évidemment des textes bien ciblés, même si certains peuvent porter tort à notre pays. Ceux-là même qui n’assument pas leurs responsabilités, voire font le contraire de ce qu’ils ont dit, voudraient maintenant bafouer notre Règlement. On voit à quelles errances cela peut conduire ! Je demande donc une suspension de séance d’une heure pour réfléchir avec mon groupe à ce qu’il convient de faire sur ce texte particulièrement important. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP ; vives protestations sur les bancs du groupe socialiste)
M. Frédéric Dutoit - Si ce n’est pas de l’obstruction...
M. le Rapporteur - Je voudrais que nous ayons tous la même mémoire de l’application du Règlement. Lors de l’examen en CMP du projet de loi sur le droit d’auteur dans la société de l’information, la discussion avait commencé à neuf heures et demie du matin, pour s’achever à quinze heures ! La même règle doit prévaloir aujourd’hui. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)
M. Jean-Marc Ayrault - Ce que vient de faire le président Accoyer confirme mes craintes. Je le dis pour l’opinion publique : avec une suspension d’une heure, nous ne pourrons pas reprendre le débat, et cette affaire sera enterrée, puisque cette niche parlementaire est la dernière de la législature pour le groupe socialiste. Nous utilisons nos droits, qui sont les droits du Parlement, ceux de tous les députés. Il n’y aura pas d’autre occasion.
Je voudrais aussi dire à quel point les députés de l’UMP sont hypocrites : nombre d’entre eux ont signé des pétitions et notre proposition de loi et, quand il s’agit de voter, ils trouvent des subterfuges pour ne pas prendre leurs responsabilités ! Nous avons décidé quant à nous de les prendre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste)
M. Pierre Albertini - Rappel au Règlement. Je regrette qu’un artifice de procédure soit utilisé...
M. Bernard Accoyer - Quand suspend-on ?
M. Henri Emmanuelli - Cela suffit, Monsieur Accoyer !
M. Pierre Albertini - ...pour éviter d’aller au bout d’une discussion aussi importante. Nous attendons depuis plus de trois ans que la question des intermittents du spectacle soit résolue dans un esprit d’équité et de justice. L’UDF avait elle-même renoncé à utiliser sa niche parlementaire parce qu’on nous prédisait que l’accord des partenaires sociaux était imminent : c’était en janvier 2005. La patience des parlementaires a néanmoins des limites : chacun doit assumer ses actes et la signature donnée à une proposition de loi qui a été librement discutée. Je rappelle que près de cent parlementaires UMP ont cosigné ce texte.
Mme la Présidente - Je suspends la séance pour un quart d’heure.
La séance, suspendue à 13 heures 10, est reprise à 13 heures 25.
M. le Ministre - Je viens d’écouter avec beaucoup d’attention et de gravité le débat qui vient d’avoir lieu...
Plusieurs députés socialistes - Mais où sont passés les députés UMP ?
M. Noël Mamère - Ils sont absents ! Quelle comédie grotesque !
M. le Ministre - ...parce qu’il touche à la cause des artistes et des techniciens du spectacle vivant et enregistré, cause à laquelle je consacre chacune de mes journées depuis ma prise de fonction, il y a maintenant trente mois. Sans relâche, j’essaie d’expliquer à tous nos concitoyens et concitoyennes pourquoi les artistes et les techniciens de notre pays méritent un système spécifique - et c’est la fierté de notre pays.
M. Noël Mamère - Vous les méprisez !
M. le Ministre - Leur activité, leur rythme de vie, l’existence de périodes pendant lesquelles ils préparent ce qu’ils vont réaliser et créer, tout cela légitime qu’un système propre leur soit consacré. Cela étant, rien ne m’a échappé des arrière-pensées politiciennes de certains orateurs (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains), qui dénaturent un beau sujet.
M. le Rapporteur - C’est scandaleux !
M. le Ministre - La culture doit rassembler au-delà des clivages. Elle est un liant et une fierté pour notre pays. La crise de l’intermittence, révélée brutalement à l’occasion du protocole du 26 juin 2003, nous a fait redouter un divorce entre la nation et le monde artistique et culturel - les annulations de festivals de l’été 2003 en ont constitué la manifestation à la fois douloureuse et éclatante.
Depuis mon arrivée au ministère, je ne cesse de travailler à la réconciliation - et j’emploie ce mot à dessein. Celle-ci a notamment été rendue possible grâce à l’initiative originale, et à maints égards remarquable, du comité de suivi animé par Étienne Pinte. Ce comité a permis aux élus des deux assemblées de tous bords ainsi qu’à de nombreuses organisations professionnelles du monde du spectacle, représentant les employeurs comme les salariés, d’échanger et de confronter leurs analyses et points de vues, mais aussi d’élaborer des propositions communes, qui ont puissamment contribué à éclairer les divers travaux d’expertise et de négociation qui se sont déroulés ces trois dernières années. N’oublions pas non plus le travail de la mission parlementaire conduite par M. Kert.
M. Jean-Pierre Brard - C’est une oraison funèbre !
M. le Ministre - Une mobilisation parlementaire exceptionnelle a également marqué les débats d’orientation sur le spectacle vivant qui ont été organisés par l’Assemblée nationale en décembre 2004 et par le Sénat en février 2005. Certains orateurs de l’opposition ont eu l’honnêteté de reconnaître que c’était une première. Le Gouvernement a ainsi montré que pour lui, les questions culturelles, loin d’être périphériques, sont au cœur de l’attractivité de notre pays. Je remercie les présidents Debré et Poncelet qui ont présidé ces débats, ainsi que les présidents des commissions Dubernard et Valade qui, par leur participation régulière au conseil national des professions du spectacle, ont toujours soutenu ce secteur.
M. Henri Emmanuelli - Pour aboutir à quoi ?
M. le Ministre - Des mesures concrètes ont été prises pour rétablir dans leurs droits les artistes et les techniciens qui effectuaient les 507 heures nécessaires àleur affiliationàleurrégime d’assurance chômage en douze mois : les congés de maternité et les congés de maladie de plus de trois mois, les heures de formation dispensées par les artistes comme par les techniciens à hauteur de 120heuresont été pris en compte. Grâce à cela, un certain nombre d’effets négatifs duprotocole de 2003 ont été atténués pour plus de 34 000 artistes et techniciens. Toutes ces mesures sont en vigueur depuis 2004 et leurs effets ont été prolongés jusqu’à la signature d’un nouvel accord. Les nouvelles dispositions prévues dans le projet de protocole du 18 avril et complétées par l’État reprennent ces mesures dans le nouveau système. Il s’agit de sujets essentiels pour la protection sociale et l’activité professionnelle des artistes et des techniciens. Nous avons œuvré en ce sens et nous continuerons à le faire dans le cadre du nouveau système.
Mais surtout, comme j’avais eu l’honneur de l’annoncer devant vous le 9 décembre 2004 sur la base des travaux de Jean-Paul Guillot, l’expert désigné par le Gouvernement et dont le concours a été apprécié de chacun, le Gouvernement engage une politique ambitieuse de l’emploi dans le spectacle. Bien sûr qu’il faut un système d’assurance chômage pérenne et équitable pour les artistes et les techniciens, mais le plus important, c’est leur activité ! Soyez fiers, par exemple, des mesures de crédits d’impôt qui ont permis de re-localiser sur le territoire national un certain nombre d’activités dans le domaine du cinéma, de l’audiovisuel et de la musique.
M. Pierre Albertini - C’est vrai.
M. le Ministre - Je remercie M. Larcher car nous formons une bonne équipe...
M. Jean-Pierre Brard - Un duo infernal !
M. le Ministre - ...qui veut résoudre la question de l’assurance chômage et soutenir l’emploi. Nous définissons une politique audacieuse de négociation des conventions collectives, notamment en ce qui concerne les fonctions et les conditions du recours à l’intermittence, les liens plus étroits entre les financements publics et les conditions d’emploi - que ces financements émanent de l’Etat ou bien des collectivités territoriales. Nous renforçons également les contrôles de manière à lutter contre les abus. Nous sommes mobilisés !
M. Jean-Pierre Brard - Avec des généraux pareils, la défaite n’est pas loin !
M. le Ministre - Le nouveau système est constitué du projet de protocole du 18 avril 2006, négocié par les partenaires sociaux, et du fonds de professionnalisation et de solidarité mis en place et financé par l’Etat. Je n’ai entendu aucune proposition alternative à la nécessaire articulation entre la solidarité interprofessionnelle et l’action de l’État.
M. le Rapporteur - Nous voulons la renforcer !
M. le Ministre - Même s’il ne reprend pas toutes les propositions qui avaient été émises, le projet en cours de signature est cohérent avec la politique de l’emploi dans le spectacle et il assure une protection sociale et professionnelle aux artistes et techniciens à un niveau qu’aucun autre système n’avait atteint auparavant. Il garantit également le maintien du régime spécifique d’assurance chômage des artistes et techniciens au sein de la solidarité interprofessionnelle. Il prend en compte le rythme d’activité et la saisonnalité spécifiques au secteur du spectacle...
M. Michel Françaix - C’est là que cela dérape !
M. le Ministre - ...et permet aux artistes et aux techniciens de retrouver, pour la recherche de leurs droits, la période de référence annuelle qui correspond au rythme de l’immense majorité d’entre eux, même si c’est au terme d’un mécanisme peut-être un peu complexe. Il maintient un niveau d’indemnisation élevé - 51 euros en moyenne par jour pour les artistes et 60 euros pour les techniciens - au lieu de 33 euros dans le régime général. Il maintient un seuil de 507 heures sur 12 mois pendant un an après la conclusion des conventions collectives. Il encourage à déclarer toutes les heures travaillées.
Au terme d’ultimes échanges, plusieurs confédérations ont fait connaître au Gouvernement leur intention de signer le projet de protocole...
M. Henri Emmanuelli et M. Jean-Pierre Brard - Lesquelles ?
M. le Ministre - ...afin que le nouveau dispositif se mette en place et que nous puissions poursuivre notre politique d’emploi. Alors que le travail commun de plusieurs années est sur le point d’aboutir, alors que le Président de la République vient de rappeler solennellement devant le Conseil Économique et Social notre attachement au dialogue social et le respect dû aux responsabilités des partenaires sociaux, le moment est très inopportun pour une initiative législative. Sauf à vouloir, dans une attitude de Gribouille...
M. Henri Emmanuelli - Parole d’expert !
M. le Ministre - ...provoquer ou précipiter l’échec, le temps n’est pas encore venu - même s’il approche, j’en suis bien conscient - de constater l’échec des négociations entre les partenaires sociaux. Il n’est pas question, pour le Gouvernement, d’en rester à l’équilibre du protocole de 2003, fût-il complété par les mesures prises par l’Etat. Comme nous l’avons fait de manière continue, si l’échec et le refus de signature du nouveau système devaient être avérés, le Gouvernement prendrait toutes ses responsabilités avec le triple objectif de soutenir l’emploi des artistes et techniciens, de leur assurer une protection concrète - professionnelle et sociale - et de maintenir leur régime d’assurance chômage spécifique au sein de la solidarité interprofessionnelle.
Je le dis solennellement : aucun d’entre nous ne devrait prendre le risque de séparer la situation des artistes et des techniciens de celle de l’ensemble des salariés. Parce que ce risque existe avec une telle démarche législative, je vous demande de ne pas voter ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)
M. Gérard Larcher, ministre délégué à l’emploi, au travail et à l’insertion - Il y a deux jours, le Président de la République est intervenu devant le Conseil économique et social. Il a tenu un discours qui fixe un cap ambitieux (Rires sur bancs du groupe socialiste) à la réforme du dialogue social : plus de contrat et moins de loi. Ce sont selon lui les représentants des salariés et des entreprises qui ont vocation à gérer nos régimes de protection sociale. Voilà des axes de travail forts que les partenaires sociaux ont bien accueillis. Ces mêmes partenaires s’étonneraient probablement du message contradictoire qui leur serait adressé aujourd’hui si cette proposition devait être votée. Je ne crois donc pas qu’il soit opportun d’aller en ce sens pour plusieurs raisons.
La première, c’est qu’il ne convient pas de légiférer dans un domaine qui relève particulièrement de la compétence des partenaires sociaux.
M. Henri Emmanuelli - Ben voyons !
M. le Ministre délégué - Le régime d’assurance chômage est en effet le seul où existe un véritable paritarisme. Les partenaires sociaux ont montré encore récemment qu’ils savaient prendre leurs responsabilités lorsqu’ils sont en situation de le faire. Ensuite, je ne crois pas opportun de légiférer sur un sujet qui a donné lieu à de longues négociations. Nous avons souhaité que celles-ci soient approfondies et elles l’ont été puisque autant de réunions ont été consacrées au seul régime des artistes et techniciens du spectacle qu’au régime général d’assurance chômage. Nous avons également souhaité que la mise en œuvre d’un nouvel accord fasse l’objet de vérifications techniques préalables.
Enfin, nous avons souhaité que la solidarité nationale et la solidarité interprofessionnelle interviennent de façon coordonnée et articulée. Certains partenaires sociaux nous ont fait part de leurs préoccupations et nous leur avons répondu. Considérer aujourd’hui que le dialogue social a échoué serait prématuré. Non seulement les signataires potentiels n’ont donné aucun signe négatif mais ils ont pu constater que la politique gouvernementale en faveur de l’emploi dans le secteur du spectacle répondait à leurs attentes. Alors, et c’est une raison supplémentaire de ne pas voter ce texte, il n’est pas opportun de rouvrir aujourd’hui une période de grande incertitude alors qu’une sortie de crise se dessine enfin.
Le projet d’accord comporte de nombreuses avancées. Il sera complété par l’intervention de l’Etat dans le cadre d’un fonds de professionnalisation et de solidarité. Nous travaillerons enfin à passer, dans les semaines qui viennent, de 43 conventions et accords à huit conventions collectives. Le dernier rapport présenté devant le Conseil national du spectacle a montré, le 3 octobre, les avancées réalisées avec une préoccupation essentielle : la prévoyance.
Si la proposition était adoptée, ce serait le Gouvernement qui s’imposerait la contrainte de retirer l’agrément de l’accord actuel ou de ne pas pouvoir agréer un nouvel accord qui ne respecterait pas les conditions fixées par la loi. Ce n’est donc ni le moment, ni la manière, ni la solution.
Le ministre de la culture et moi partageons la volonté d’assurer aux métiers du spectacle et de la culture et à ceux qui bordent le champ conventionnel, tant une protection que des perspectives ; car il faut parier sur les métiers de la culture comme acteurs du développement et de la cohésion sociale dans notre pays (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).
Mme la Présidente - La commission n’ayant pas présenté de conclusions, l’Assemblée, conformément à l’article 94, alinéa 3 du Règlement, est appelée à statuer sur le passage à la discussion des articles de la proposition de loi.
M. Bernard Accoyer - La proposition de loi du groupe socialiste vise à court-circuiter le dialogue social... (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains)
M. le Rapporteur - Cinq propositions, avec la signature d’une centaine de députés de l’UMP !
M. Bernard Accoyer - Ce n’est pas une surprise : le parti socialiste et la gauche en général nous ont habitués à faire fi du dialogue social et à légiférer en tenant les libertés, les droits et l’inventivité des partenaires sociaux pour quantité négligeable (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains). Au risque de raviver des souvenirs douloureux, je dois rappeler l’exemple le plus parlant, mais aussi le plus dramatique pour notre pays...
M. Jean-Pierre Brard - Le CPE ?
M. Bernard Accoyer - ...les 35 heures. Vous avez osé, seuls, abuser des droits fondamentaux des travailleurs et des employeurs et leur enlever la liberté de travailler et de gagner davantage (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).
M. Jean-Michel Dubernard, président de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales - Ils ont tué le modèle social français !
M. Bernard Accoyer - Aujourd’hui, vous récidivez.
M. Jean-Pierre Brard - Réactionnaire !
M. Bernard Accoyer - Le Président de la République a rappelé il y a deux jours, devant le Conseil économique et social, la priorité que nous devions accorder au dialogue social.
M. Henri Emmanuelli - Comme pour le CNE !
M. Bernard Accoyer - Considérant que les conditions dans lesquelles nous examinons ce texte important ne sont pas satisfaisantes, Madame la présidente, je vous demande, avant de procéder au vote, et conformément à l’article 61 de notre Règlement, de bien vouloir procéder à la vérification du quorum (Vives exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).
Plusieurs députés socialistes - C’est une honte !
Mme la Présidente - Je suis donc saisie, par le président du groupe UMP, d’une demande faite en application de l’article 61 du Règlement tendant à vérifier le quorum avant de procéder au vote sur le passage à la discussion des articles. Je constate que le quorum n’est pas atteint. Compte tenu de l’heure, ce vote est renvoyé à une date ultérieure.
M. Henri Emmanuelli - Et on se demande pourquoi le Parlement perd son autorité !
M. Jean-Marc Ayrault - J’avais annoncé les manœuvres qui se préparaient, et M. Accoyer vient de présenter le clou du spectacle.
Un député socialiste - Le clown du spectacle !
M. Jean-Yves Le Bouillonnec - Un spectacle subventionné par le ministère.
M. Jean-Marc Ayrault - Son intervention, malgré l’importance du sujet, a de quoi faire sourire. Elle pourrait sans doute appuyer une candidature, au Théâtre des deux ânes par exemple, s’il recrutait (Protestations sur les bancs du groupe UMP). Vous nous faites la leçon, mais c’est à l’issue d’une bataille de plusieurs semaines dans cet hémicycle, qui s’est terminée par un 49-3, que vous avez imposé le CPE, et c’est parce que des centaines de milliers de Français sont descendus dans la rue que vous avez piteusement reculé ! C’est cela que vous appelez le dialogue social ?
Le Président de la République vient de s’exprimer devant le CES pour vanter le dialogue social et expliquer qu’il faut aller au bout de la négociation avant de modifier le code du travail. C’est à la fin de son second mandat, après douze années à la tête du pays, qu’il découvre la négociation sociale ! Là encore, il y aurait de quoi rire, mais l’affaire est sérieuse. Vous voulez manœuvrer jusqu’au bout. Vous avez le droit de demander le quorum, mais vous en porterez la responsabilité politique. En ce qui nous concerne, nous préférons défendre la cause des intermittents du spectacle, et par là une certaine idée de la culture en France, et nous continuerons à nous battre pour cette grande cause (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).
M. Frédéric Dutoit - Quelle pantalonnade ! Vous auriez au moins dû vous donner la peine de lire notre proposition de loi, présentée certes dans une niche socialiste, mais soutenue par plus de quatre cents députés, qui garantit le régime de l’intermittence du spectacle tout en laissant toute sa place au dialogue social et à la négociation.
Finalement, on se demande si votre politique ne se résume pas à discuter, discuter, discuter, pourvu qu’il n’en reste jamais rien ! Depuis trois ans, vous nous faites le coup de la négociation, vous mettez en valeur l’excellent travail du comité de suivi et de la mission parlementaire... et vous nous demandez de continuer. Quand irons-nous enfin plus loin ? Le dialogue social ne sert à rien, si c’est pour ne rien décider ! Messieurs les ministres, lorsque le dialogue social n’a pas abouti au bout de trois ans - et comme l’a dit le Président de la République -, les représentants de la nation doivent assumer toutes leurs responsabilités. C’est leur devoir et c’est leur droit. Vous avez trahi votre parole.
M. Henri Emmanuelli - Ce n’est pas la première fois !
M. Frédéric Dutoit - Sur le texte précédent comme sur celui-ci, vous nous avez reproché des objectifs politiciens. Mais sur ces deux textes, les groupes de l’opposition se sont prononcés unanimement, rejoints par le groupe de l’UDF et une partie du groupe UMP. Chaque fois, nous avons fait honneur à l’Assemblée nationale et dépassé les clivages politiques, et c’est vous qui, par des manœuvres de procédure, êtes entrés dans un débat politicien pour éviter que les députés de l’UMP ne prennent leurs responsabilités. C’est vraiment pitoyable (Applaudissements sur les bancs du groupe des députés communistes et républicains et du groupe socialiste).
M. Noël Mamère - Ce que nous avions annoncé s’est donc produit. Nous sortons de cet hémicycle avec la gueule de bois. Il était pathétique de vous voir obligés de recourir à des artifices politiciens et vous servir du Règlement de l’Assemblée nationale afin d’éliminer une proposition de loi exemplaire, issue d’un travail inédit entre députés de droite et de gauche, syndicats et coordination. C’est sans doute cette collaboration avec la société civile qui vous a fait peur, parce qu’il montre ce que peut être la démocratie participative et le contrôle des citoyens - ce dont vous parlez beaucoup, mais que vous refusez de pratiquer. Cette décision est aussi révoltante, pour tous les intermittents comme pour l’idée que nous nous faisons de la politique. C’est vous qui pleurez à longueur de débat télévisé sur les dérives de la politique et la montée de l’extrême droite (Exclamations sur les bancs du groupe UMP). Vous venez de donner encore du grain à moudre aux marchands d’illusion et d’augmenter encore la défiance des citoyens à l’égard de leurs responsables politiques. J’espère que les électeurs vous le feront payer. Pour leur part, les députés de gauche ont la conscience tranquille, parce qu’ils ont tenu leurs engagements (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains).
Prochaine séance, cet après-midi, à 15 heures.
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