Les chiens déterrent ce qu’ils peuvent. Faisons de même, exhumons donc de la bouche du souverain un cadavre, quand bien même nous n’apprécierions pas les effluves pestilentielles de l’os ici rongé, recyclé et pastiché par ce Vichyssois de Neuilly [1]. Les propos qui suivent, et qui s’inspirent aussi de ce que « la gauche » a pu dire sur ces questions, sur la façon dont « la gauche » a joué des oppositions entre salariés, ont été prononcés par celui qui allait devenir le pédégé de l’entreprise France.
« Le travail c’est la liberté, c’est l’égalité des chances [2], c’est la promotion sociale. Le travail c’est le respect, c’est la dignité, c’est la citoyenneté réelle. Avec la crise de la valeur travail, c’est l’espérance qui disparaît. Comment espérer encore si le travail ne permet plus de se mettre à l’abri de la précarité, de s’en sortir, de progresser ? Le travailleur qui voit l’assisté s’en tirer mieux que lui pour boucler ses fins de mois sans rien faire ou le patron qui a conduit son entreprise au bord de la faillite partir avec un parachute en or finit par se dire qu’il n’a aucune raison de se donner autant de mal. Le travail est dévalorisé, la France qui travaille est démoralisée.
Le problème c’est que la France travaille moins quand les autres travaillent plus. Le plein emploi est possible [3] chez les autres [4]. Il l’est aussi chez nous. Il faut aimer le travail et pas le détester. Le problème c’est qu’il n’y a pas assez de travail en France pour financer les retraites, l’allongement de la durée de la vie, la dépendance, la protection sociale, pour faire fonctionner notre modèle d’intégration.
Longtemps la droite a ignoré le travailleur et la gauche qui jadis s’identifiait à lui a fini par le trahir. Je veux être le Président d’une France qui remettra le travailleur au cœur de la société. Je veux proposer aux Français une politique dont le but sera la revalorisation du travail. »
Discours d’investiture à la candidature à la présidence de la république de Nicolas Sarkozy, le 14 janvier 2007, au siège de l’UMP.
Pour comprendre ce que peut bien vouloir dire une phrase telle que « le travail c’est la liberté », il suffit d’expliciter ce qui est éludé par ce constat : sans le travail des autres, c’est la liberté et la prospérité des nantis qui n’existeraient pas (cette catégorie de nantis perdrait alors toute valeur descriptive autre qu’historique).
On le sait, c’est toujours notre liberté contre la leur [5].
Ce discours ignoble, tout droit sorti d’un IIIe Reich heureusement enterré [6] ne nous est pas tombé dessus un beau jour sans prévenir. Il a en bonne part été rendu possible par les oligarques de gauche qui ont précédé par certains de leurs propos et de leurs actes N.S (ainsi que Wauquiez et tant d’autres) dans cette politique de disqualification, de stigmatisation et de culpabilisation des chômeurs et précaires.
En 1984, Pierre Mauroy, premier ministre, dénonçait les « faux chômeurs » ; en 1992, Martine Aubry [7]ministre de l’emploi, inversait la charge de la preuve contre les chômeurs, sommés sous peine de radiation de démontrer qu’ils ne sont pas des « faux chômeurs en apportant la preuve qu’ils cherchent bien un emploi sans rien pouvoir exiger de tangible en ce sens de l’institution chargée d’y pourvoir, l’ANPE, tout en supprimant le droit à une allocation d’insertion aux jeunes.
En 1998, c’est Lionel Jospin, alors premier ministre, qui répondait à une large mobilisation des chômeurs et précaires dont le mot d’ordre central était »un revenu c’est un dû« et qui exigeait par des manifestations, d’innombrables actions, des occupations d’ASSEDIC, d’ANPE [8], de mairies, de CAF [9], de centres d’action sociale communaux et d’autres endroits encore, l’augmentation de 1500F des minima « sociaux » et l’ouverture du RMI aux moins de 25 ans, en déclarant... »je préfère une société de travail à l’assistance", en un renversement radical de toute valeur de solidarité [10] ; le mitterrandisme [11] avait glorifié les gagnants (remember Tapie) et l’entreprise, les socialistes créée en 1988 un RMI interdit aux moins de 25 ans qui a permis de dresser des générations successives d’entrants dans le salariat à la précarité de l’emploi et, jamais, non jamais, le P.S n’a remis en cause l’idéologie du travail, première arme des exploiteurs [12]. Actuellement, cette gauche gestionnaire gouverne déjà dans de nombreuses villes, conseils généraux et régions. On ne détaillera pas ci l’ensemble de ses torts à l’encontre des précaires, des immigrés, de toutes les catégories populaires, sur les enjeux du logement ou de la protection sociale [13], par exemple. Mais il est certain qu’il n’y a aucune raison de lui accorder une confiance que les premiers concernés par la gouvernementalité néolibérale [14] dans laquelle cette gauche s’est elle aussi engagée depuis les années 80’ ont avant tout à construire par et pour eux-mêmes, pour leur propre compte.
Même quand l’adoption du RSA donne le la [15], Les désirs ne chôment pas. :