Le Mouvement des Chômeurs et Précaires en Lutte de Rennes qui s’était constitué au cours de l’hiver 97-98, hiver marqué par les multiples manifestations et actions qui avaient alors lieu sur tout le territoire, renaît de ses cendres, tout juste dix ans plus tard.
La situation n’a depuis pas cessé de se détériorer pour les salariés, chômeurs et précaires, et la crise de l’économie apporte chaque jour à l’ANPE son lot de salariés « invités » à partir et d’intérimaires « remerciés ». Dans un tel contexte, le pouvoir s’évertue à contraindre chômeurs et salariés à accepter des conditions de travail de plus en plus précaires, pour masquer l’aggravation du chômage et de la pauvreté. Il nous semble donc urgent de nous organiser pour ne plus continuer à subir les attaques d’un gouvernement qui, malgré son apologie démagogique de la « valeur-travail », s’est fait l’ennemi résolu des classes populaires. Nous voulons lancer ici à Rennes un mouvement capable à la fois de s’organiser localement dans la durée, et de faire tâche d’huile à l’échelle nationale. Nous faisons appel à tous les chômeurs, travailleurs précaires, étudiants, et plus généralement à tous ceux qui refusent les actuelles politiques de l’emploi à nous rejoindre pour élaborer ce mouvement qui n’est encore qu’à l’état naissant.
Si nous luttons aujourd’hui contre l’Offre Raisonnable d’Emploi, le RSA et la fusion ANPE-Unedic, nous jugeons également qu’il y a urgence à ce que chaque personne privée d’emploi ait droit à un revenu minimum d’existence inconditionnel, que soit mis radicalement en question le bien-fondé de la « valeur-travail » vantée par Sarkozy, et qu’ainsi puisse être abordée la question du travail et de son organisation comme une question politique, inséparable de la communauté de vie à laquelle nous aspirons, de sa subsistance et de ses besoins. En ce sens, nous pensons qu’il est temps que les services publics deviennent effectivement accessibles à tous et soient gérés collectivement par leurs salariés et usagers, en vue d’une rupture avec le capitalisme. Il serait alors possible pour chacun de travailler librement, selon ses aspirations et en accord avec une collectivité affranchie de l’économie et de ses crises.
Nous pensons qu’un tel mouvement pour être à la hauteur de ses ambitions, doit se montrer capable de mettre en œuvre dès maintenant un certain nombre de processus. Il doit se doter d’une capacité d’intervention politique : nous voulons lutter immédiatement contre les réformes actuelles avec les chômeurs et précaires, mais également en lien avec les salariés des différentes administrations auxquelles nous avons régulièrement affaire (Pôle Emploi bien sûr, mais aussi les CCAS, la CAF, la Sécurité Sociale...), salariés qui, en plus de leurs grèves ponctuelles, mènent souvent une résistance souterraine à la mise en place de ces réformes. Nous voulons également nous joindre aux salariés luttant contre les licenciements, et plus généralement, à tous ceux qui refusent de jouer le rôle de victimes dans la crise actuelle, victimes vouées encore et toujours à se serrer la ceinture.
Un mouvement de chômeurs doit également être une source d’information et de documentation. Nous voulons mettre à disposition de tous ceux qui sont sensibles à ces questions une information détaillée sur les mesures gouvernementales, sur les droits des chômeurs opposables aux manœuvres coercitives que ces mesures amplifient, ainsi que sur les formes de lutte et de résistance qu’elles ne manquent pas de susciter. Nous voulons aussi recueillir et développer des analyses plus approfondies, en particulier sur ces questions du travail et de l’emploi.
Il doit encourager l’autodéfense et la solidarité parmi les classes populaires : il n’est pas facile d’agir isolément contre une radiation, la baisse de nos allocations, la pression de certains conseillers ANPE, les coupures d’électricité ou de téléphone... Mais collectivement, nous pouvons agir pour faire valoir nos droits, en faisant pression sur les institutions responsables. Nous voudrions également constituer une caisse de solidarité pour faire face ponctuellement à des difficultés financières, et mettre en place une forme d’entraide non monétaire (notamment, en cultivant ensemble un ou plusieurs jardins potagers...)
Enfin, il doit développer une pensée et des pratiques émancipatrices : force est de constater qu’avec l’écrasement du mouvement ouvrier se sont désagrégées les diverses formes de culture populaire porteuses d’une éthique antagoniste au monde de l’entreprise. De la même façon, les lieux de culture et de recherche sont de plus en plus clairement soumis aux impératifs de l’économie capitaliste. Au contraire, construire un mouvement politique implique d’apprendre à penser et agir en partant du principe qu’il n’y a pas de domination légitime, et de prendre cette idée au sérieux. C’est à ce prix que peut s’ouvrir un espace où la colère et la révolte engendrent véritablement du commun, de la communauté.
Depuis la mi-novembre, le Mouvement des Chômeurs et Précaires en Lutte de Rennes a investi à de nombreuses reprises les ex-ANPE et ASSEDIC pour informer les chômeurs sur les nouveaux dispositifs étatiques ; il a occupé à trois reprises l’ANPE Rennes Sud, une première fois le 1er décembre en compagnie des agents ANPE en grève ce jour là (avec lesquels il occupa le même jour la Direction Générale de l’ANPE), et à deux autres reprises au cours du mois de décembre. Une action de blocage du guichet unique, ANPE-Assedic, symbole de Pôle emploi, a également eu lieu en décembre aux Assedic Henri Fréville. Enfin, une intervention a eu lieu à la CAF le 6 Mars (les retards de traitement de dossier s’y accumulent comme aux Assedics), suivi d’un barbecue devant les portes, en compagnie d’un certain nombre d’allocataires.
Le MCPL cherche également à mettre en avant la nécessité d’une intervention sans médiation sur le prix des marchandises dans un contexte de hausse de prix, d’explosion du chômage et de paupérisation : il a ainsi investi à deux reprises des supermarchés, le 20 décembre les galeries Lafayette, et le 29 janvier, Leader Price, pour exiger la gratuité d’un certain nombre de caddies (autoréduction). La première tentative a été un succès : après négociation avec le gérant, les précaires ont pu partir avec les denrées, qui ont été en partie consommées à la suite de l’action, en partie redistribuées à des chômeurs devant l’ANPE des Gayeulles (redistribution rapidement dispersée par la police.) La seconde a été immédiatement empêchée par la police. Un participant à l’opération a été interpellé quelques heures plus tard, notamment pour tentative de vol, alors qu’aucune marchandise n’est sortie du magasin, ce qui semble rendre peu probable une condamnation pour ce fait.
Le MCPL cherche également à opérer une liaison entre chômeurs et travailleurs précaires, ainsi qu’entre chômeurs et salariés menacés de licenciement. En ce sens a été organisé un blocage du Speed Rabbit Pizza de la place Sainte Anne, manière à la fois de manifester la proximité de nos conditions et de donner à voir quel type d’emploi est en passe de devenir obligatoire pour les étudiants et les chômeurs ayant à subir les nouvelles dispositions sur l’Offre Raisonnable d’Emploi. Nous revendiquions pour les employés une prime de 150 euros pour compenser la médiocrité des salaires dans la restauration rapide. Le patron, peu réceptif, a dépêché la police pour déloger les manifestants. Le collectif vise aussi à favoriser la liaison avec le mouvement étudiant, en mettant l’accent en son sein sur certains thèmes, notamment la précarité, le travail et l’évaluation, et en proposant des actions communes.
Toujours dans cette visée de liaison et d’élargissement sur des bases non-corporatistes, le MCPL a organisé une réunion publique le jour de la grève générale, le 29 janvier dernier, où la question suivante était posée : « Quelle politique pour nous sauver de l’économie ? » La quarantaine de personnes présentes s’est entendue sur le fait qu’il y avait à souhaiter non le sauvetage du capitalisme, mais sa débâcle, et qu’il fallait pour cela recourir résolument au blocage de l’économie, entendu comme développement des pratiques d’auto-organisation populaire, tant pour ce qui est du développement de formes de travail et d’activité émancipées de l’économie, que des formes de lutte politique attaquant la circulation des flux marchands donnant corps à la souveraineté de la rationalité économique (notamment les chômeurs qui refusent leur mise au travail forcé, les salariés qui refusent les licenciements ou exigent de meilleures conditions de travail, de rémunération).
Le collectif participe également à certaines initiatives de soutien aux luttes populaires antillaises, et s’associe au mot d’ordre d’une augmentation uniforme des minimas sociaux et des bas salaires de 200 euros en métropole comme dans les DOM-TOM.
Mouvement des Chômeurs et Précaires en Lutte de Rennes
22, rue de Bellevue, bus 3, arrêt Jeanne d’Arc
Permanence les lundi de 18 à 20 h
Le Mouvement des Chômeurs et Précaires en Lutte de Rennes
présentation du mouvement, présupposés, revendications et actions depuis novembre 2008 est paru dans Le sabot, outil de liaison locale sur Rennes et ses environs, n°4, mars 2009.
De l’énergie pour nos luttes, la direction d’EDF Rennes occupée
La GRÈVE DES HAMSTERS. Quelle politique pour nous sauver de l’économie ?
Précaires, chômeurs, desserrons nous la ceinture. Blocage de Speed Rabbit à Rennes.
Autoréduction chômeuse et précaire aux Galeries Lafayette à Rennes
Nous sommes tous des mauvais chômeurs !
Blocage ANPE Rennes Sud le 12 décembre 2008
Grève ANPE et apéro, le 1er décembre 2008