Un beau matin d’hiver, nous nous sommes de nouveau rendu collectivement à la CAF de Rosny. C’est lundi et comme partout ailleurs, et particulièrement dans le 93, la CAF déborde de partout. L’intérieur est plein et la queue se poursuit à l’extérieur, jusque sur le trottoir. Le vigile fait entrer au compte goutte. Un panneau informe les allocataires qu’aujourd’hui la CAF fermera à 14h. Heureusement il fait beau et certains entonnent joyeusement quelques airs pour patienter « Ouvrez, ouvrez, la porte aux allocs... », tandis que d’autres distribuent un tract fort à propos : « 3h de queue, 30 ans de crise, Mais que faire ? »
Nous distribuons aussi un petit guide du droit aux allocations familiales à l’usage des étrangers et sans papiers, que nous avons élaboré suite au déblocage du dossier d’une famille « sans papiers »
Une fois à l’intérieur nous affichons ces textes, ce qui ne va pas pour plaire à certains agents et à la directrice, occasion de leur rappeler notre exigence d’un panneau d’affichage pour les collectifs, comme c’est le cas dans les Pôles emploi. Dans la queue, les langues déjà bien déliées par l’attente interminable se délient encore plus et nous discutons deci delà avec les ayant-droit. Il se trouve qu’une allocataire a le même problème que le CAFard que nous sommes venus accompagner : la CAF ne leur a pas versé de RSA pendant 3 mois, au prétexte qu’il faudrait attendre 3 mois après la fin des allocations chômage pour pouvoir toucher le RSA. Ce qui est faux. La thune est débloquée assez simplement.
Une certaine tension emplie l’atmosphère. La directrice décide de ne plus faire entrer personne et de faire fermer le portail extérieur bien avant l’heure affichée. Les allocataires qui ne cessent d’affluer s’amassent contre les grilles et un grondement général se fait entendre.
Derrière les grilles, le seul interlocuteur est un vigile un peu débordé. Certains passent par dessus les barrières jusqu’au moment où, profitant de la sortie d’une personne, le gros groupe pousse le portail et s’engouffre jusqu’à la porte close de la CAF.
À l’intérieur nous acclamons cette magnifique percée mais très vite les flics débarquent. Deux voitures de police, des flics en civil, des municipaux, et des en uniforme munis de flashball qui viennent se mettre en ligne devant l’entrée. Le commissaire de Rosny et plusieurs civils, tonfas dissimulées dans le jean, rentrent dans la CAF, sous le mécontentement général des allocataires. Une affiche est improvisée : « Police partout, Allocs nulle part ». La directrice voudrait bien faire porter aux CAFards la responsabilité de cette ambiance, mais il est manifeste que c’est l’institution qui génère cette colère en bloquant le fric des allocataires. Bien vite il semble que le commissaire convainque la directrice de laisser rentrer les allocataires, et les flics s’en vont. Tout le monde sera finalement reçu.
Selon le président du conseil d’administration de la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf), « depuis juillet 2009 la demande sociale explose », et « en ce début d’année 2010, la situation des CAF semble s’aggraver dangereusement » : caisses qui ferment des semaines pour écluser les dossiers en retards, téléphones qui sonnent dans le vide, dossiers, et donc allocations, bloqués des mois sans possibilité de régler quoi que ce soit. À tel point que « l’ensemble de l’institution est proche de l’implosion » , écrit-il au ministre du Travail.
Pourtant la colère légitime des allocataires reste le plus souvent au stade du ressentiment individuel. Chacun fait la queue en tenant sa place, et quand l’agressivité survient à force d’impuissance, c’est bien souvent entre allocataires. Tant de concurrence, si peu de conflit.
Comment lutter contre cette individualisation ? Comment dépasser l’agacement impuissant face à son dossier bloqué ? Comment passer de la concurrence entre tous à la construction collective d’une conflictualité qui oblige les CAF à ne pas gérer leurs dysfonctionnements en rognant sur nos miettes d’allocations ?
Autant de questions que nous entendons bien creuser.
Alors à la prochaine.
Ce que l’on reproche à un cafard, ce n’est pas de voler les miettes, c’est de proliférer.
C’est pour cela qu’on l’extermine.
Nous sommes nombreux à vivre des miettes que nous lâchent les institutions sociales, que ce soit en plus de bouts de salaires ou comme premier moyen de subsistance. Pourtant, à coups de RSA ou d’Offre Raisonnable d’Emploi, de trop-perçus et de radiations, on ne cesse de chercher à nous écrabouiller, nous insérer, nous gouverner.
À Montreuil, des CAFards - ayant-droits de la CAF, de Pôle Emploi, de la CPAM, du CCAS... - se sont associés pour faire face collectivement à ces administrations : débloquer des dossiers litigieux en faisant irruption à plusieurs au Pôle emploi ou à la CAF de Rosny, contrôler collectivement les contrôleurs domiciliaires, étudier ensemble à quelle sauce on veut nous cuisiner, ...
Nous avons besoin de moments pour mettre en commun nos expériences, nous organiser.
Soyons nombreux à nous retrouver tous les mardis de 17h à 19h au CAFÉ DES CAFARDS de Montreuil, 9 rue François Debergue, m° croix de chavaux
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Nous sommes les media :
La coordination des intermittents et précaires est menacée d’expulsion par la ville de Paris. Pour plus d’informations, lire la pétition pour le relogement signable en ligne :
Nous avons besoin de lieux
pour habiter le monde
Merci de signer. Et faites savoir !