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De qui la Ville de Paris est-elle l’amie ?

Publié, le vendredi 6 mai 2011 | Imprimer Imprimer |
Dernière modification : dimanche 29 mai 2011


Après avoir manifesté ce dimanche à l’occasion du Premier mai, 150 sans-papiers Tunisiens et des manifestants solidaires, dont des participants à la coordination des intermittents et précaires, ont occupé un bâtiment vide appartenant à la Ville de Paris, 51 avenue Simon Bolivar dans le 19e arrondissement.

Malgré un article du Monde qui fait le point sur la responsabilité de la mairie de Paris quant à l’arrestation d’une centaine de sans-papiers lors de l’évacuation policière des occupants du 51 avenue Simon Bolivar (« Les sans-papiers de l’avenue Bolivar expulsés à la demande de la Ville de Paris »), une partie de la presse relaie la communication mensongère de la Ville (par exemple, ici [Marianne a intégré depuis des précisions qui démentent sa première version, ndr], et ) qui fait des militants solidaires, dont ceux de la Cip-idf, les responsables de ces arrestations.

La Ville dénie la capacité des premiers concernés à s’organiser. Ce sont pourtant les occupants sans papiers eux-mêmes qui ont refusé les propositions municipales d’hébergement.

Le texte qui suit a été diffusé à la presse jeudi 5 mai. Il est ici complété et revu. Il s’efforce de retracer les événements tels qu’ils se sont réellement produits.

Beaucoup d’entre eux, venus de Lampedusa, dormaient dehors depuis des semaines, pourchassés quotidiennement par la police, qui organise régulièrement des rafles là où ils se retrouvent ou circulent (à Paris Porte de la Villette, aux 4 Chemins, à Stalingrad ou au métro Couronnes, tout comme à Nice, Marseille et dans différentes villes de France). Depuis plusieurs jours, à la porte de la Villette où beaucoup de Tunisiens ont pris l’habitude de se retrouver, la dénonciation par le maire de Paris de la politique gouvernementale à l’encontre des sans-papiers tunisiens s’était traduite par l’octroi de subventions à des associations chargées de dispenser des nuitées d’hôtels ou des denrées alimentaires, sans que l’errance, l’isolement et la vulnérabilité quotidiennes en soient fondamentalement remis en cause.

En investissant le 51 avenue Simon Bolivar, une partie d’entre eux trouvaient un lieu où s’abriter, dormir, se retrouver et continuer à s’organiser collectivement face à la situation qui leur est faite. Lors de cette occupation, constamment renforcée par l’arrivée périodique de nouveaux sans-papiers, se mettait progressivement en place l’approvisionnement, l’organisation des espaces, des réunions et assemblées, la rédaction d’un premier communiqué le 2 mai, puis d’un second le lendemain, tout cela dans des conditions très précaires... Les principales revendications exprimées par les occupants sans-papiers étaient « un lieu pour vivre et s’organiser » et « des papiers pour circuler et vivre librement » .

Le lundi matin, l’occupation est soumise à un blocus policier, levé par la suite lorsqu’une négociation s’amorce (dans les locaux de la CFDT...) avec la Ville de Paris, interpellée par cette présence dans des locaux dont elle est propriétaire. La mairie propose tout d’abord 80 places dans un ancien centre d’hébergement du 8e arrondissement et 50 chambres d’hôtels pour une durée d’un mois. Puis, quelques heures après, elle modifie sa proposition : 40 places dans ce même centre d’hébergement (car Emmaüs, gestionnaire potentielle du lieu ne voulait pas accueillir davantage de sans papiers Tunisiens) et 55 autres places dispersées. Ces deux propositions ont été étudiées avec attention par les occupants sans-papiers qui les ont jugé insuffisantes. Non seulement le compte n’y était pas, mais ils ne souhaitaient pas perdre ce qu’ils venaient d’obtenir, une forme d’existence collective. Ils ne voulaient pas être séparés et exigeaient un lieu pour tous. Ils ont donc refusé ces lits. Le lendemain, la mairie propose cette fois 100 places dans ce même centre d’hébergement dont l’association Aurore, qui a obtenu nombre de marchés municipaux à Paris et est dirigée par des membres du conseil d’administration de Vinci... aurait la gestion ainsi que 50 hypothétiques chambres d’hôtel pour le lendemain.

Nombre de personnes n’étaient pas prises en compte par cette proposition, c’est donc après bien des hésitations et de longs débats qu’elle a été acceptée par les sans-papiers en lutte. Les menaces d’intervention policière exprimées par la ville de Paris et les récurrents « coups de pression policière » aux abords de l’immeuble occupé qui venaient donner consistance à ces menaces furent pour beaucoup dans cette acceptation.

Une fois adopté, cette accord engendra de prévisibles tensions parmi des sans-papiers divisés par la nécessité de devoir constituer une liste qui excluait nombre d’entre eux. Beaucoup de sans-papiers ont ainsi considéré qu’il fallait à la fois accepter ces 100 places et continuer la lutte en restant mobilisés au 51 avenue Simon Bolivar, plutôt que de se trouver à nouveau isolés les uns des autres et à la rue.

Ce n’est que suite à la remise de la liste que la mairie fait savoir que ce centre d’hébergement est chaque jour fermé de 9 à 17h, ce qui condamnait les hébergés à une dangereuse errance diurne à partir du VIIIe arrondissement et à des nuits encasernées. Cette mauvaise nouvelle met un certain temps à circuler et elle accroît l’hésitation quand à l’accord passé

Pour ne rien arranger, lorsque vers 20h arriva l’heure du départ vers le foyer d’hébergement de dans le 8e arrondissement, celui-ci du s’effectuer par groupes de 25, en métro.

Le premier des groupes à sortir dans ce but, constatant la présence de policiers sur le trajet, s’est alors arrêté à 30 mètres de l’immeuble occupé pour exiger que la Ville s’engage à loger le reste des occupants et à ce qu’il n’y ait pas d’intervention policière à leur encontre.

Le représentant de la Ville n’a pas voulu fournir une telle assurance, l’ensemble des occupants a alors décidé de refuser de quitter les lieux, et seule une poignée de sans-papiers a accepter de monter dans un bus finalement affrété par la mairie. Après les divisions de l’après-midi, l’arrivée d’un camion de pompiers venu pour faire descendre des occupants montés sur le toit a poussé l’ensemble de ces derniers, cette fois déterminés et joyeux, à sortir manifester dans la rue en scandant « Papiers, liberté ! ».

Le lendemain, sans aucun avertissement préalable de la mairie, l’intervention des forces de l’ordre pour évacuer les occupants s’est effectuée à grands renforts de moyens (hélicoptère, gardes mobiles et autres effectifs policiers en grand nombre, présence du ministre de l’intérieur Claude Guéant non loin de là).

Qui a fait arrêter plus d’une centaine de sans-papiers et porté plainte contre eux aux motifs de « dégradation de locaux » et d’ « occupation illégale » ? Qui donc est responsable des incarcérations en centre de rétention, des expulsions qui risquent d’intervenir à leur encontre, des arrêtés préfectoraux de reconduite à la frontière (APRF) qui leur sont notifiés, des « visas Schengen » probablement déchirés par des policiers comme ce fut le cas lors d’autres arrestations, qui donc si ce n’est la mairie ?

« Cette intervention s’est faite à la demande de la Ville », comme le revendique explicitement son communiqué du 4 mai. Dans ce même communiqué, la Ville tente de se dédouaner de sa responsabilité quant aux arrestations de sans-papiers. Elle ose imputer les arrestations aux militants solidaires présents, dont certains se sont eux aussi retrouvés placés en garde-à-vue (au moins l’un d’eux est encore en G-à-V ce 6 mai) sans que l’on sache encore s’ils seront poursuivis.

En appeler à une attitude digne vis-à-vis des sans papiers, se réclamer d’une « gauche humaine » et agir ainsi est l’indice d’une profonde duplicité.

Nous exigeons que la Ville retire la plainte posée à l’encontre des occupants de Simon Bolivar et demandons aux organisations, associations et collectifs soutenant les sans-papiers de prendre position.

Face à l’escalade de la xénophobie d’Etat, la solidarité concrète avec tous les sans-papiers Tunisiens est une nécessité. Ceux qui ont réussi à s’échapper et ceux qui se sont retrouvés depuis ont besoin de notre appui. Tous comme ceux qui sont actuellement détenus aux centre de rétention de Vincennes, de Mesnil Amelot et ailleurs.

Exigeons ensemble la libération de tous les arrêtés du 4 mai, l’annulation de toutes les reconduites à la frontière et des APRF, ainsi que l’attribution de titres de séjour pour les sans-papiers.

Paris, les 5 et 6 mai
Coordination des intermittents et précaires


Récits illustrés de l’occupation avenue Simon Bolivar : http://www.archyves.net/html/Blog/?...

51 tunisiens interpellés jeudi matin dans un foyer pour travailleurs à Nice

Les informations sur les suites de l’arrestation massive opérée au 51 avenue Simon Bolivar sont difficiles à regrouper. Nous essayons de les rassembler.

Parmi la trentaine d’arrêtés munis de papiers français ou en règle, les gardés à vue qui sont sortis ne savent pas encore si ils seront poursuivis. Il au moins un gardé-à-vue (Vous pouvez appeler le commissariat du 19ème au 01.55.56.58.00 pour demander la libération).

Lors de l’intervention policière, des Tunisiens ont réussi à s’échapper mais une centaine ont été arrêtés. Avant même cette intervention contre l’action collective, des Tunisiens parlaient d’un millier d’arrestations parmi eux à Paris ces dernières semaines, sans que l’on puisse vérifier ces chiffres.

Au moins 6 des sans-papiers arrêtés sont ressortis sans APRF (arrêté préfectoral de reconduite à la frontière), on ne connait pas le nombre de ceux qui sont sortis après s’être vu signifier un APRF.
Un bilan très partiel le 5 mai : 35 Tunisiens étaient retenus au CRA de Vincennes, parmi eux 26 étaient des occupants de Bolivar. Parmi ces 26 interpellés, 5 ont été libérés, 60% ont un titre de séjour humanitaire italien, les autres n’ont aucun papier et sont en France depuis environ 2 mois.
10 expulsion/« réadmission » vers l’Italie sont prévues. Sur les 10, 5 ont fait une demande d’asile ; l’un de ces demandeurs d’asile s’est vu opposé un refus d’enregistrement ; 4 référés suspension ont été faits contre ces réadmissions

20 tunisiens arrêtés le 4 mai sont arrivés au centre de rétention de Mesnil Amelot, il y aura donc des audiences au TGI de Meaux et sans doute des comparutions immédiates à Paris, vendredi et samedi.

« Quant à la tentative de Delanoë de faire porter la responsabilité de l’évacuation sur « des collectifs militants anarchistes ou radicaux qui ont préféré dénigrer l’action et l’engagement de la ville », elle est aussi dérisoire que méprisante à l’égard des occupants qui ont pris leurs décisions eux-mêmes en Assemblée générale », écrit le NPA

Outre le rassemblement à l’appel d’associations Tunisiennes à la Madeleine qui a réuni environ 200 personnes, encerclées par la police, un autre rassemblement a eu lieu à Couronnes. Une banderole Ni police, ni charité, un lieu pour s’organiser, des papiers pour tous a été installé entre deux lampadaires au dessus du boulevard. Il a regroupé 150 personnes, dont beaucoup de gens du quartier et de sans-papiers de La Villette et de Bolivar.

Vendredi 6 mai :

Selon le directeur de cabinet du Maire, Nicolas Revel, la mairie a retiré la plainte qui a entraîné les arrestations du 51 avenue Simon Bolivar...

« La France doit apporter une réponse digne et responsable à la question tunisienne. », dit « France terre d’asile » qui lance un appel à « cesser les interventions policières », signé par ... Bertand Delanoé et la CFDT, dont des permanents ont assisté de leur balcon, aux premières loges, à l’évacuation manu militari des Tunisiens de l’immeuble avenue Simon Bolivar, puis à leur menottage et à leur embarquement sans broncher, dehors à 100mètres de là...

19h Le manifestant gardé à vue depuis l’évacuation a été libéré.

19h30 Des sans papiers en lutte qui participaient à l’occupation du 51 avenue Simon Bolivar sont au Centre de rétention administratif de Vincennes et du Mesnil-Amelot.

Demain aura lieu l’audience devant le Juge des Libertés et de la Détention à

- 9h au TGI de Paris pour les 5 de Vincennes ( métro : Cité ou Châtelet )
- à 9h30 au tribunal de Meaux pour les 7 du Mesnil-Amelot.( adresse du tribunal : 44 avenue Prés Salvador Allende 77109 MEAUX pour ceux qui peuvent aller la-bas c’est bien parce qu’il y aura surement moins de monde qu’à Cité ....)

Certains d’entre eux ont le papier italien (« visa Schengen ») et risquent d’être expulsés très rapidement en Italie.
A cette audience, s’ il y a des irrégularités dans l’arrestation et la garde à vue, ce qui est fort probable étant donné les conditions d’arrestation et la nouvelle procédure pour les garde à vue, il est possible que ces personnes soient libérés. La salle du 35bis est souvent vide et l’audience dure en moyenne cinq minutes par personne. Aussi, il serait bien d’être un maximum pour montrer qu’il y a du soutien derrière ces personnes, et ainsi mettre la pression sur le juge

21H45 Le collectif des exclu de Lampédusa (collectifexclulampedusa yahoo.fr) s’apprête à diffuser un 3e communiqué (les deux premiers sont là)

Lettre à l’attention du maire de Paris, Les Tunisiens de Lampedusa à Paris - Droit de réponse de Tunisiens expulsés du 51 avenue Bolivar au président de la Ville de Paris

Merci de relayer les textes ci-dessus auprès de tous les intéressés, de la presse et des organisations et collectifs solidaires.

Pour mieux célébrer « le 10 mai 81 », on lira : La question tunisienne

12 mai : Tunisiens de Lampedusa à Paris, les négociations avec la Ville patinent - Manifestation à l’Hôtel de Ville

7 au 11 mai : Les Tunisiens sans papiers occupent un gymnase rue de la Fontaine au Roi - Appel à soutien

Troisième jour d’occupation - Un Français de Lampedusa

Occupation du 51 avenue Bolivar - 3ème Kasbah à Paris

28 avril - 5 mai : La police évacue le 51 avenue Simon Bolivar occupé par des sans-papiers Tunisiens et Lybiens


La coordination a dû déménager le 5 mai 2011 pour éviter une expulsion et le paiement de près de 100 000 € d’astreinte. Provisoirement installés dans un placard municipal de 68m2, nous vous demandons de contribuer activement à faire respecter l’engagement de relogement pris par la Ville de Paris. Il s’agit dans les temps qui viennent d’imposer un relogement qui permette de maintenir et développer les activités de ce qui fut de fait un centre social parisien alors que le manque de tels espaces politiques se fait cruellement sentir.

Pour contribuer à la suite :

• faites connaître et signer en ligne Nous avons besoin de lieux pour habiter le monde.

• indiquez à accueil cip-idf.org un n° de téléphone afin de recevoir un SMS pour être prévenus lors d’actions pour le relogement ou d’autres échéances importantes.

Nous sommes tous des irréguliers de ce système absurde et mortifère - L’Interluttants n°29, hiver 2008/2009

Pour ne pas se laisser faire, agir collectivement :

Permanence CAP d’accueil et d’information sur le régime d’assurance-chômage des intermittents du spectacle, lundi de 15h à 17h30. Envoyez questions détaillées, remarques, analyses à cap cip-idf.org

Permanences précarité, lundi de 15h à 17h30. Adressez témoignages, analyses, questions à permanenceprecarite cip-idf.org

À la CIP, 13bd de Strasbourg, M° Strasbourg Saint-Denis
Tel 01 40 34 59 74



Document(s) à télécharger :

Précisions sur les questions médicales pour les sans papiers à Paris

Taille : 35 ko
Mise en ligne le : 6 mai 2011



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