Dans la nuit du vendredi 21 au samedi 22 mars, un « accord » sur l’assurance chômage a été conclu. Les conditions mêmes de ces « négociations » sont scandaleuses. Le MEDEF y est tout puissant : tout se passe dans son siège parisien et les seules propositions discutées sont les siennes. En fait de négociations, ce ne sont qu’interruptions interminables de séance leur permettant des conciliabules de couloirs et des arrangements bilatéraux hors de la salle, par tous les syndicats à l’exception de la CGT restée, elle, à la table des négociations sans voir personne ! Après 11 heures de suspension de séance, les dernières « négociations »communes n’auront duré, au final, qu’un quart d’heure !
De plus, les représentants du MEDEF ne rendent jamais de comptes à la représentation nationale et aux principaux concernés. Ainsi, lors de la mission d’information parlementaire Kert-Gille, le directeur général et le directeur financier de l’UNEDIC ont parlé à leur place. C’est avouer que l’UNEDIC, c’est le MEDEF. Ce déni de démocratie est pour le moins inadmissible.
Avec ce nouvel accord, ce sont 400 millions d’euros d’économie sur le dos des chômeurs. Le Ministre du travail, Michel Sapin, rappelait il y a un an à l’Assemblée nationale que, en période de crise, il n’était pas question de toucher au chômage parce que c’était « un amortisseur social ». C’est pourtant le contraire qui s’est passé. L’accord impose encore une régression des droits de tous les salariés fragiles qui cotisent, les chômeurs, les précaires, il organise une destruction des droits des travailleurs acquis par la lutte. Quant aux intérimaires ils sont tout simplement sacrifiés et les intermittents sévèrement touchés. Systématiquement, réformes après réformes, on « limite » les dépenses en arrêtant d’indemniser une partie des allocataires.
Quand, de plus, les signataires de cet accord imposent aux chômeurs de combler une partie de la dette de l’UNEDIC en réduisant globalement leurs droits, ils touchent au financement de l’UNEDIC, jusqu’ici fondé sur un système de répartition des actifs vers les inactifs.
Pourquoi ne s’interroge-t-on jamais sur les recettes ? Pour rappel, d’après la Cour des comptes, en 2011, les cotisations dépassent de 4,5 milliards d’euros les indemnités, mais les 6 milliards d’euros reversés par l’UNEDIC à Pôle Emploi entraînent un déficit d’1,5 milliards. Néanmoins, la gestion de cet organisme n’est jamais remise en cause.
Concernant les annexes 8 et 10, l’accord de 2003 pourtant dénoncé par tous - et en particulier, à l’époque, par le Parti Socialiste au grand complet - est reconduit avec des restrictions qui précariseront encore les plus fragiles :
Une augmentation injuste des cotisations chômage (employeur + salarié) qui passent de 10,8% à 12,8% + 0,5% (ANI) soit 13,3%. Alors que les entreprises ayant recours à l’emploi de salariés en CDDU dans le spectacle cotisent déjà davantage que celles du régime général depuis 2002. De surcroît, le MEDEF a refusé d’augmenter les cotisations patronales pour le régime général pour ne pas « sacrifier les marges de ces entreprises », mais ne voit en revanche aucun problème à augmenter les cotisations des entreprises du spectacle. Cette mesure aura un faible impact économique pour l’assurance chômage, mais un lourd impact économique pour le secteur culturel, en touchant de plein fouet les petites structures (compagnies et producteurs de spectacles, lieux de diffusion, petites productions audiovisuelles, festivals...) et pour les revenus des salariés eux-mêmes qui verront leur salaire amputé de cette sur-cotisation.
Un plafond mensuel de cumul salaires + indemnités totalement inefficace, qui, à 5475,75 euros bruts, touchera moins de 3% des intermittents indemnisés. Pour rappel, un plafond de cumul n’a de sens qu’avec un dispositif d’ouverture de droits sur une année avec date anniversaire fixe et non pas un capital glissant de 243 indemnités journalières. Dans le cadre d’un « droit de tirage », comme le système actuel, ce ne sera qu’un différé de paiement puisque tout le monde a droit à ses 243 jours tôt ou tard.
Un nouveau différé de paiement emblématique de la nature de la réforme : ce nouveau calcul de carence est conçu pour toucher les petits et moyens revenus, il est proportionnellement plus favorable aux revenus élevés et incitera à la sous-déclaration des heures travaillées dans cette catégorie. D’autre part, cette mesure est un exemple parfait de choc de « complexification » et aussi de précarisation puisque les droits à indemnisation sont plus imprévisibles que jamais. Cette nouvelle carence devrait s’appeler « taxe sur les bas revenus ».
Michel Sapin a déclaré : « Ces trois ajustements prévus touchent, pour l’essentiel, les salariés du secteur les mieux rémunérés ». A t-il lu l’accord ou reprend-il la communication du MEDEF ?
Sur les 165 millions d’euros d’économie annoncés par la CFDT pour les seules annexes 8 et 10, 150 millions d’euros d’économie se feront au détriment des bas et moyens salaires. La carrière fragile de professionnels sera davantage fragilisée à la suite de décisions prises à la va-vite, sans aucun véritable débat tenant compte des préconisations des professionnels concernés.
Le Comité de suivi de la réforme de l’intermittence travaille depuis 10 ans sur des contre-propositions justes, adaptées et pérennes. Elles ont été chiffrées et comparées avec le modèle actuel par une expertise indépendante : elles ne sont pas plus coûteuses et entraînent 70% de précarité en moins. Il est pour le moins anti-démocratique de constater que tout ce travail n’a même pas été étudié et que l’accord signé renforcera cette fragilité avec de nombreuses ruptures de droits supplémentaires.
Nous demandons au Ministre du Travail de ne pas agréer cet accord néfaste, afin d’établir de nouvelles conditions de négociations.
Nous renouvelons, par ailleurs, notre demande que le Comité de suivi soit enfin reçu par le Ministre du Travail et par la Ministre de la Culture.
Le 28 mars 2014
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Parlementaires du Comité de suivi : Noël Mamère (député écologiste), Pierre Laurent (sénateur communiste), Laurent Grandguillaume (député socialiste), Karima Delli (députée européenne écologiste), André Gattolin (sénateur écologiste), André Chassaigne (député front de gauche).
Organisations du Comité de suivi : ADDOC (Association des cinéastes Documentaristes), Coordination des Intermittents et Précaires, Fédération des Arts de la rue, Fédération CGT Spectacle, Collectif des Matermittentes, Recours Radiation, Société des Réalisateurs de Films, Les Scriptes Associés (LSA) et les Monteurs Associés (LMA), , SUD Culture, Solidaires, SUD Spectacle, Syndicat du cirque de création, Syndicat des Musiques Actuelles, SYNAVI, SYNDEAC, Touche Pas à mon Intermittent(e), TIPPI (Truquistes Infographistes de la Post-Production Image associés), UFISC, Union des Créateurs Lumière.