Le retour de bâton est rude. Après plus de 3 semaines de grève, la lutte [1] des personnels de Radio France a été confrontée à la réponse donnée par le gouvernement suite à la demande de médiation proposée par les syndicats. Depuis, partout, on pronostique la fin de la grève.
La nomination de Dominique Jean Chertier comme médiateur avait de quoi rendre circonspect quant à une prise en compte effective des exigences portées par les salariés de Radio France.
Qui est donc cet envoyé du gouvernement ? Dominique Jean Chertier, conseiller social à Matignon sous Raffarin de 2002 à 2003, a d’abord été responsable du personnel dans de grandes entreprises en restructuration (Renault, Sacilor, Air Inter), y organisant des licenciements de masse. C’est à l’Unedic, dont il fut directeur général pendant 10 ans, avant de devenir DRH de la Snecma, puis président du C.A. de Pôle emploi, qu’il a « fait ses preuves » : il y a géré deux (contre)réformes du régime d’assurance chômage qui - avant même l’attaque contre les droits des intermittents de 2003 - ont très sévèrement remis en cause les droits des chômeurs et précaires : l’instauration de la dégressivité des allocations de chômage en 1992, puis le « plan d’aide au retour à l’emploi » (PARE) en 2001.
En choisissant pour médiateur l’un de ceux qui, lors de la création du MEDEF, se sont illustrés comme acteurs essentiels de la « refondation sociale » patronale, le gouvernement réaffirme son soutien sans faille à toutes les contre-réformes du chômage, car c’est classiquement par une mise sous contrôle accrue du temps de chômage qu’a débuté la refondation patronale : « activation des dépenses » dites « passives » vers le « retour à l’emploi », diminution des allocations et nouvelle bases légales d’un salariat individualisé dont le chômage et la précarité sont des laboratoires [2]
Ce gouvernement a montré à nouveau que les besoins comme les aspirations des salariés, avec ou sans emploi, ne figurent que très marginalement à son agenda politique.
Ceux qui nous gouvernent ne connaissent que le rapport de force [3]. La grève réinvente du commun là où nous sommes séparés, permet de s’insoumettre à la logique de la concurrence et de s’opposer à la propagation de l’insignifiance qui est l’une de ses conditions car c’est par une telle action subjective que sont battus en brèche la lutte de chacun contre tous et le darwinisme social instillés à dessein dans chaque domaine de la vie... À tout le moins, ces luttes mettent en cause des politiques qui n’ont d’autres ambitions que de mettre tout le monde - et pour pas un rond - au service de l’économie, c’est-à-dire de la politique du capital.
Intermittents, précaires, salariés hors ou dans l’emploi, nous sommes solidaires des grèves, des luttes, des actions, des inventions collectives s’opposant à une réorganisation continue du travail et de la société, qui s’exerce au nom d’une vérité économique posée comme incontournable. Ce que les gestionnaires et la logique comptable veulent imposer, nous n’avons d’autre choix que de le refuser.