Compte-rendu d’un rendez-vous rue de Valois lundi 2 mars 2015.
Nous étions 6 : Samuel Churin et Sofi Vaillant pour la CIP-IdF, Véro Ravier pour CAP [1], Paul-Marie Plaideau pour la CIP-LR [2], Myriam Lotton pour la KIC de Caen [3] et Gaël Leveugle pour le CIPC Lorraine [4]. Fleur Pellerin [5] était entourée de François Romaneix, conseiller social, Laurent Dréano, conseiller artistique, Michel Orier directeur de la DGCA (Direction Générale de la Création Artistique).
À l’ouverture de la séance, nous avons commencé par lui dire les dangers d’une loi qui viendrait sanctuariser les annexes 8 et 10 sans se préoccuper du contenu, en nous appuyant sur ce qui s’était passé pour l’annexe 4 lors de la dernière convention [6]. Sanctuariser le titre sans contenu serait dangereux car cela n’empêcherait pas de fusiller les annexes. Nous avons rappelé notre revendication d’une annexe unique [7].
Nous avons mentionné la Proposition de Projet de Loi (PPL) du 12 octobre 2006 [8], en réaffirmant que seule une loi dotée d’un contenu pouvait éventuellement modifier la situation. Nous avons également rappelé que cette PPL avait alors été défendue par le groupe socialiste.
Fleur Pellerin et François Romaneix nous ont décrit le calendrier de cette loi : cette « sanctuarisation » des annexes devrait s’insérer dans la « loi sur le dialogue social », qui sera préparée par le ministère du travail. Des négociations devraient donc commencer sous peu, le vote se déroulant durant l’été.
À propos de la volonté du gouvernement de modifier les modalités de négociation, nous leur avons demandé quels seraient les critères de représentativité des négociateurs, en pointant la difficulté de définition de ces critères, vu la disparité des concernés, le nombre de cotisants et la diversité des syndicats dans chacune des neuf « branches » impliquées. Serait-ce un vote par syndicat ? Ou bien un vote proportionnel en fonction du poids de chaque organisation ? Et quelle serait notre place dans un tel dispositif ? Ils ont répondu que la décision revenait au ministère du travail et que, pour l’heure, ils n’avaient pas d’information sur ce point.
Sur l’éventualité de voir un cadre financier fixé par les confédérations, et négocié dans les branches, nous avons soulevé différents écueils. À commencer par le risque de la sortie du régime interprofessionnel. La ministre a en réponse affirmé sa volonté de garantir l’attachement des annexes à ce système solidaire.
Nous lui avons fait remarquer que ce cadre financier tiendrait lieu de budget, et que le risque qu’il devienne un outil de chantage des organisations signataires était patent. Proposant un faible budget, les confédérations mettraient l’État dans la délicate position de choisir entre laisser les conditions d’indemnisation et d’accès à l’allocation se durcir, ou bien mettre au pot, en ponctionnant alors sur son budget. En clair, cette loi risquerait de déboucher sur une caisse autonome [9].
Deuxième écueil : un cadre financier trop rigide ferait que les pourparlers dans les branches ne pourraient aboutir faute d’accord et, au final, la négociation reviendrait aux organisations patronales et aux confédérations syndicales. En substance il nous apparaît néfaste de raisonner en terme de budget, et pas en terme de besoin. C’est le reproche général que nous faisons à la gestion de l’assurance chômage. Les transformations intervenues depuis l’élaboration du modèle alternatif de l’indemnisation chômage par les coordinations d’intermittents et de précaires dès 2003 renforcent la validité d’un raisonnement en terme de besoins, la nécessité d’une indemnisation adaptées aux pratiques d’emploi des salariés à l’emploi discontinu.
Nous avons ensuite présenté une analyse de la convention actuelle avec, pour axe central, l’inadaptation aux pratiques d’emploi, tout restant pensé à partir du CDI et autour de l’hypothèse du plein emploi.
Entre autres aberrations, nous avons évoqué :
* La catastrophe des droits rechargeables et (pour les emplois du spectacle et de l’audiovisuel) la porosité des annexes avec le régime général, qui englue dans des droits inépuisables ceux qui n’arrivent pas à faire les heures ou qui veulent accéder au régime après des petits boulots ou des contrats aidés [10]. Le risque de déprofessionnalisation du secteur devenant alors extrêmement dangereux.
* Nous avons dénoncé l’accroissement des contrôles, l’instrumentalisation des DRAC - via leur bureau des licences - par Pôle Emploi pour lancer des contrôles mandataires.
* Nous avons parlé du problème de double contrôle des AEM, et plus globalement de la défaillance de l’institution Pôle emploi qui mise tout sur le contrôle et l’exclusion et ne remplit pas sa mission première d’accompagnement des chômeurs.
* Par le décryptage et l’exemple, nous avons démontré que, dans tous les secteurs, c’est systématiquement les plus fragiles et les plus précaires qui subissent les préjudices dus à la convention. Et nous avons argué du fait qu’en période d’intensification du chômage, il convient d’améliorer la protection sociale et non l’inverse.
Fleur Pellerin nous a alors dit que son approche politique et sa préoccupation étaient l’activité et la « déprécarisation ».
Nous avons ensuite rappelé le scandale du numéro d’objet, qui venait se rajouter aux outils de contrôle que sont déjà les licences d’entrepreneur de spectacle et l’inspection du travail.
Puis, nous avons énuméré les autres risques de déprofessionnalisation que constituent l’accès au régime pour les CAE, les inscrits à Pôle Emploi sur des petits boulots au régime général, et nous avons souligné la non-prise en compte des heures d’intervention artistique, alors que le ministère insiste particulièrement sur l’utilité et l’urgence de ces dispositifs, alors que les institutions poussent les compagnies à s’y impliquer, et alors que Pôle Emploi les comptabilise au régime général [11].
Nous avons rappelé que le secteur de l’audiovisuel était frappé par des délocalisations massives et que les conditions de travail en post-production étaient devenues insoutenables.
Nous avons également rappelé la forte mobilisation de l’année dernière avec la grève, ainsi que le soutien conséquent du public qui en a découlé. Puis nous avons évoqué l’éventualité d’une nouvelle mobilisation rapide et massive : ils ont saisi à que nous restions vigilants.
Nous avons conclu en évoquant nos inquiétudes quant à la baisse des budgets des collectivités, avec la réforme territoriale à venir, ainsi que sur les nombreuses réductions, annulations de spectacles et de festivals et fermetures en cours de lieux culturels et artistiques.
Ils nous ont alors dit combien ils étaient sensibles à ces mobilisations, et, par exemple, à la pétition de Montpellier, sur laquelle le ministère dit vouloir intervenir directement en région.
Nous avons insisté à nouveau sur les revendications de toujours : 507 heures en douze mois, date anniversaire et annexe unique.
Au final, notre impression est que nous avons été pris au sérieux. La participation aux tables [12] n’y est certainement pas pour rien.
Fin de la réunion