Mercredi 20 mai, le conseil d’administration de Pôle emploi s’est réuni.
Pour corriger la mise en application catastrophique des droits rechargeables ? Pour améliorer les procédures d’indemnisation ? Pour envisager de nouveaux recrutements et une formation plus adaptée des agents afin de mieux conseiller, aider, accompagner les chômeurs ?
Non ! Encore une fois, loin de chercher à remplir la mission censée être la leur, ils ont choisi de jouer sur les statistiques du chômage. Ils prévoient dès cet été la création de 200 postes pour la mise en place au niveau national d’une milice de contrôle des chômeurs, testée depuis 2013 dans trois régions et validée pour ce qu’elle est : une machine à radier, un levier pour obliger à accepter les « offres » d’emploi les plus misérables et une menace permanente pesant sur la tête des chômeurs. C’est un jeu inacceptable et pourtant aucun des syndicats du C.A. [1]n’a voté contre.
Le gouvernement ne se permet pas encore de mettre en place les jobs à 1€ comme en Allemagne [2], ou les contrats à 0 heure comme en Angleterre, mais la machine avance pour que l’« opinion publique » soit bientôt prête à les considérer comme mieux que rien. Partout en Europe, du jobs act italien [3] à l’article 63.2 en Belgique [4], les lois contre les chômeurs se durcissent et provoquent la colère des premiers concernés.
Dans le même temps, le projet de loi Macron veut limiter les pouvoirs des inspecteurs du travail et encadrer les décisions des Conseils de Prud’hommes, le plus souvent favorables aux salariés.
On annonce aussi d’autres contrôles dès le mois d’août sur les comptes bancaires des ayants droit de la CMU-C. Un contrôle accru se profile sur ceux des allocataires du RSA. Les fichiers se croisent joyeusement, les lois de surveillance fleurissent, le droit à manifester est réprimé [5], les violences et l’impunité policières [6] persistent. A quand les cartes d’identité à puce comme en Espagne, sur laquelle toute une vie est inscrite ?
Parallèlement, les associations de chômeurs et précaires, ou la coordination des intermittents et précaires, sont reçues à des tables ministérielles. Le premier ministre M. Valls se targue dans de récentes déclarations de pouvoir réformer en construisant un dialogue avec les intermittents. Le gouvernement met tout en oeuvre dans sa communication pour brouiller les pistes et faire en sorte que la colère ne descende pas dans la rue.
L’attaque des plus fragiles se généralise et se banalise. La mise en place de ces dispositifs concourt à faire entrer dans les esprits l’image d’un précaire fraudeur, à imposer honte et culpabilité aux allocataires pour empêcher toute velléité de rébellion, à inciter à la haine contre l’autre aussi pauvre qui aurait encore quelque droit.
« Nous croirons en leur crise quand les riches se suicideront en masse. »
Mais ce n’est pas près d’arriver ! Alors n’attendons pas pour combattre l’idée que le néolibéralisme serait la seule issue. Inventons de nouveaux lieux de réflexion et d’organisation, exigeons des droits. Nous voulons vivre.
Communiqué de presse de la Coordination des intermittents et précaires d’Ile-de-France
21/05/2015
Note Cip du 31 mai.
Le 22 mai, le gouvernement a présenté un amendement à inclure dans la loi en cours d’élaboration sur « le dialogue social et l’emploi », dont voici l’exposé sommaire :
La loi n° 2011"‘267 du 14 mars 2011 d’orientation et de programmation pour la performance et la sécurité intérieure (LOPPSI II) a prévu l’agrément et l’assermentation des agents chargés de la prévention des fraudes de Pôle emploi. Elle a également permis aux agents de l’État et des organismes de protection sociale, y compris Pôle emploi, d’échanger tous renseignements ou tous documents utiles à l’accomplissement des missions de recherche et de constatation des fraudes en matière sociale et de recouvrement des contributions et prestations versées indument.
En revanche, les agents de Pôle emploi ne bénéficient pas d’un droit de communication similaire à celui qui est prévu au code de la sécurité sociale au profit des organismes de sécurité sociale. Ce droit permet actuellement aux agents de ces organismes d’obtenir auprès de certains tiers (tels que les établissements bancaires, fournisseurs d’énergie, opérateurs de téléphonie), sans que s’y oppose le secret professionnel, les documents et informations nécessaires pour contrôler l’exactitude des déclarations faites en vue de l’attribution des prestations.
Le présent amendement a pour objet de prévoir un droit de communication similaire au profit des agents de Pôle emploi chargés de la prévention des fraudes, agréés et assermentés, qui permettra d’améliorer la détection des fraudes, de favoriser la récupération des sommes détournées et de renforcer la coopération des acteurs concernés de la lutte contre la fraude.
Devant le scandale naissant quant à cette police généralisée des précaires par l’entremise de toutes leurs « données », le gouvernement a retiré cet amendement, fruit des recommandations de la Cour des comptes en matière de « lutte contre la fraude ». Il n’en reste pas moins :
• que Pôle emploi dispose déjà, par exemple, des adresses IP depuis lesquelles les espaces personnels Pôle emploi sont utilisés. Ainsi, sauf à utiliser le logiciel TOR, on pourra être accusé, par exemple, d’absence du territoire national lors d’un pointage ou d’une autre démarche électronique.
• que la Sécu a été chargée de contrôle des comptes bancaires de 500 000 ayants droit (actuels ou potentiels) de la CMU-C, et qu’elle dispose d’un « droit de communication » (c’est à dire d’accès aux data) digne de la Loi sur le renseignement récemment votée [7]. À charge pour la Sécu de transmettre les dossiers exploitables aux autres caisses... [8]. Nous sommes traités selon une partie des procédures dévolues aux « ennemis intérieurs ».
Nous y reviendrons de façon plus détaillée dès que possible.