La présidente du Medef en 2003 l’avait dit : « La vie, la santé, l’amour sont précaires, pourquoi le travail échapperait-il à cette loi ? ».
Aujourd’hui alors que c’est l’avenir de tout un peuple - le peuple grec - qu’on prétend rendre servile, le destin des migrants qu’on prétend briser aux frontières, pourquoi en effet le projet d’un théâtre, celui de l’Aquarium, comme celui d’autres lieux en région parisienne (le Théâtre de la Cité Internationale [1], le Forum du Blanc-Mesnil, ou la Parole Errante à Montreuil), prétendrait-il s’exonérer de la loi de fer de madame Parisot ?
Étymologiquement la précarité se définit comme l’état de celui qui doit avoir recours à la prière pour obtenir quelque chose.
Une des tocades du Ministère de la Culture est aujourd’hui d’écourter brutalement le mandat de direction du théâtre de l’Aquarium, au mépris du travail en cours.
Une pétition a été mise en ligne ici.
On pourrait se dire que c’est la vie, que le lieu ne va pas être physiquement détruit et que même il sera encore dédié à la culture.
Mais il ne s’agit pas que du soutien ponctuel à tel ou tel théâtre ou festival menacé dans son existence - et ils sont légions ces jours-ci. La question doit être posée du mode de gouvernance qui se profile là et qui ne concerne pas que le monde étroit de la culture.
On constate dans cette affaire comment l’Etat n’est en rien le juge impartial qui récompense les vertueux obéissant à ses critères et punit les fraudeurs. Ici l’Etat annonce des règles, donne un cahier des charges, et quand bien même ont été obéies celles-ci et respecté celui-là comme c’est le cas avec le théâtre de l’Aquarium, il n’en tient aucun compte. C’est que son vrai maître, sa seule manière de juger, c’est le marché. Ici, comme ailleurs, ce n’est pas à une dérive libérale que l’on assiste, mais à un cap résolu, avec une main de fer posée sur la barre, vers le libéralisme. Ce qui est reproché à François Rancillac, directeur du Théâtre de l’Aquarium, in fine, c’est de ne pas être un produit aisé à vendre comme produit culturel. La notion d’œuvre, de durée, de projets au long cours sont, pour le gouvernement socialiste comme pour ses prédécesseurs de droite, à jeter à la poubelle, au profit des événements, des coups, des retours immédiats sur investissement.
Au-delà du cas d’un théâtre particulier, inventé il y a des lustres de cela comme une utopie politique, il subsiste bien des ripostes à imaginer contre le management de la culture qui nous englue. Il faut se rappeler que les théâtres, comme les autres entreprises, peuvent se mettre en grève, que ce sont des lieux de travail qui peuvent être réappropriés par ceux qui les habitent et y travaillent, que des ministres peuvent ne plus y être bienvenus (ce fut le cas il n’y a pas si longtemps) , bref qu’il ne tient qu’à nous de reprendre ces lieux supposés émancipés des lois du marché.
Ils nous appartiennent à tous.
Nous voulons des lieux pour habiter le monde,
pour choisir comment l’habiter !