En ce lendemain de manif monstre, vers midi et demi, il suffisait d’emprunter le parcours de la veille pour apercevoir les centaines de tags qui ornaient encore les murs (à part ceux du Val de Grâce ripolinés de blanc sur le boulevard du Port-Royal).
Parmi les vitrines brisées, d’après un rapide calcul mental, 95% des devantures ciblées portaient l’enseigne d’une banque/agence immobilière /compagnie d’assurance/sucette publicitaire Decaux. Indubitablement, sur le boulevard Montparnasse, cinq ou six magasins de déco intérieur, d’optique ou de fringues, dépourvus de caractère symbolique flagrant, ont fait le frais d’un excès de zèle injustifié, d’ailleurs sans graffiti « explicatif » autour. Mais comment s’en offusquer au regard du gazage quasi permanent du cortège de tête qui, avec cagoule ou foulard citronné à mi-visage, comptait dès le départ plus de dix mille personnes rêvant non pas d’un baroud d’honneur ou d’un simple happening émeutier, mais d’un cortège offensif exprimant toutes les composantes du corps social d’aujourd’hui : United Colères of Précaires.
Arrivé devant l’Hôpital Necker, le champ de ruine ne saute pas aux yeux, c’est le moins que l’on puisse dire. Une seule vitre a volé en éclat, déjà remplacé par une feuille de contreplaqué. Une petite dizaine d’impacts au marteau, surlignés de scotch armé orange, sont aussi visibles sur les double-vitrages avoisinants. Un ou deux tags en plus... et voilà tout. Même pas une faute lourde de non-sens, juste une faute de goût sans dégâts collatéraux ni vilains bobos pour personne.
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Source : Pense-bête, Archyves.