L’idéologie ultralibérale / OMC

mardi 12 août 2003
Dernière modification : lundi 23 mai 2005

A) L’IDÉOLOGIE ULTRALIBERALE : « CONSENSUS DE WASHINGTON »

« Il s’agit d’un ensemble d’accords informels, de »gentlemen agreements", conclus tout au long des années 1980-90 entre les principales sociétés transcontinentales, banques de Wallstreet, Federal Reserve Bank américaine et organismes financiers internationaux (Banque mondiale, Fonds monétaire international, etc.).

En 1989, John Williamson, économiste en chef et vice-président de la Banque mondiale, formalisa le « consensus ».Ses principes fondateurs sont applicables à n’importe quelle période de l’histoire, à n’importe quelle économie, sur n’importe quel continent.Ils visent à obtenir, le plus rapidement possible, la liquidation de toute instance régulatrice, étatique ou non, la libéralisation la plus totale et la plus rapide possible de tous les marchés(...) et l’instauration à terme d’une « stateless global governance », d’un marché unifié et totalement autorégulé.(..)Voici les principes sur lesquels il repose.

- 1. Dans chaque pays débiteur, il est nécessaire d’engager une réforme de la fiscalité selon deux critères : abaissement de la charge fiscale des revenus les plus élevés afin d’inciter les riches à effectuer des investissements productifs, élargissement de la base des contribuables ; en clair : suppression des exceptions fiscales pour les plus pauvres afin d’accroître le volume de l’impôt.

- 2. Libéralisation aussi rapide et complète que possible des marchés financiers.

- 3. Garantie de l’égalité de traitement entre investisseurs autochtones et investissements étrangers afin d’accroître la sécurité et, donc, le volume de ces derniers.

- 4. Démantèlement, autant que faire se peut, du secteur public ; on privaterisera notamment toutes les entreprises dont le propriétaire est l’État ou une entité para-étatique.

- 5. Dérégulation maximale de l’économie du pays afin de garantir le libre jeu de la concurrence entre les différentes forces économiques en présence.

- 6. Protection renforcée de la propriété privée.

- 7. Promotion de la libéralisation des échanges au rythme le plus soutenu possible, l’objectif étant la baisse des tarifs douaniers de 10% par an.

- 8. Le libre commerce progressant par les exportations, il faut, en priorité, favoriser le développement de ceux des secteurs économiques qui sont capables d’exporter leurs biens.

- 9. Limitation du déficit budgétaire.

- 10. Création de la transparence du marché : les subsides de l’État aux opérateurs privés doivent partout être supprimés.Les états du tiers-monde qui subventionnent, afin de les maintenir à bas niveau, les prix des aliments courants, doivent renoncer à cette politique.En ce qui concerne les dépenses de l’État, celles qui sont affectées au renforcement des infrastructures doivent avoir la priorité sur les autres (pages 63-65).

B) LE RÔLE DE L’ARMÉE

...Ancien conseiller spécial de la secrétaire d’État Madeleine Albright sous l’administration Clinton,Thomas Friedman est plus explicite encore :« Pour que la mondialisation fonctionne, l’Amérique ne doit pas craindre d’agir comme la superpuissance invincible qu’elle est en réalité (...).La main invisible du marché ne fonctionnera jamais sans un poing visible.Mc Donald’s ne peut s’étendre sans McDonnel Douglas, le fabriquant du F-15.Et le poing invisible qui assure la sécurité mondiale de la technologie de la Silicon Valley s’appelle l’armée, l’aviation, la force navale et le corps des marines des Etats-Unis. » (pages 44-45).

...Le 9. novembre 2001, à Doha (...) s’est ouverte la Conférence Mondiale du Commerce. Dix jours auparavant, Georges W. Bush avait tenté de persuader le Congrès américain de voter la loi dite de la « Trade Promotion Authority ».* Son argument-choc était le suivant :« Les terroristes ont attaqué le World Trade Center.Nous les vaincrons en élargissant et en encourageant le commerce mondial. »Robert Zoellick, représentant de Bush à l’OMC, appuya son président :« Le libre-échange n’est pas simplement une question d’efficacité économique ; il promeut également les valeurs de la liberté. »(...)

...L’empire américain choisit donc l’affirmation de la suprématie militaire en guise de diplomatie.Conclusion:Les dépenses militaires, et donc les profits des sociétés multinationales explosent.En 2002, les États-Unis, eux, ont dépensé plus de 40% du montant global des dépenses militaires effectuées dans le monde par l’ensemble des États.

En 2003, le budget ordinaire du Pentagone s’élèvera à 379 milliards de dollars.(...)

Un aspect particulier du budget pharaonique proposé par George W. Bush a retenu l’attention des commentateurs:l’une des firmes qui profitera le plus immédiatement et le plus massivement des nouveaux crédits est en effet Carlyle Group (...).Fonctionnant comme un fond d’investissement, Carlyle Group détient des parts importantes dans de puissants conglomérat militaro-industriels, comme par exemple Lookheed Martin ou General Dynamics.Ses trois principaux « lobbyistes » (agents d’affaires auprès du Congrès) sont le père du président, George Bush, l’ancien secrétaire d’État, James Baker, et l’ancien secrétaire à la défense Frank Carlucci.(...)

.Parmi les grands actionnaires de Carlyle Group, figurent des princes de la famille royale saoudienne, mais aussi la famille Ben Laden.(pages 54-56).

...Lors du débat budgétaire au Congrès en 2002 (portant sur le budget militaire de 2003), Donald Rumsfeld énonça une doctrine militaire nouvelle : désormais les forces armées des États- Unis seront capables de mener au moins deux grandes guerres (full wars) simultanément sur n’importe quel continent, de contrôler plusieurs guerres mineures (low intensity wars) et d’assurer la défense militaire sans faille du territoire national.(page 59).

C) LE RÔLE DE L’OMC

...À l’OMC, ce sont certes les représentants des États qui négocient, mais ils le font de fait, la plupart du temps, au nom des sociétés transcontinentales qui dominent leurs économies nationales respectives.Les mécanismes institutionnels sont complexes.
Prenons l’exemple de l’Union Europeenne.Le négociateur en chef s’appelle Pascal Lamy (...).En tant que commissaire au commerce de l’UE, il négocie formellement au nom des (...) Etats-membres qui ont préalablement fixé leurs positions.Mais les États - membres de l’UE ne déterminent pas librement le mandat de négociation.Une instance bien énigmatique, appelée « Comité 133 », composée essentiellement de hauts fonctionnaires provenant des (...) Etats-membres, prépare les documents.C’est au sein de ce « Comité 133 » - dont la composition varie- que sont implantés les agents des sociétés transcontinentales.Et le comité n’est soumis à aucun contrôle.(...)

...de fait, ce sont les 200 plus puissantes sociétés transcontinentales de la planète, celles qui contrôlent ensemble plus de 25% du produit mondial brut qui donnent le ton.C’est pourquoi la rationalité des sociétés privées transcontinentales domine les négociations au sein de l’OMC, jamais l’intérêt des peuples et de leurs États respectifs.

Si Pascal Lamy est l’homme de l’Europe, Robert Zoellick est celui des Etats-Unis.Les deux hommes se ressemblent (...)Ils aspirent, en outre, l’un et l’autre, à un monde où la Main invisible du marché résoudra tous les problèmes de la pauvreté et de la richesse, de la santé et de la maladie, de la survie et de la faim.Dans la vitrine, ces deux personnages jouent les premiers rôles.Mais Zoellick occupe un poste bien plus agréable que Lamy.(...)Il n’est responsable que devant le président des Etats-Unis.Il a rang de ministre et participe aux séances du cabinet. (pages 186-187).

*la loi conférant au président la « trade Promotion Authority » limite considérablement le pouvoir du Congrès.Comme par le passé, les députés et les sénateurs seront appellés à ratifier tout accord commercial.Mais la nouvelle loi exclut toute possibilité d’introduire des amendements.

22.07.03 , comm.Europe - cip-idf

Adresse originale de l'article : http://www.cip-idf.org/spip.php?article326