Intermittents et précaires s’invitent à la CAF Jaurès

mercredi 11 février 2009
Dernière modification : dimanche 5 juillet 2009

Le tract d’appel à cette action : Nous ne payerons pas votre crise


À chaque action de la coordination des intermittents et précaires (CIP) sa portée politique et sociale. Cette-fois ci, ça s’est passé au cœur d’une antenne parisienne de la CAF. Récit d’une initiative bien accueillie par les allocataires.

À l’appel de la coordination des intermittents et précaires (CIP), une trentaine de personnes s’était donnée rendez-vous jeudi 5 février en fin de matinée, devant le siège parisien de la CFDT. Lieu plus que symbolique, tant ce syndicat n’en finit plus de s’attirer, entre autres, les foudres des membres de la CIP depuis 2003. Dernier acte de la CFDT, autrement qualifiée de « Comora Des Fabricants de Turbins » ou « de fabrique de chômeurs non indemnisés » selon les termes de la CIP : l’annonce début janvier de sa signature, à côté de celle du MEDEF, de la convention de l’assurance-chômage sur la période 2009-2011. Les quatre autres fédérations syndicales s’y opposent encore jusqu’à présent. Autre sujet de discorde, la condamnation, en janvier dernier, de Ludovic Prieur et Michel Roger, suite à une plainte déposée par la CFDT après une occupation de leurs locaux en 2005. D’où ce rendez-vous devant le siège de la CFDT, avant de partir en action.
Cette fois-ci, direction l’antenne de la Caisse des Allocations Familiales (CAF) située avenue Jean Jaurès à Paris.

L’intrusion du groupe de manifestants a été discrète et « efficace » selon la CIP. Tout le monde a pu se glisser dans une grande salle d’attente silencieuse, parsemée d’une vingtaine d’allocataires. Plutôt interloqués au départ, les allocataires se montrent beaucoup plus réceptifs après l’intervention d’un militant de la CIP. « Contrairement au slogan, la CAF ne nous simplifie pas la vie. On nous soupçonne d’être des profiteurs. Les obligations, les justifications n’en finissent plus. On nous persécute pour avoir le droit à 390 euros par mois de RMI. Nous sommes ici pour vous dire qu’il faut se battre pour ses droits, et qu’il ne faut pas rester seul, sinon c’est comme à l’usine, on se fait avoir ! » , explique-t-il. L’auditoire acquiesce, puis, l’échange se crée. Plusieurs personnes exposent leur cas et les difficultés qu’ils ont avec la CAF. « J’ai deux enfants en bas âge, je ne peux que difficilement travailler avec leurs problèmes de santé dus à l’insalubrité de mon logement. Et quand je demande des aides, on me répond que je n’avais qu’à ne pas faire d’enfants ! » expose Sanae, une jeune allocatrice. Pêle-mêle, les discussions fusent. « En Guadeloupe, ils ont raison de tout bloquer et de demander plus d’argent » , lance une autre allocatrice. « Les vrais assistés, ce sont les entreprises, les banques, les riches ! » dénonce un manifestant.

L’action semble libérer les esprits et les angoisses des allocataires. Et manifestement, l’intrusion débride aussi l’administration. Au guichet, un homme perd patience : « On ne joue pas comme ça avec les gens, vous ne pouvez pas me traiter de menteur, j’ai besoin que ma situation se débloque pour acheter mes médicaments non remboursés ! » L’homme, âgé d’une cinquantaine d’année, rouge et tremblant de colère, soutenu par un manifestant, est alors reçu par une responsable pour faire avancer son dossier. Une jeune femme, italienne, s’est vu elle, refuser une aide sous prétexte d’« un défaut de pièce au regard de la directive européenne de 2004 » telle qu’elle est appliquée par la CAF. Après vérification aux côtés d’une militante de la permanence précarité (1) assurée par la CIP, le dossier, parfaitement complet, est finalement été débloqué. Et ainsi de suite. Pendant une bonne heure, les responsables s’activent hors de leurs bureaux, et cette antenne de la CAF est prise d’une soudaine « efficacité » , « comparée à d’habitude » , selon un manifestant.

« Les buts sont de rappeler que les allocataires ont avant tout des droits et de dénoncer les refus arbitraires qui touchent souvent les personnes les plus fragiles. Les réponses données par les conseillères dans certains cas relèvent de consignes de la direction, destinées à dissuader les allocataires d’exiger leur droit » , explique Joséphine de la permanence précarité. « Le message de l’action est très bien accueillie par les allocataires, et en plus, on aura pu aider à débloquer 3-4 dossiers » , se réjouit-elle. « Se battre seul, ce n’est pas possible, il faut plus de manifestations comme celle-là, afin qu’on revendique nos droits » , juge Atika, une jeune allocatrice qui, malgré son bac plus 5, enchaîne CDD et stages. Katy, elle, est là pour avoir une explication suite à la baisse de ses allocations logement. Elle « soutient à fond l’action » . « Il y a beaucoup de gens touchés par des problèmes qu’on essaie de dissuader alors qu’ils ont le droit à certaines aides » dénonce-t-elle. Son frère a d’ailleurs récemment été soupçonné de « mensonge » et s’est fait « squeezer » son RMI pour s’être fait héberger chez une amie. La CAF le soupçonnait de vivre en concubinage avec cette dernière.

Difficile de déterminer le nombre de situations complexes et bloquées, mais ce type d’action donne une idée de l’ampleur du problème. Une conseillère de la CAF s’est d’ailleurs confiée sans réserve : « je comprends ce type d’action, la situation devient difficilement gérable avec de plus en plus d’allocataires dans tous les domaines, et des cas vraiment désespérés » . D’autant que, selon un autre membre du CIP, « bientôt, avec la crise, 4 millions dépendront de la CAF avec le revenu de solidarité active, destiné aux rmistes et aux chômeurs radiés, de plus en plus nombreux, qu’on fera travailler pour des salaires en dessous du seuil de pauvreté. » Le RSA devrait entrer en vigueur au mois de juin prochain. Du côté des agents de la CAF, un mouvement de protestation, dénonçant notamment l’évolution de l’organisme social et la baisse de la qualité des services proposés aux allocataires, se développe sans discontinuer depuis la fin de l’année 2007 (http://travailleurs-sociaux-caf-cgt... ).

S.L.

(1)Permanence précarité : lundi de 15h à 17h30, Coordination des Intermittents et Précaires. www.cip-idf.org, tel : 0140345974, mail : permanenceprecarite cip-idf.org . CIP, 14-16 quai de Charente, Paris 19è.

Source : Regards


RMI : « Jackpot » à la CAF de Rosny-sous-bois

À propos, entre autres, du RSA : Nous sommes tous des irréguliers de ce système absurde et mortifère. L’Interluttants n° 29, hiver 2008/2009.

Mobilisons-nous pour de nouveaux droits sociaux, lutter est nécessaire, lutter construit la puissance du nous

Adresse originale de l'article : http://www.cip-idf.org/spip.php?article4253