Commencer un mouvement comme si l’on était déjà en train de le continuer... ; Pour une politique du savoir, Bernard Aspe

lundi 23 mars 2009
Dernière modification : mardi 26 janvier 2010

C’est le thème d’un forum de discussion, ce 25 mars 2009, à l’Ensba, 14 rue Bonaparte, 75006 Paris. Différents collectifs et comités issus des grèves successives dans l’enseignement et la recherche y participent.

Nous invitons Bernard Aspe, auteur de L’Instant d’après, projectiles pour une politique à l’état naissant et co-auteur de Inévitablement (après l’école) (ed La Fabrique) à intervenir.


Chaque année depuis quelque temps, les étudiants descendent dans la rue, défilent en manifestation, font des AGs, déclarent la grève, contestent des réformes qui participent toutes des mêmes logiques ; aujourd’hui plus que jamais nous devons donc nous interroger sur ce que nous espérons trouver dans un mouvement social.

Nous sommes nombreux à avoir vécu l’expérience des fins de mouvement, où la douleur de la « reprise » ne rendait que plus pressant l’impératif de continuer, et ce en dépit des amères victoires stratégiques, syndicales ou parlementaires. Mais grâce à cette expérience semble précisément s’ouvrir une perspective nouvelle, qui consiste à commencer un mouvement comme si l’on était déjà en train de le continuer (c’est-à-dire s’affranchir de ses objectifs limités, à court terme, pour rejoindre un peu plus vite son horizon réel) ; mais c’est aussi continuer un mouvement comme on l’avait commencé, ce qui signifie se placer dans la posture, critique et réflexive, d’un engagement lucide tout en gardant cette forme qu’est le mouvement, où les singularités diverses parviennent à tenir ensemble, où du commun se dégage, où des liens se créent - c’est ne pas s’aliéner, en somme, dans le morcellement qu’implique tout ralliement exclusivement syndical ou partitaire.

C’est pourquoi la recherche, dans le cadre des mobilisations actuelles révèle sa double importance :

- Dans sa dimension universitaire, elle est menacée de toutes parts ; on la soumet à des critères de rentabilité, on veut la calquer sur l’enfer d’un « monde du travail » invivable, on en fait un outil de légitimation de l’ordre établi. Par conséquent un mouvement qui s’oppose à la LRU ou plus largement au processus de Bologne suppose dans son existence même un refus de telles logiques, qui ne se résument pas à quelques détails juridiques.

- Dans sa dimension politique, elle peut seule nous sortir des impasses où nous mènent les mouvements sociaux ; elle consiste à assumer le mouvement dynamique d’une praxis (où pratique et théorie sont inséparables), qui ne prétend jamais avoir trouvé aux problèmes de solutions définitive (se prémunissant ainsi contre les risques du dogmatisme) - recherches que tout mouvement appelle, motivées par l’idée que notre époque a besoin d’inventions politiques, au-delà de l’éternel et répétitif balancier des rapports de forces qui rejoue sans cesse le jeu des oppositions traditionnelles. Face à cela, il faut recourir à une radicalité, comprise dans un sens différent de ce qu’on entend généralement par là : la radicalité comme volonté de prendre les problèmes à leur racine, de comprendre comment fonctionnent les situations, de ne pas se contenter de soigner des symptômes - radicalité ouverte, qui n’a pas de chapelle à défendre, qui évite le piège du « tout ou rien », car le tout est à chaque moment de la lutte, dans chaque situation que l’on crée.

Ainsi la recherche doit être pensée conjointement sous ces deux aspects, comme une véritable façon de vivre, qui déborde tous les cadres, y compris le cloisonnement qui existe actuellement entre des disciplines étanches et séparées, sphères closes à l’écart de tout présent, de toute actualité profonde. La recherche est une activité de tous les instants, elle se doit d’être présente au coeur de tout enseignement, ou même de toute formation. Et c’est pourquoi également la recherche pratiquée à
l’université est indissociable d’une ouverture sur le réel dans sa dimension émancipatrice. Au piège de la communication et de la stratégie, nous opposons la sincérité et le partage ; aux réquisits de la rentabilité, ceux de la générosité, de l’affirmation, de la créativité. Il importe donc de mettre en oeuvre et d’expérimenter dès maintenant les pratiques qui en découlent.

Pour une politique du savoir, Bernard Aspe

http://rennes-troie.open-web.fr/
http://sites.google.com/site/normal...
http://www.ufr-zero.org/
http://vagueeuropeenne.fr/
http://universiteparis8engreve.fr/
http://contre-conference.net/

Source : http://contre-conference.net/


On peut également consulter :

Évaluation permanente, compétences, individuation :
Qui sait ? par Muriel Combes

Commencer un mouvement comme si l’on était déjà en train de le continuer... et Pour une politique du savoir, Bernard Aspe, 2009

Université en lutte et évaluation : Inévitablement (après l’école), Julie Roux, enseignante, chômeur, philosophe et chauffeur-livreur, 2007

Contribution sur l’égalité : Le maître ignorant, Jacques Rancière- extraits et 1er chapitre

Université, quelle lutte contre la société de concurrence ?, Cip-idf, 2009

Tendance gréviste, ni CPE ni CDI, Appel de Rennes II, 2006

Intermittents, enseignants, chercheurs, précaires, ce qui nous rassemble..., Cip-idf, 2004

Dix Thèses sur l’Université Productive, Cristal qui songe, 1997

L’école, atelier de la société-usine, L’école en lutte, 1973

Adresse originale de l'article : http://www.cip-idf.org/spip.php?article4350