lundi 4 mai 2009
Dernière modification : mardi 27 août 2019
Un récit de la journée :
Avec deux banderoles, des masques de soudeurs esquimaux en guise de cagoule, des slogans (Moins de sono et plus de mots !) et un mégaphone, nous avons remonté le cortège vers sa tête (Camarade syndiqué, laisse toi un peu déborder !) au pas rapide (La grève générale, les jours fériés, c’est du bluff syndical pour nous canaliser), retrouvé les Panthères roses (Dior, Chanel, Vuitton, nationalisation !) et fait cortège commun (On est en colère, autant pire qu’en outre-mer).
À Luxembourg, les abords du Quick étaient farcis de fédérations socialistes (Sarkozy au RMI, Martine Aubry aussi ! Une seule solution, la séquestration, un seul moyen, de l’eau et du pain) et nous avons décidé d’aller plus loin. Laissant derrière nous le front de gauche (Menton de droite !), le PCF (Nous voulons des emplois fictifs et des logements de fonction !), des petits bouts de CFDT (CFDT, syndicat négrier, contre les chômeurs ils ont signé !) et différents cortèges de la CGT (Les syndicats sont nos amis, jamais, jamais, ils ne nous ont trahis !), nous avons retrouvé le 9e collectif de sans-papiers (Pour tous !) à l’angle du boulevard Saint Germain, obliqué vers le Macdo, déployé les banderoles devant la façade, laissé sortir les clients, parlé avec les salariés, fermé les portes au scotch, raisonné patiemment les accros du nuggets qui voulaient leur dose.
C’est Premier Mai, c’est férié, personne ne devrait travailler (La retraite à 20 ans, pour baiser il faut du temps !). Les salariés, plutôt contents, ferment boutique, nous restons là deux heures et demie (Le Macdo, il est bloqué, ils perd d’la thune, et c’est bien fait !) en criant des machins (Zut, zut, zut, et zut et zut et zut, nous n’avons pas de golden parachute) et diffant l’Interluttants (Intermittents en colère, intérimaires en collants ! Premier, deuxième, troisième turbin, nous sommes tous des précaires clandestins !).
À six heures, nous décidons de rejoindre l’Hôtel de ville où se tient une assemblée de gens qui ne veulent pas rentrer chez eux, flanquée d’une ronde obstinée. Il fait doux, on prend l’apéro assis par terre et puis à un moment tout le monde est debout, il y a là une tripotée d’étudiants pour qui la journée n’est pas terminée, on fait le tour de l’Hôtel de ville, on court, la porte est ouverte, on entre, on est dans la cour, on tourne en rond une fois, deux fois, on finit par trouver l’escalier, hop on est dans la salle du Conseil de Paris.
C’est un genre d’amphi rococo, parfait pour une AG de 150 occupants. On ne trouve pas tout de suite l’interrupteur mais on trouve tout de suite le bar, on boit du Cacolac dans le noir. Finalement on réussit à allumer la lumière, et l’assemblée tente de s’organiser. Les étudiants sont très contents, certains poussent des cris tribaux (Aaaahaaaaahaaaaaah anticapitalistes !), en fait tout le monde est très content même si la parole a du mal à circuler. Une tribune s’improvise, elle propose de rédiger une déclaration, donne le nom des avocats, un étudiant agite compulsivement la petite clochette qui sert à rythmer les débats municipaux.
En bas, la ronde obstinée tourne obstinément en rond, et rapidement une colonne de bleus avance dans notre direction. Dedans, on en voit qui parlent de commune, d’autres de convergence et d’autres encore de luttes, il y a toujours ceux qui insistent pour écrire un communiqué, une étudiante fait une déclaration debout sur un pupitre. Voilà la BAC, une quarantaine, suivie d’une quantité suffisante d’hommes en bleu. Une déclaration à la presse :
[1]
Puis la sortie est négociée avec le préfet et un émissaire de la mairie. Vérification d’identité dans la cour, on sort entre deux rangées de CRS, on n’a perdu personne, ouf. On rejoint la place de l’Hôtel de ville où la ronde n’a pas cessé de tourner. Il est 22 heures, les bétaillères repartent à vide, on peut aller boire un verre.
2 mai 2009
Un autre récit :
Beaucoup de fausses informations circulent sur cet événement. La faute à l’AFP qui a produit une dépêche extrêmement vague et mal renseignée et qui malheureusement a été reprise par toute la presse. La faute aux CRS (ou à Delanoë) également puisque nous n’avons pas eu le temps de préparer un communiqué qui aurait coupé court à toutes récupérations.
Nous étions environ 150 à l’intérieur. Nous étions de toutes les catégorisations sociales que vous pouvez nous accoler : « chômeurs », « précaires », « salariés », « étudiants », « casseurs », « sans-papiers », « cailleras »... Contrairement à ce qui est repris partout ceci N’ÉTAIT PAS UNE ACTION ÉTUDIANTS-PROFESSEURS. La Ronde des obstinés ne nous a d’ailleurs apporté aucun soutien. Elle a continué sa marche comme si de rien n’était. Pis, certain d’entre eux nous ont insulté, lorsque nous étions aux fenêtres, en craignant que notre action n’interrompe leur ronde !
Nous nous inscrivons dans une lutte bien plus profonde que la simple protestation étudiante (nous l’englobons cependant). Croyez-vous que l’on aurait pris autant de risque simplement pour protester contre les réformes universitaires ??? Nous sommes sortis de l’Hôtel de ville aux cris de : « Ah, anti, anticapitalista », « Grève générale », « Paris, banlieue soulève-toi », ce qui laisse augurer de nos revendications.
Notre action s’inscrit en opposition aux ballades syndicales qui n’ont aucun effet. Pis qui enlisent la possibilité d’une grève générale, et jouent le rôle d’un canalisateur des colères sociales et ainsi font le jeu de l’ordre établi. En l’absence de tout syndicat et parti, nous nous sommes spontanément organisés au pied de l’Hôtel de ville et avons mené cette action. Parce que nous refusons de défiler dans les espaces que le « pouvoir » nous a, dans son extrême bonté, offert, nous avons décidé d’investir un espace hautement symbolique et, chose importante, non autorisé. Contester dans un des espaces prévu à cet effet ce n’est absolument rien contester.
Autre démenti : nous n’appartenons en aucun cas au « collectif Je ne veux plus rentrer chez moi de mouvance autonome ». Il est aberrant de pouvoir lire ceci dans la presse alors qu’aucun communiqué de notre part n’a été publié. Ce sont des propos prononcés par Delanoë qui n’était pas sur place lors des événements et qui, de fait, a inventé notre « appartenance » sans en avoir l’information (sans doute parce qu’il a des comptes politiques à régler avec ce collectif dont nous ignorions, nous les occupants, l’existence).
Des occupants, 2 mai.
dans l’Express, le 1e Mai :
L’Hôtel de ville brièvement occupé par plusieurs dizaines de personnes
« (...) Le maire de Paris, Bertrand Delanoë, a « condamné fermement ces comportements aussi absurdes qu’agressifs, qui loin de toute rationalité, ont visé la maison commune des Parisiens » .
Cette occupation a provoqué « quelques dégâts matériels » , a déploré M. Delanoë dans un communiqué, précisant que « la Ville de Paris sera évidemment conduite à déposer plainte » .
Le maire de Paris a salué « l’efficacité des policiers qui, de façon maîtrisée, ont su rapidement rétablir la situation » . Selon M. Delanoë, ces manifestants appartenaient au « collectif Je ne veux plus rentrer chez moi de mouvance autonome » .
Jeudi soir, un groupe similaire avait brièvement occupé la Sorbonne, avant d’être délogé sans incident par la police. Un des occupants de la mairie a expliqué à l’AFP que ce type d’actions était destiné « à pousser les salariés et étudiants à se mobiliser jusqu’à la grève générale » .
Une membre de la « Ronde infinie des obstinés » , une marche permanente organisée depuis le 23 mars autour de l’Hôtel de ville pour pousser le gouvernement à revoir ses réformes de l’enseignement, a dénoncé cette occupation, « totalement indépendante du mouvement dans l’Éducation » .
« Ce type d’action est de nature à fragiliser le mouvement enseignant et les rapports avec la mairie de Paris » , a déclaré Isabelle Ginot, enseignante à Paris VIIIe et membre du collectif des Obstinés. »
En complément on pourra lire : Instructions pour la manifestation du Premier mai
[1] « Nous manifestants du Premier Mai 2009, ne voulons pas nous en tenir à la marche habituelle. Nous occupons l’Hôtel de ville de Paris pour exprimer notre dégoût envers le gouvernement, qui n’écoute pas la colère de la population qui subit la crise. C’est pourquoi nous appelons les habitants, travailleurs, étudiants, précaires sans-papiers en France et ailleurs, à résister par la grève générale et par tout autre moyen. Les occupants, Paris, le 1er mai 2009, 22h »