mercredi 16 septembre 2009
Dernière modification : dimanche 2 mars 2014
La mobilisation contre Pôle Emploi [1], la CAF et le contrôle par les services sociaux de gestion des prestations sociales, a été ponctuée vendredi 3 juillet dernier par un rendez vous pour une visite collective à la CAF, en vue d’une annulation d’un « trop perçu » de plusieurs mois de RMI.
Au métro Nationale, nous rejoignons des participants au collectif pour des droits nouveaux, ils ont décidés de s’associer à l’action et de procéder à une nouvelle « décontamination des lieux de la grippe précaire », puis nous dirigeons vers la CAF.
L’allocataire concernée entre, accompagnée de quatre personnes, elle prend son numéro et va s’asseoir. Le reste du groupe, une bonne vingtaine de personnes, arrive quelques minutes plus tard, puis nous attendons l’entretien au guichet.
Assez rapidement, nous sommes repérés. Malgré l’ambiance détendue, les premiers policiers en civils ne tardent pas pointer le bout de leur talkies.
Les noms des allocataires reçus défilent sur l’écran lumineux. Nous ne manquons pas d’accompagner de nos encouragements chacun des appelés à se rendre à tel ou tel guichet.
Après une vingtaine de minutes, c’est le tour de l’embrouille de la CAF qui nous a amené là et nous nous dirigeons vers le guichet indiqué. Tandis que nous commençons à exposer le litige, la « décontamination » démarre. Certains s’adressent à la guichetière, d’autres entourent de rubans collants les vigiles, d’autres encore parlent avec les allocataires présents tout en distribuant des tracts.
Bien sûr, et comme à chaque fois, la guichetière nous demande de n’être que deux ou trois face à elle : l’allocataire concernée et un ou deux accompagnants. On ne lâche pas, nous ne serons pas moins de six à nous adresser à elle pour exiger l’annulation de l’indu.
Entre-temps, 8 cars de CRS ont pris position de part et d’autre de la CAF. À notre grande surprise et amusement, nous voyons passer de l’autre côté du guichet un flic en civil qui y semble naturellement à sa place, avec sa main sur l’oreille et l’autre dans son blouson.
Pendant que le directeur de la CAF puis la responsable technique des guichets et procédures nous répondent, les vigiles essaient de bloquer l’entrée aux allocataires qui arrivent. La petite foule dispute le contrôle de la porte. Les protestations permettront de la faire ouvrir à nouveau après 10 minutes de forcing. Les allocataires peuvent à nouveau entrer. On va quand même pas nous faire porter le chapeau des emmerdes subies par des ayant droit bloqués dehors par la direction.
Nous exposons le cas. L’Assedic a mis des mois à lui ouvrir ses droits à allocation-chômage. Elle a donc dépendu du RMI pédant ce temps. Et la voilà face à l’injonction de rembourser les RMI perçus. La CAF tente sa chance en exigeant ces sommes alors que les textes prévoient explicitement que la déclaration trimestrielle de ressources (DTR), c’est à dire les ressources effectivement perçues lors de la période en cause, serve de base au calcul des droits... Or cette allocataire n’a, à l’exception de quelques salaires ponctuels, pas eu d’autres ressources que le RMI. Et maintenant la CAF lui impute le coût de la lenteur, de l’obstruction et de la pingrerie des Assedic. C’est par delà la loi que la CAF essaie de faire du droit au RMI une forme d’endettement [2].
Ces magouilles de la CAF sont très fréquentes, quasi généralisées. Ils tablent sur l’absence de recours des ayants droits et le découragement pour réaliser des économies . Il faut dire que, lorsque recours il y a, c’est comme à l’Assedic, la CAF fait tout pour ne pas reconnaître ses torts, ne réponds guère sur le fond, histoire de l’escamoter et propose pour ça systématiquement un aménagement de la dette plutôt que son annulation (la question ne sera pas étudiée doit on comprendre, mais pourquoi l’admettre ?), quitte à assortir cette « proposition » d’échelonnement de menaces : « si vous contestez, on mettra en cause votre alloc logement ou votre ouverture de droits à alloc chômage, on lancera un contrôle, vous ne serez pas gagnant et avez tout à perdre ». Ils veulent ne proposent que des échelonnements, mais si vous êtes d’accord (forcés) d’accepter, ils considèrent que cela vaut abandon du lige, arrêt du tort éventuel. Dans de tels cas, on doit toujours stipuler par écrit qu’un recours est en cours, que cet acte signé pour des gains d’opportunité n’éteint pas la contestation de la décision, ni possibilité de lancer éventuellement une procédure. Mais qui le sait ? combien se font avoir ainsi ? La culpabilité et peur sont autant d’armes de gouvernement. Une des cnstantes auxquelles nous avons à faire, c’est l’emploi constant de la dénégation : ils pratiquent, on l’a vu avec ce cas, l’extorsion à l’encontre des ayants droit, mais les fraudeurs, c’est nous ; ils distillent la panique et l’inquiétude parmi les précaires, mais venir à plusieurs réclamer son dû relèverait de la « prise d’otages »... puisque c’est l’un des meilleurs moyens de défendre ses droits [3].
Finalement, lorsque la responsable réglementaire revient, elle admet que l’indu de 1582 euros ainsi que les 220 euros de « prime de fin d’année » réclamés par la CAF ne se justifiaient pas et les déclare annulés. Par principe et n’ayant ni les moyens de vivre de promesses ni de subir un revirement, nous exigeons alors une attestation écrite.
Nous avons obtenu l’annulation d’un indu qui n’en était pas un. Sauf que, les mois de RMI qui ont été versés par erreur par la CAF alors que l’allocataire avait pour sa part déclaré son changement de situation en signalant son ouverture de droit à allocation chômage, constituent, eux, un réel indu... Les indus sont effet le plus souvent le fait de la caisse- la responsable de guichet concède au collectif une remise gracieuse de dette, ce qui n’aurait probablement pas été le cas avec une démarche individuelle puisque la CAF est mandatée pour... récupérer l’argent qu’elle verse par erreur et plus si possible, on l’a vu).
Dune part les allocs asdic sont venues après le RMI et ce minima n’est pas un prêt. D’autres part, normalement, les allocations Assedic déjà perçues doivent faire l’objet d’une « « neutralisation des ressources » » par la CAF, ne pas être prises en compte lors de l’ouverture de droits au RMI. Mais il n’y a pas de petites économies lorsqu’il s’agit d’épargner contre les fauchés. Le caractère discrétionnaire de la « neutralisation des ressources« » troue le fragile tissu des droits. Là, nous sommes nombreux et insistants : la chef s’engage à ce que l’allocataire, dont les droits à allocation chômage sont épuisés depuis le 22 juin, se voit appliquer cette »neutralisation des ressources". Elle pourra donc toucher dès le mois de juillet les miettes du RSA
Il avait fallu presque 10 mois de démarches humiliantes auprès de la CAF et de Pôle Emploi pour obtenir par une action collective trois choses : l’abandon d’un faux indu inventé par la CAF, l’abandon d’un indu dont la CAF était responsable, l’ouverture du droit au minima social à laquelle se refusait la CAF. En une heure nous avons ainsi imposer une forme de continuité des droits [4].
La tentative d’extorsion de 2000 euros de la CAF finit par coûter des milliers d’euros de frais de Police : la doctrine de l’accompagnement individuel [5]devient plus gourmande encore en moyens matériels et humains lorsqu’il s’agit de suivre... un collectif. C’est tellement dangereux ces choses-là, qu’une soixantaine de policiers, dont 10 civils, aurons veillé sur nous durant l’action, puis nous aurons suivi longuement à la sortie de la CAF.
Nous n’accepterons plus que la CAF essaie d’extorquer le pognon des ayants droits, de nous bouffer notre énergie et notre temps. C’est collectivement que nous pouvons mettre en commun des savoirs et multiplier les expériences de résistance au contrôle de Pôle Emploi et de la CAF.
Avant d’agir en CAF, d’accompagner des allocataires, amis ou inconnus, une lecture conseillée : Salariés de la caisse d’allocations familiales, chômeurs, précaires résistons à l’entreprise CAF !
Digression sur le « suivi individuel » avec Kafka
Plutôt CAFards que CAFteurs. Visite de la CAF Rosny par quelques CAFards de Montreuil
RMI : « Jackpot » à la CAF de Rosny-sous-bois
Lutter construit la puissance du nous, mobilisons-nous pour de nouveaux droits sociaux
[3] Faire face aux institutions, ce la peut impliquer d’agir en pitt-bull, c’est à dire ne rien lâcher, de faire le flic et l’huissier, c’est-à-dire d’invoquer la loi et d’y rappeler et de constituer le plus de preuves possibles pour une éventuelle procédure... Plus généralement sur l’usage du droit : Se défendre, Michel Foucault et alii.
Après bien des soucis avec une Ville de Paris qui s’était pourtant engagée à nous reloger, la coordination a dû déménager pour éviter une expulsion et le paiement d’une astreinte. Nous sommes actuellement hébergés par la commune libre d’Aligre.
Pour partager infos et expériences, ne pas se laisser faire, agir collectivement,
passez aux permanences, les lundis de 15 à 18h au Café de la Commune Libre d’Aligre, 3 rue d’Aligre, Paris 12ème, Tel : 01 40 34 59 74