mardi 13 avril 2010
Dernière modification : jeudi 16 juin 2011
CAF et « fongibilité » contre les parents isolés et autres allocataires : sommes-nous broyables à l’infini ?
Tautologie du commandement capitaliste : la « fongibilité » est la qualité de marchandises ou de matières qui n’étant pas individualisées ne sont désignées dans un contrat que par leur espèce et leur quantité. La fongibilité caractérise donc au premier chef l’équivalent général qu’est l’argent.
Il s’en suit qu’une dette sociale mesurée en argent peut, comme les autres dettes, faire l’objet d’un remboursement en argent. Depuis qu’existe l’article 118 de la loi de financement de la sécurité sociale, entré en vigueur le 1er janvier 2010, la CAF peut piocher dans une alloc pour se payer le remboursement d’un « indu » en provenance d’une autre. Ça n’a l’air de rien ? Voyez plutôt...
Stéphanie est en embrouille avec la CAF depuis un moment. Contrôlée à domicile car elle est suspecte d’avoir un loyer trop élevé par rapport à sa situation déclarée. Avec deux enfants à charge, elle a loué une maison dans la banlieue nantaise avec le père de son deuxième enfant. Une rupture s’ensuit et sans emploi, donc sans bulletins de salaires, elle tente de rester dans cette maison, ne pouvant prétendre à une autre location.
N’ayant pas déclaré à la CAF le bénéfice d’une pension alimentaire pour son premier enfant s’élevant à 200 € par mois, elle est considérée comme fraudeuse. Ce qu’elle admet en acceptant un échéancier pour rembourser la somme réclamée de 2800 €, à raison d’une retenue de 45 € par mois sur ses prestations.
Tentant désespérément de se sortir de la merde, elle essaie de se mettre à son compte pour bosser à domicile dans le multimédia. Donc, elle se déclare aux impôts comme travailleuse indépendante mais ne réussit pas à décrocher le moindre contrat. Ce qui implique aucun revenu.
Mais pour la CAF, n’avoir pas signalé ce statut de travailleuse indépendante est une nouvelle fraude pour laquelle elle est pénalisée d’une amende de 150 €, ce qu’elle trouve injustifié car elle est sans aucun revenu.
De plus, ce statut d’indépendante implique un nouveau calcul des prestations, en particulier l’aide au logement, car elle n’est alors plus considérée comme demandeuse d’emploi.
Bref, cela implique une baisse de l’allocation logement au moment où la prise en compte de la pension alimentaire entraîne une baisse du RSA.
Elle tente de s’expliquer par courrier mais n’obtient aucune réponse. Mais tant qu’elle n’accepte pas la reconnaissance de cette amende, son RSA est suspendu.
Et on passe à la vitesse supérieure.
Consultant son dossier sur Internet, elle constate que pour le mois d’avril, il est mentionné un RSA à la baisse + une allocation de base à la baisse + l’allocation pour jeune enfant = un total MOINS la même somme ÉGAL ZÉRO pour le mois d’avril.
Désemparée, elle appelle la CAF pour obtenir des explications
Elle tombe sur un type relativement ouvert qui explique qu’il s’agit de la
« frangibilité » (sic), une nouvelle mesure que personnellement il déplore, comme d’autres agents de la CAF [nous appelons les agents de la CAF à témoigner sur et contre l’application de cette mesure, écrire à permanenceprecarite cip-idf.org ].
Avec son lapsus, ce salarié de la CAF a bien compris et dit de quoi il retourne en fait avec l’application de la fongibilité : est frangible, selon le Littré, ce qui est susceptible d’être rompu. Et, en effet, l’accord sur l’échéancier de remboursement est rompu, unilatéralement par la CAF, sans concertation ni même avertissement. Pour obliger, dit le correspondant de la CAF, les allocataires « fraudeurs » à rembourser plus rapidement leur « dette ».
La totalité des prestations retenues en avril ne couvre pas la dette et on peut logiquement s’attendre à ce qu’ils remettent ça les mois suivants...
Cet acharnement mène direct au caniveau.
Sous couvert de fongibilité on nous voudrait donc broyables à merci ? En théorie, un barème sur les « montants récupérables » en fonction du foyer aurait dû être pris en compte. Mais il est plus économique en temps de travail (les Caf sont, chacun le sait débordées : heures supp le week-end, temps chronométré pour traiter les dossiers, etc.) et en prestations versées de ne pas tenir compte de ce barème en cas de « suspicion de fraude »... souvent c’est « on bloque tout et on attend de voir » (cf. un autre agent de la CAF)
Au passage, le salarié de la CAF dit que lui n’a pas voté pour Sarkozy et, consultant le dossier, précise « ils vous ont dans le collimateur ».
Stéphanie nous dit alors que, lors du contrôle à domicile [il y en a 350 000 par an, ndr], le contrôleur avait tenu les mêmes propos soulignant « tant que vous n’aurez pas déménagé, ils ne vous lâcheront pas ».
C’est vrai que voir des pauvres louer un pavillon avec petit jardin, ça doit être choquant pour la CAF. Quand on est pauvre, il faut vraiment être dans la merde et que ça se voit.
Couper toute prestation est un bon moyen de vous y mettre, surtout avec deux enfants...
Tract distribué à la CAF de Nantes :
C’est le RENFORCEMENT DES PROCÉDURES PERMETTANT LE RECOUVREMENT DES INDUS DE PRESTATIONS SOCIALES : en vertu de l’article 118 de la loi de financement de la sécurité sociale entré en vigueur le 1er janvier 2010.
Cet article a pour objectif de faciliter la récupération des « indus », puisqu’il permet aux organismes débiteurs des prestations familiales de saisir l’indu d’une allocation sur les autres allocations versées à l’allocataire.
Dans ce processus de fongibilité sont inclus l’Allocation aux Adultes Handicapés (AAH) et le Revenu de Solidarité Active (RSA).
Or nous savons très bien que ceux qui touchent l’AAH ou le RSA vivent dans la précarité et survivent avec 711,95 € ou 404 € par mois et par personne (taux revalorisés en 2010).
Nous dénonçons cette loi qui s’attaque aux plus vulnérables d’entre nous, nous précipitant vers une plus grande précarité.
La guerre aux pauvres est bel et bien déclarée quand les plus riches bénéficient d’un bouclier fiscal qui, en 2009, a coûté 586 millions d’euros à l’État.
Comité contre le harcèlement des institutions totalitaires
contact : cchit mailoo.org
Appel à information :
À propos des diverses mesures qui accompagnent l’instauration du RSA, la permanence précarité de la coordination souhaite mieux rendre compte de ce qui se passe. Nous appelons les allocataires à raconter, résumer, exposer les expériences qu’ils ont eu à connaître directement ou indirectement :
Vous a-t-on appliqué cette fongibilité ?
L’évaluation du train de vie ?
Vous a-t-on réclamé la taxe d’habitation ?
Qu’avez vous perdu avec le RSA ?
Arrivez vous à obtenir la neutralisation de vos ressources lorsqu’il s’en produit ?
30 ans de crise, 3 heures de queue, MAIS que faire ? CAFards de Montreuil
Mini guide : étrangers, sans papiers, vos droits aux allocations familiales
CAF ?... Arrrrgh !!!! Allocation débloquée à la CAF de Rosny
Plutôt CAFards que CAFteurs. Visite de la CAF Rosny par quelques CAFards de Montreuil
RMI : « Jackpot » à la CAF de Rosny-sous-bois
Salariés de la caisse d’allocations familiales, chômeurs, précaires résistons à l’entreprise CAF !, Mcpl
La coordination a dû déménager le 5 mai 2011 pour éviter une expulsion et le paiement de près de 100 000 € d’astreinte. Provisoirement installés dans un placard municipal de 68m2, nous vous demandons de contribuer activement à faire respecter l’engagement de relogement pris par la Ville de Paris. Il s’agit dans les temps qui viennent d’imposer un relogement qui permette de maintenir et développer les activités de ce qui fut de fait un centre social parisien alors que le manque de tels espaces politiques se fait cruellement sentir.
Pour contribuer à la suite :
• faites connaître et signer en ligne Nous avons besoin de lieux pour habiter le monde.
• indiquez à accueil cip-idf.org un n° de téléphone afin de recevoir un SMS pour être prévenus lors d’actions pour le relogement ou d’autres échéances importantes.
Pour ne pas se laisser faire, agir collectivement :
Permanence CAP d’accueil et d’information sur le régime d’assurance-chômage des intermittents du spectacle, lundi de 15h à 17h30. Envoyez questions détaillées, remarques, analyses à cap cip-idf.org
Permanences précarité, lundi de 15h à 17h30. Adressez témoignages, analyses, questions à permanenceprecarite cip-idf.org
À la CIP, 13bd de Strasbourg, M° Strasbourg Saint-Denis
Tel 01 40 34 59 74