samedi 30 juin 2012
Dernière modification : lundi 27 juillet 2015
La succession de crises financières a fait violemment émerger une figure subjective qui était déjà présente mais qui occupe désormais l’ensemble de l’espace public : la figure de « l’homme endetté ». Les réalisations subjectives que le néolibéralisme [1] avait promises (« tous actionnaires, tous propriétaires, tous entrepreneurs ») nous précipitent vers la condition existentielle de cet homme endetté, responsable et coupable de son propre sort. Le présent essai propose est une généalogie et une exploration de la fabrique économique et subjective de l’homme endetté. (...) L’économie de la dette double le travail, dans le sens classique du terme, d’un « travail sur soi », de sorte qu’économie et « éthique » fonctionnent conjointement. Le concept contemporain d’« économie » recouvre à la fois la production économique et la production de subjectivité [2]. Les catégories classiques de la séquence révolutionnaire des XIXe et XXe siècles – travail, social et politique –, sont traversées par la dette et largement redéfinies par elle. Il est donc nécessaire de s’aventurer en territoire ennemi et d’analyser l’économie de la dette et la production de l’homme endetté, pour essayer de construire quelques armes qui nous serviront à mener les combats qui s’annoncent [3]. Car la crise, loin de se terminer, risque de s’étendre. »
Extraits de La fabrique de l’homme endetté, essai sur la condition néolibérale, paru aux éditions Amsterdam (2011).
La mise à disposition de cet essai incitera, nous l’espérons, à se procurer le livre, objet ô combien plus propice à l’attention requise par la lecture. Une occasion de renouer, au coeur des villes, dans des plate formes commerciales choisies pour la laideur de leurs axes constituants, avec l’ancestrale activité de cueillette.
Sommaire
AVERTISSEMENT
APPRÉHENDER LA DETTE
COMME FONDEMENT DU SOCIAL
Pourquoi parler d’économie de la dette plutôt que de finance ?
La fabrication de la dette
La dette porteuse d’un rapport de pouvoir spécifique
LA GÉNÉALOGIE DE LA DETTE ET DU DÉBITEUR
Dette et subjectivité : l’apport de Nietzsche
Les deux Marx
L’agir et la confiance dans la logique de la dette
Deleuze et Guattari : petite histoire de la dette
L’EMPRISE DE LA DETTE DANS LE NÉOLIBÉRALISME
Foucault et la « naissance » du néolibéralisme
La reconfiguration du pouvoir souverain, disciplinaire et biopolitique par la dette
La gouvernementalité néolibérale à l’épreuve de la dette : hégémonie ou gouvernement ?
La dette et le monde social
Antiproduction et antidémocratie
CONCLUSION
[1] Il est généralement fait bien peu de cas de ce qui distingue fondamentalement le néolibéralisme du libéralisme économique, la construction politique des conditions de la concurrence du « laisser faire ». Pour une approche qui prend en compte la spécificité du néolibéralisme, on pourra lire La mort du libéralisme, de Laurent Jeanpierre.
[2] Voir le désormais classique : La personne devient une entreprise, note sur le travail de production de soi, André Gorz.
[3] Ces combats ont pour contexte déterminant une modalité de gouvernement des populations, une conduite des conduites, qui a eu à se renouveler profondément, voir, par exemple : Le gouvernement des individus - Université ouverte 2008-2009.
On pourra par ailleurs :
• lire l’introduction aux éditions Italienne, Allemande et Japonaise de ce livre, Dette et austérité, le modèle allemand du plein emploi précaire.
• écouter une présentation de l’ouvrage, Sonore : La fabrique de l’homme endetté, essai sur la condition néolibérale.
Le texte de ce livre a été écrit lors d’une recherche collective sur la précarité et ses enjeux :
• Dette objective et dette subjective, des droits sociaux à la dette - Enquête collective
• La précarisation et le morcellement du temps - Enquête collective
• Déprolétarisation et nouvelle prolétarisation - Enquête collective
D’autres textes de Maurizio Lazzarato sont disponibles sur internet, dont :
• « Refondation sociale » patronale : Le gouvernement par l’individualisation, Maurizio Lazzarato