Pour les intérimaires et intermittents hors spectacle, la convention Unédic est un désastre

mardi 10 juin 2014
Dernière modification : samedi 14 mars 2015

Voici une explication de la façon dont travaillent les intermittents de la restauration. C’est aussi valable pour les chauffeurs, les hôtesses, les femmes de chambre, les plongeurs, les cuisiniers.

Je suis maître d’hôtel (c’est-à-dire que je coordonne une équipe de serveurs pour un traiteur par exemple) mais le plus souvent je suis serveuse. Mes employeurs sont des hôtels, traiteurs mais aussi des entreprises de restauration collective. Ils m’appellent personnellement quand ils ont besoin de moi et la plupart me font des bulletins de salaire sauf certains qui font faire les salaires par des agences d’intérim. Je travaille principalement sur du service de banquet dans le cadre de congrès, mariages, repas de direction dans des entreprises, mais parfois aussi pour des restaurants, à la carte.
Je travaille à la journée, pour des vacations qui peuvent aller de 5 h à 15 h par jour.

Je fonctionne de la même façon qu’un intérimaire, je travaille au jour le jour, je peux avoir 2 employeurs différents dans la même journée : un petit-déjeuner à un endroit, un dîner de gala ailleurs.
Lorsque ce sont les employeurs qui me payent directement, sur mon attestation assédic il est noté « fin de CDD » - en intérim, c’est « fin de mission ». Et ce point est très important pour la suite :

Le titre de l’annexe 4 actuelle (celle de 2011) est : « salariés intermittents, salariés intérimaires des entreprises de travail temporaire. »

Lors du projet d’accord du 22 mars, ce titre était toujours d’actualité.

Et le 14 mai, le titre de l’annexe 4 a changé, il n’indique plus que : « salariés intérimaires des entreprises de travail temporaire » avec la précision suivante :

- « aux salariés qui effectuent, chez un employeur, quel qu’il soit, une ou plusieurs missions de durée limitée qui leur ont été confiées par une entreprise de travail temporaire, dès lors qu’ils sont liés par un contrat de travail exclusivement à cette dernière entreprise. »

Alors que dans l’annexe actuelle (celle de 2011) il était précisé aussi :

- « aux salariés dont les activités professionnelles s’exercent, en raison de la nature même de ces activités, d’une manière discontinue." »

Ce qui en clair veut dire qu’avec la mise en place des « droits rechargeables », tous les contrats CDD, qu’ils durent 1 jour ou 1 mois, basculent dans le régime général.
Et que pour continuer à être dans l’annexe 4, il va falloir ne travailler que par l’intermédiaire d’agences intérim.

Il n’est plus tenu compte de la spécificité des contrats journaliers (alors qu’en intérim, dans le bâtiment ou l’agro-alimentaire par exemple, les contrats hebdomadaires sont renouvelés de semaine en semaine, parfois pendant des mois).

En ce qui concerne la perte financière :

en intérim, avec le nouveau calcul, ça va être entre 3 à 5 jours d’allocations journalières.

Mais pour les intermittents de l’annexe 4 qui passent dans le régime général, c’est la quasi totalité de leurs allocations qui seront perdues ! Sauf les mois creux où ils ne travailleront que quelques heures.

Voilà le calcul :

en annexe 4 actuelle, il faut effectuer au minimum 610 heures en 28 mois pour ouvrir les droits (pour les moins de 50 ans). Forfaitairement, une journée de travail = 10 heures. C’est très important.

On prend le montant des salaires brut (hors congés payés et indemnités de fin de mission) correspondant aux 610 h que l’on divise par 61, ceci donne le salaire journalier de référence (SJR). Si vous avez effectué 700 heures on divise par 70, etc...

Sur ce SJR, on prend 57.4 % et ça donne le montant de l’allocation journalière. Je vous fais grâce des cotisations sociales que l’on enlève ensuite...
Ensuite, pour calculer ce qu’on vous doit par mois, on prend le total des salaires brut gagnés au cours du mois (hors CP et IFM) que l’on divise par le sjr.
Le résultat donne le nombre de jours non indemnisés. Il suffit de déduire ce résultat de 30 ou 31 (selon le nombre de jours dans le mois) et de multiplier le résultat par le montant de l’allocation journalière pour savoir le montant versé par l’assédic.

Avec la future convention, en intérim, rien ne change pour le calcul du SJR. L’allocation journalière va passer à 57% du SJR. Mais pour le calcul mensuel ça devient : allocation mensuelle pour un mois complet (30 ou 31 fois l’allocation journalière) moins 70% des salaires brut gagnés dans le mois = montant de l’indemnité mensuelle. C’est là qu’il y a une perte de quelques jours d’indemnités.

Mais pour les intermittents qui passent au régime général, c’est la catastrophe :

le calcul des droits au régime général c’est toujours 610 h. Mais là où on prenait en compte 10% des heures pour le calcul, on passe en jours. Et au régime général une journée de travail = 5 heures. Et 610 h = 122 jours !

Donc le montant des salaires bruts est divisé par 122 au lieu de 61, ce qui fait un SJR divisé par 2.

Et c’est pas fini, là où on va prendre 54% du SJR pour les intérimaires, pour le régime général c’est 40.4% plus 11.64€.

un exemple : pour 6100€ de salaires brut : en intérim 100€ de SJR soit 57€ d’allocation journalière
au régime général 50€ de SJR soit 20.20€ + 11.64€ = 31.84€ !

Et comme le cumul salaire + allocation ne peut dépasser le montant mensuel du SJR, au régime général dès que l’on aura travaillé pour 1 500€ brut/mois, on ne touchera rien - alors qu’en intérim le seuil est porté à 3 000€ pour l’exemple ci-dessus.

J’espère que ce message va circuler car je me sens bien seule dans ce combat. C’est simple, j’ai l’impression d’être la seule intermittente non spectacle en France à avoir pris conscience de ce qui se passe !

Adresse originale de l'article : http://www.cip-idf.org/spip.php?article7158