Monsieur le Ministre, arrêtez de nous sauver !

vendredi 26 juin 2015
Dernière modification : mercredi 2 septembre 2015

Le Premier Ministre l’avait annoncé : « L’intermittence est sanctuarisée ! »

Voici pourquoi nous refusons de le croire

Rebsamen passe en force la loi relative au dialogue social et à l’emploi. Un texte de plus qui va frapper les travailleurs les plus fragiles et affaiblir leurs droits ! Et une fois encore, le forfait s’accompagne d’une communication mensongère complaisamment relayée dans les médias qui piège nombre de professionnels.
L’article 20 de la loi règle - définitivement selon François Rebsamen - la question de l’intermittence. Pour notre malheur, la promesse faite par Manuel Valls le 19 juin 2014 est tenue : le Premier Ministre avait déclaré pour justifier l’agrément de la convention d’assurance chômage son amour pour « celles et ceux qui font vivre la Culture ». Nous découvrons aujourd’hui qu’un crime passionnel peut être perpétré en bande organisée !

Le dialogue social selon François Rebsamen

Dans le préliminaire de sa loi, le ministre du travail déclare qu’il veut mettre fin aux conflits sociaux qui éclatent à chaque négociation de la convention d’assurance chômage, conflits dont il rend les intermittents du spectacle seuls responsables !
Nous pourrions faire remarquer au ministre que le meilleur moyen d’éviter ces conflits serait d’imposer une réforme plus juste au lieu de ratifier des accords inadmissibles. Pour nous faire taire, le ministre prétend que sa loi est un progrès alors qu’elle contribue au démantèlement de l’intermittence du spectacle. Rebsamen souffre visiblement de surdité sélective. En tout cas, il compte sur notre naïveté ou notre stupidité pour parvenir à ses fins.

Le but du Premier Ministre ? Sortir l’intermittence du débat !

Pour éviter les grèves, le sort des intermittents du spectacle sera désormais traité EN DEHORS de la négociation de l’assurance chômage. Rebsamen se veut rassurant en obligeant par la loi que « des règles spécifiques d’indemnisation des artistes et techniciens intermittents » soient annexées au règlement général d’assurance chômage. Pourquoi le faire puisque les annexes 8 et 10 existent déjà ? Il faut sans doute s’attendre à de profonds changements en 2016 : les droits rechargeables rendent en effet possible la disparition des autres annexes (intérimaires, pigistes...). ABSOLUMENT RIEN n’est imposé dans la loi sur le contenu de l’annexe traitant de l’intermittence, laquelle fera l’objet d’une négociation truquée.

La négociation annoncée est une mascarade

Les annexes 8 et 10 étaient « négociées » entre les partenaires sociaux (représentants patronaux et syndicaux, en charge de l’UNEDIC, l’organisation qui gère l’assurance chômage). La loi prévoit de confier la négociation de l’annexe aux représentants des salariés et des employeurs du spectacle, du cinéma et de l’audiovisuel. Cela peut apparaître comme une véritable révolution que nous devrions saluer comme telle. MAIS EN REALITE, IL S’AGIT D’UNE ENORME ARNAQUE !
Les marges de manœuvre des négociateurs de l’annexe seront ridicules ! La loi n’impose aucune règle. Ce seront donc les partenaires sociaux qui définiront ces règles (ce qui n’est pas dit) , tout comme ils imposeront le cadre de négociation ainsi que le budget (ce qui est annoncé). Si les négociateurs de l’annexe trouvent un accord, il faudra encore que celui-ci convienne aux gestionnaires de l’UNEDIC, lesquels auront dans tous les cas le dernier mot ! Le MEDEF continuera à tirer les ficelles, mais les représentants du secteur professionnel seront désormais rendus responsables du sort des artistes et des techniciens du spectacle.

Qui pourra négocier ?

Dans sa loi, Rebsamen plaque artificiellement les règles archaïques d’un « dialogue social » reposant sur la confrontation de 2 camps nécessairement adverses : le patronat d’un côté, les syndicats de l’autre. Cela va lui permettre de « faire le ménage ». Le résultat s’annonce désastreux. D’autant que certains syndicats professionnels ne seront que les courroies de transmission de leurs confédérations qui gèrent l’UNEDIC !
Pour les travailleurs, seuls les syndicats représentatifs siègeront. Exit la CIP (Coordination des Intermittents et Précaires) qui n’est pas un syndicat. Il faut dire que son analyse agace ! Rebsamen veut faire taire la CIP qui propose un modèle d’assurance chômage plus efficace , plus économique et plus juste , fruit de 12 ans de travail et de lutte.
Pour les employeurs , ce sera plus compliqué : la majorité des organisations professionnelles n’est pas assez clairement « patronale » pour être considérée comme représentative. Plusieurs acteurs majeurs ( l’UFICS et ses affliés, le SMA, le SYNAVI...) se retrouvent sans doute hors-jeu ! Seule la FESAC, fédération d’employeurs du secteur marchand, semble répondre aujourd’hui aux critères. Avec un tel tour de table, quels intérêts seront réellement défendus ?

Refonte de la liste des métiers, la volonté d’exclure

Le projet de loi n’est ferme et précis que sur un seul point : la REMISE EN CAUSE DE LA LISTE DES METIERS qui ouvrent accès à l’intermittence. Celle-ci doit être réduite d’ici au 31 janvier 2016. Interrogée au Sénat sur la question, la CIP a répété que c’était un non sens : aucun « métier » n’a vocation à être permanent ou intermittent , seule la pratique d’emploi est un critère recevable. Pourtant Rebsamen en fait un point essentiel de sa loi, prouvant qu’il traite un dossier qu’il ne connait pas et qu’il est totalement à l’écoute du MEDEF qui prétend qu’un métier qui existe hors du spectacle ou de l’audiovisuel doit relever du régime général dans tous les cas. Les électriciens sur les plateaux ont du souci à se faire. Ils ne sont pas les seuls !

Le piège implacable se referme

Une annexe « garantie » par la loi pour les professionnels du spectacle, du cinéma et de l’audiovisuel alors que les droits rechargeables permettent de faire disparaître les autres annexes, une négociation à part avec une « trajectoire budgétaire » (sic) prédéfinie pour l’indemnisation des intermittents, des règles du jeu qui sont totalement entre les mains du MEDEF : tout est en place pour que l’on s’achemine vers une caisse autonome restant sous tutelle des gestionnaires de l’UNEDIC. Si ce scénario se réalise, cette caisse autonome ne sera pas viable et c’est l’avenir même de l’intermittence qui est en cause. Le terme de sanctuarisation est bien choisi : beaucoup ont entendu que l’intermittence serait sauvée, mais il fallait entendre qu’elle serait sacrifiée !

Loi Rebsamen, loi scandaleuse

L’intermittence n’est qu’un des aspects de la loi Rebsamen : La « simplification » du dialogue social, au cœur du projet n’est qu’un recul des droits des travailleurs à se défendre ! Les instances représentatives sont affaiblies , notamment le CHSCT qui veille à la santé et la sécurité des travailleurs ! Les obligations de négocier et d’informer les salariés sont limitées. Rebsamen ment quand il prétend mettre en place une représentation des salariés dans les très petites entreprises. La loi réforme l’aide aux travailleurs très précaires en pénalisant les travailleurs étrangers écartés du dispositif.

Monsieur le Ministre, arrêtez de nous sauver !

Si nous ne réagissons pas, en juillet les jeux sont faits ! Rebsamen va passer en force son projet scandaleux. Il achève le sale boulot entamé en 2014 par la ratification de l’accord d’assurance chômage. Il le fait alors que des centaines de festivals et de structures meurent sous le coup des coupes budgétaires. Ce sont des milliers d’artistes et de techniciens du spectacle qui vont disparaître si nous restons passifs. La CIP n’a jamais cédé. Nous appelons aujourd’hui tous les professionnels, artistes et techniciens, à se mobiliser. C’est urgent pour chacun de nous !

CE QUE NOUS DEFENDONS , NOUS LE DEFENDONS POUR TOUS ET AVEC TOUS !

Coordination des interluttants 59-62
https://www.facebook.com/InterluttantsNordpasdecalais

Notes Cip-Idf

« Qui pourra négocier ?[...] Exit la CIP (Coordination des Intermittents et Précaires) qui n’est pas un syndicat. »

De fait, la CIP n’a jamais participé à des négociations mais a participé aux tables de concertation. Voir à ce sujet :
Éléments pour un bilan : La table concertative « intermittence » du 18 septembre. On en est où ? Quand est-ce qu’on dit non ?
Penser l’intermittence autrement - Texte lu lors de la réunion plénière des « tables de concertation » du 11 février 2015

Le rapport « Bâtir un cadre stabilisé et sécurisé pour les intermittents du spectacle » issu de ces rencontres de concertation flèche d’ailleurs les choses assez clairement en amont de la loi Rebsamen puisqu’il est dit page 25 « La seconde [question] porte sur la place qu’il convient de reconnaître aux acteurs non représentatifs. En la matière la démarche se doit d’être pragmatique. Sauf à déstabiliser les fondements mêmes du dialogue social et de la négociation collective, ils ne peuvent être placés au même plan que les organisations syndicales et professionnelles représentatives, ils n’en n’ont ni la légitimité ni les responsabilités. A l’inverse, les exclure purement et simplement de la démarche, sans chercher à les associer et les consulter lors de cette première étape, c’est les amener à exposer, sans nuance, leur position dans la rue et dans les médias en dehors de toute démarche constructive. C’est aussi ignorer l’expertise certaine de ces organisations. Il est donc proposé, après concertation avec les organisations représentatives, de les auditionner au titre de leur expertise. »

Cet alinéa concerne la CIP et la place qui lui serait allouée du point de vue de l’Etat.

- non, ils ne sont pas représentatifs et on n’entend pas leur critique du paritarisme

- oui, leur expérience peut être utile (cf CAP cité comme lieu ressource par Pôle emploi dans certains vademecums)

- oui, il faut leur laisser une place (dans la limite acceptée par les syndicats et organisations patronales) pour qu’il n’y ait pas de désordre social (une place pour une parole « auditionnée », comme il est dit plus loin dans le rapport au sujet du rôle des auditions préparatoires aux négociations... pour désamorcer mécontentement, annulations de festivals, etc.). La peur d’un mouvement social est très apparente dans cet alinéa.

Dette objective et dette subjective, des droits sociaux à la dette - Enquête collective

Adresse originale de l'article : http://www.cip-idf.org/spip.php?article7754