jeudi 26 novembre 2015
Dernière modification : vendredi 4 décembre 2015
Dimanche 22 novembre à Paris, 6 à 800 personnes ont réussi à passer outre l’interdiction de manifester - prévue par l’état d’urgence instauré par le gouvernement [1] suite aux attentats massacres [2] du 13 novembre à Paris - lors d’une manifestation en solidarité avec les migrants [3].
Le lendemain, la police fournissait au procureur une liste de 58 personnes présentées comme « identifiées » [4].
La communication préfectorale imputait aux manifestants d’avoir « détourné les forces de sécurité ». Le procureur de Paris, François Molins, s’est empressé de donner davantage de consistance à cette accusation de « détournement » en lançant des poursuites qui se sont traduites en urgence par 58 convocations au poste de police, avant d’annoncer au Conseil de Paris des « condamnations exemplaires ».
Les premières convocations ont eu lieu dès mardi 24 novembre. Des personnes solidaires présentes aux abords du commissariat du bd Bourdon (Paris 4ème) où elles se déroulaient ont été arrêtées avant d’être relâchées.
Nous apprenions dans le même temps qu’après des perquisitions opérées en région parisienne dans divers lieux occupés, des manifestants potentiels de la mobilisation contre la COP21 avaient subi - sous prétexte de « lutte contre le terrorisme » [5] - une perquisition mercredi 25 novembre au petit matin....
Deux des convoqués parisiens ont été placés en garde à vue lors de leur audition au commissariat Riquet ce 25 novembre [6]. Nous avons alors rédigé un communiqué de presse exigeant leur libération immédiate et l’arrêt de toutes poursuites éventuelles.
Nous n’oublions pas que les 1233 perquisitions administratives déjà réalisées visent à « taper large » comme l’a indiqué un responsable policier, taper large et d’abord parmi les pauvres, les habitants des banlieue et les immigrés/es. Non cette sécurité là n’est pas la première des libertés [7].
Lors d’une réunion à laquelle participait mardi 24 novembre une vingtaine des personnes convoquées par la police (certains avec des convocs posées à midi pour l’après-midi même), un bref texte a été rédigé :
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Contre les frontières, la misère et la guerre, il y a urgence à manifester
Le dimanche 22 novembre, nous nous sommes rassemblé/es à Bastille en solidarité avec les migrants/es. Nous sommes partis/es en cortège jusqu’à la place de la République, encadrés/es par un dispositif policier censé nous empêcher de manifester.
Dès lundi, la préfecture a annoncé avoir identifié 58 personnes. Mardi, plusieurs personnes ont reçu des convocations pour le jour même.
Nous ne sommes pas dupes que tout cela n’a qu’un but : empêcher les mobilisations prévues dans le cadre de la COP21 et les manifestations de soutien avec les migrants et migrantes à qui tous les gouvernements européens livrent une guerre sans merci.
Au-delà de savoir si les personnes convoquées répondront ou pas aux convocations, nous continuerons à exprimer notre solidarité avec celles et ceux qui chaque jour subissent la violence des flics, le racisme et la misère.
Prochains RDV dans la rue :
• Manifestations des lycéens et étudiants contre la COP21 : jeudi 26 novembre et vendredi 27 novembre à 11 heures, place de la Nation.
• Manifestation contre l’interdiction de manifester, Liberté de manifester - Liberté d’expression ! : jeudi 26 novembre à 18 heures, place de la République.
• Manifestation contre les frontières et pour la liberté de circulation : dimanche 6 décembre à 15 heures, place de la Bastille.
Paris, le 25 novembre 2015
L’assemblée en solidarité avec les migrants/es et les convoqués/es
L’appel qui suit a déjà recueilli plus de 2000 signatures :
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[1] Etat d’urgence : « une marge de manœuvre bien trop large est offerte aux autorités », Marie-Laure Basilien-Gainche, Professeur de droit public ; Etat d’urgence : Valls admet ne pas respecter la Constitution
, Politis.
[2] De telles atrocités sont immédiatement utilisées, exploitant la sidération provoquée par l’abjection meurtrière, pour nous faire communier dans une prétendue « unité nationale ». Contrairement à ce qui s’était passé en janvier dernier, diverses contributions ont rapidement contribué à relancer une pensée tétanisée par le chagrin et la peur, à partir de ces événements. On pourra lire, par exemple cet entretien documenté et synthétique avec Alain Bertho « C’est la politique comme mobilisation populaire et construction du commun que nous avons perdue et qu’il nous faut retrouver. », 26/11/15, Politis
[4] « La police a relevé l’identité de 58 d’entre eux qu’elle a transmis au Procureur de la République de Paris « pour application des suites judiciaires prévues par la loi ». Ils risquent jusqu’à six mois d’emprisonnement et à une amende de 7.500 euros.(...) « Dans un contexte de menace élevée, les manifestations sur la voie publique sont susceptibles de constituer une cible potentielle pour des actes de nature terroriste », insiste la préfecture. Mais la manifestation de dimanche a mobilisé « un important dispositif de sécurisation » de la part des forces de l’ordre, ce qui les a « détournées de leur mission prioritaire de sécurisation générale », explique la préfecture de police. » État d’urgence : la police dénonce 58 manifestants à Paris, RTl actu, 23//15.
[5] On sait la place que prend la fabrication de l’ennemi intérieur, une approche historique : L’ennemi intérieur, de la guerre coloniale au contrôle sécuritaire
[6] Premières gardes à vue pour participation à une manif sous l’état d’urgence, Paris Luttes Infos.
[7] La destruction des catégories historiques, la fabrication de l’insignifiance, la désorientation organisée pour enclore l’imaginaire, réduire l’avenir à une catastrophe, vont bon train. Ainsi ce qui a été défense collective contre l’arbitraire a été retourné en légitimation de l’arbitraire étatique, d’un nouvel absolutisme sécuritaire : « Transmise de génération en génération comme une chanson de geste politique, ballotée dans tous les coins de l’échiquier politique, la-sécurité-première-des-libertés est en réalité une grossière erreur d’appréciation. Présentée comme un héritage direct de la Révolution française, elle ressemble surtout à un contre-sens historique. En 1789, la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen affirme le droit inaliénable à la sûreté, qui protège le citoyen de l’arbitraire de l’Etat, et l’immunise contre les arrestations ou les emprisonnements arbitraires. En 2015, la sécurité, c’est précisément l’inverse. », un article qui comporte une liste de des occurrences avariées de la formule, de 1980 à novembre 2015 : La sécurité est la première des libertés, de Le Pen à Valls..." , 19/11/15, Télérama.
Et pendant ce temps...
« Assailli, blessé par la police, gardé à vue, placé en rétention... Nordine Touil, 31 ans, sans-papier marocain qui habitait au dessus de l’appartement visé par le Raid mercredi dernier à Saint-Denis, raconte, depuis le centre de rétention de Vincennes où il a été placé, sa semaine de « cauchemar ».Saint-Denis : « Le flic m’a dit : ’tu vas prendre trente ans’... »
« Ahmed, voisin des terroristes de Saint-Denis, a été blessé dans l’assaut [par une balle] du Raid à Saint-Denis, le mercredi 18 novembre. Terrible ironie du sort : à l’issue de son audition, il s’est vu remettre une obligation de quitter le territoire français... », Saint-Denis : le récit d’Ahmed, blessé dans l’assaut
Atteinte aux libertés publiques, perquisitions administratives, récits de cas, une revue de presse sur l’état d’urgence.