Adresse au mouvement social pour la prise en compte des plus précaires

jeudi 3 mai 2018
Dernière modification : jeudi 3 mai 2018


Des salaires inférieurs à 800€, des postes en CDD dont le renouvellement est soumis au caprice aléatoire d’un chef d’établissement ou d’un obscur bureau du rectorat : dans l’éducation nationale comme ailleurs, l’État organise la dégradation conjointe des services publics et des conditions d’emploi de celleux chargé.e.s de les assurer, en recourant massivement à des emplois précaires et sous-payés, n’hésitant pas au besoin à franchir allègrement les limites de la légalité.

Enseignant.e.s contractuel.le.s enchaînant tant bien que mal les remplacements à temps partiel ; mais aussi auxiliaires de vie scolaire en contrats aidés pour 680€ par mois, chargé.e.s d’assurer sans réelle formation l’accompagnement d’enfants handicapés ; surveillant.e.s et assistant.e.s pédagogiques payé.e.s 600€ en CDD d’un an, parfois soumis aux petit.e.s chef.fe.s qui décideront de leur réembauche ; agents administratifs jetables en CUI, chargé.e.s de traiter les plaintes des personnels précaires que le rectorat est fréquemment incapable de payer en temps et en heure. Il faut également mentionner tou.te.s les agents municipaux qui travaillent dans les écoles ; parmi elleux, les animatrices vacataires, dont le statut s’apparente à celui d’un travailleur journalier, sans aucun contrat de travail, envoyées chaque matin dans une école différente, sans aucune garantie du lendemain, pour une paye fréquemment inférieure à 600€.

Tous ces personnels assurent tant bien que mal des missions essentielles au fonctionnement des établissements, offrant souvent des heures de travail non payées (on habite loin, ça ne vaut pas le coup de rentrer chez soi pour un trou de 3 heures dans l’emploi du temps, alors on reste dans l’établissement, et autant se rendre utile...).

Rappelons que depuis le début de l’année, la suppression des emplois aidés (260 000 au total, dont 20 000 pour le seul ministère de l’Éducation nationale, auxquels il faut ajouter un très grand nombre d’agents municipaux qui travaillent dans les établissements scolaires), a constitué, dans l’Éducation comme ailleurs, une attaque d’ampleur contre des personnels parmi les plus fragiles. Les contrats arrivant à échéance sans qu’aucun dispositif n’ait pris le relais, leur disparition laisse les personnels sans solution et sans perspective, désorganise les établissements et les services administratifs, et dégrade les conditions d’accueil des enfants. Certains établissements sont allés jusqu’à recruter des services civiques, contrats d’engagements non renouvelables, hors de tout droit du travail : le remède est assurément pire que le mal.

Qui sont les personnes susceptibles d’accepter un poste rémunéré moins de 800€ ? Des chômeurs, et surtout des chômeuses de longue durée, des allocataires des minimas sociaux, ayant souvent la charge d’enfants ; des personnes pour qui la satisfaction des besoins les plus élémentaires (logement, nourriture, soins...) n’est plus assurée. Il y a là une immense armée de réserve, instrumentalisée par les employeurs, publics ou privés, pour éroder les statuts professionnels. De concert, le marché du travail et le système social s’assurent de sa docilité en organisant son étranglement économique et sa stigmatisation publique.

Les réformes promises par le gouvernement Macron, visent à accroître ces logiques de contraintes par le chantage à la survie  : à travers la loi dite « pour la liberté de choisir son avenir professionnel » (sic), il pose les bases d’un régime de terreur économique fondé sur un flicage kafkaïen des chômeur.euses.s et voudrait faire passer pour légitime la menace de suppression pendant plusieurs mois de toute ressource pour les supposé.e.s récalcitrant.e.s. Tout cela alors que l’étatisation de la protection chômage, avec le basculement des cotisations salariales vers la CSG, laisse présager à brève échéance la fin du système paritaire et une baisse importante des allocations, sur le modèle des réformes menées à l’étranger.

La loi ELAN, quant à elle, invente la flexibilité du logement, et inaugure des « logements à durée déterminée », non renouvelables, dont l’octroi sera conditionné à l’exercice d’un travail temporaire. Ceux et celles d’entre nous qui rencontrent de grandes difficultés à trouver un logement compte tenu des conditions exigées par les assurances des bailleurs, peuvent mesurer ce que de telles annonces peuvent avoir d’effrayant.

Ces mesures promettent une aggravation de la condition des plus pauvres, et une extension sans précédent de leur vulnérabilité matérielle et sociale. Or, dans une société inégalitaire et hiérarchisée comme la nôtre, cette aggravation est vouée à se répercuter de proche en proche vers les travailleur.euse.s mieux lotis, et à tirer vers le bas l’ensemble de l’échelle sociale. Les attaques en cours contre les chômeur.euse.s et les travailleur.euse.s précaires pauvres constituent donc à nos yeux une attaque contre l’ensemble des travailleur.euse.s, et une des principales menaces pour le rapport de force global sur le marché du travail.

Puisque les logiques à l’œuvre dans l’Éducation nationale se retrouvent dans tous les secteurs, nous appelons à un mouvement plus large, pour endiguer le processus global de régression sociale en cours. Nous considérons que le relèvement des seuils garantis à ceux et celles que l’économie relègue aux situations les plus précaires, constitue une condition nécessaire pour sécuriser l’ensemble des travailleur.euse.s et leur redonner des marges de liberté face à leurs employeurs, à l’État ou à leurs conjoints. Nous proposons donc un socle stratégique de revendications communes afin de relégitimer et renforcer les mécanismes de protection sociale qui constituent notre assurance collective, et de reprendre la main contre leur monde, en réaffirmant nos solidarités face à l’isolement dans lequel ils veulent nous installer.

Nous revendiquons pour les précaires de l’éducation :
• Un salaire digne de ce nom.
• Titularisation sans condition de diplôme, de concours ni de nationalité des personnels en poste dans l’Éducation nationale et dans toute la fonction publique.
• Des formations qualifiantes, rémunérées et entre travailleur.euse.s.

Et nous appelons l’ensemble des secteurs en lutte, cheminot.e.s, salarié.e.s de la grande distribution, de l’énergie, éboueur.euse.s, postier.e.s, étudiant.e.s, fonction publique... à élargir leurs revendications pour endiguer la dynamique d’effritement par le bas du rapport de force avec les employeurs. Exigeons  :
• Au minimum, doublement des minima sociaux, afin de faire pression à la hausse sur l’ensemble des salaires.
• Fin de toute obligation pesant sur les allocataires du RSA. Arrêt pur et simple des radiations, sauf sortie du dispositif RSA en raison de revenus suffisants.
• Individualisation des minima sociaux (prise en compte des revenus des individus et non du foyer.)
• Retrait de la réforme de l’assurance chômage. Fin de toute obligation en contrepartie à l’allocation de retour à l’emploi. Suppression des entretiens obligatoires à Pôle Emploi. Les chômeur.euse.s rencontreront leurs conseiller.e.s lorsqu’ils estimeront en avoir besoin.
• Retrait de la loi ELAN. Suppression du seuil maximal de 33% d’effort et de la condition de CDI imposée par les assurances loyers impayées aux locataires. Encadrement des loyers. Accès de tous à un logement décent.

CNT - Fédération des travailleurs et travailleuses de l’éducation

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Adresse originale de l'article : http://www.cip-idf.org/spip.php?article8984